Chapitre 43 : Le goût des larmes
Harry se leva de bonne heure ce matin-là, et se rendit directement à la volière. Sa petite chouette noire avait bien grandi, et le salua par un pincement affectif. Harry rit doucement et s'assit sur le sol de pierre. Pendant plusieurs minutes il observa le ballet des chouettes et hiboux revenant de la chasse ou partant se dégourdir les ailes. Rester ici à regarder les oiseaux lui faisait du bien. Il avait passé une semaine difficile, essayant d'éviter au maximum ses amis mais n'y arrivant absolument pas. Que ce soit pour travailler, manger, ou même les cours, il y avait toujours quelqu'un avec lui. Hermione avait abandonné l'idée de venir le voir, et même si cela soulageait l'élu il avait toujours un pincement au cœur en la voyant détourner le regard en sa présence. Ron ne comprenait pas trop mais avait décidé de laisser son meilleur ami tranquille, et Harry l'en remerciait intérieurement. Il était donc à côté de Drago pour la plupart des cours, comme depuis le début de l'année, et parlait le strict minimum aux autres, et pourtant il ne trouvait pas ça suffisant. Le vol avec les sombrals une semaine plus tôt lui semblait si lointain, mais le souvenir était bien là, encore brûlant. Une chose si simple pouvait-elle procurer autant de bonheur ? Si c'était une parenthèse dans une vie entière qui n'avait rien de banal, oui. Il avait profité de cet après-midi en oubliant le monde entier, mais le retour à la normale faisait mal. Et le retour à ses résolutions aussi. Parce qu'il avait toujours peur d'être ce dégénéré capable d'être violent avec ses amis.
Le soleil était déjà haut dans le ciel quand Harry entendit la voix bien reconnaissable de Pansy. Elle criait quelque chose d'incompréhensible, qui déclencha des rires. Harry risqua un œil par une des ouvertures dans le mur et vit tous les 8es années se diriger vers la volière. Une lueur d'espoir s'alluma dans le cœur du Gryffondor, mais elle fut bien vite éteinte lorsqu'il remarqua qu'ils s'étaient arrêtés à deux pas de la volière, autour de Dean. Personne ne semblait remarquer son absence, et même si une partie de son cœur s'en réjouissait, l'autre le prenait comme un coup de poignard. Serrant les dents, Harry se retourna et reprit sa position initiale, dos au mur. Qu'ils continuent sans lui, c'était bien mieux pour eux. Il ne pouvait pas ne pas entendre ce qu'ils disaient, puisqu'ils étaient proches, et il dût se mordre les lèvres pour ne pas crier.
- Alors, je vais vous apprendre à jouer à un jeu moldu : le football, donc on a ici la balle ...
- La balle ? l'interrompit Ron. Mais, quel est l'intérêt de se ruer à autant sur une seule balle ?
- Et elle fait quelque chose de spécial, cette balle ? Demanda Pansy, dédaigneuse.
- Y a combien de personnes par équipe ? Intervint Suzanne.
Les questions fusèrent dans tous les sens, et Dean ne pouvait répondre à aucune tellement il y en avait. C'est finalement Seamus qui le tira d'affaire, utilisant sa voix puissante pour crier :
- Stop ! Laissez-le finir d'expliquer, c'est son projet, alors respectez ce qu'il montre, ok ?
Son projet ? Et il le faisait sans même s'assurer que tout le monde était bien là ? Ils n'étaient que onze dans la maison Dumbledore, c'était quand même facile à vérifier, non ? Une larme échappa à Harry et finit sa course en s'écrasant sur le sol. Que c'était douloureux de voir comment ses amis pouvaient continuer à vivre sans lui ... Continuer à vivre, à rire, parler, tout faire ... Sans lui, sans même remarquer son absence, comme si au fond il n'avait jamais été là ... Il n'était pas indispensable, loin de là, mais cela n'allégeait pas le poids qui écrasait son cœur depuis qu'ils étaient arrivés. Il cacha sa tête dans ses bras, essayant de chasser ces pensées négatives. Le football commença rapidement, de ce qu'il pouvait entendre, et plus le temps passait plus il avait mal. Un goût métallique envahit sa bouche alors qu'il essayait de retenir ses larmes en se mordant les lèvres. Il avait fini par se couper, et il releva la tête dans le but de soigner cette petite blessure.
Quelle ne fut pas sa surprise quand il vit Drago dans l'encadrure de la porte, les bras croisés négligemment sur sa poitrine, ses yeux acier ne quittant pas Harry. Ce dernier essuya hâtivement ses larmes, espérant que le blond ne dirait rien à ce sujet, mais il vit au regard du Serpentard que c'était peine perdue. Drago souffla d'exaspération, mais avec un petit sourire presque amusé, et s'approcha de l'élu. Il s'assit sur une caisse en bois qui traînait au milieu de la pièce et attendit que le Gryffondor parle, sans le quitter une seule seconde du regard.
- Te sens pas obligé de faire la charité, Malefoy.
- C'est comme ça que tu m'accueilles, alors que je t'ai vu pleurer comme une petite fille ? Tsss tsss tsss ... On ne t'a jamais appris les bonnes manières, Potter.
Il éclata de rire au regard noir que lui lança Harry, et ne s'arrêta pas avant que le brun se lève et aille s'asseoir à côté de lui sur la caisse. Leur proximité le fit légèrement rougir et il pria silencieusement que Drago ne le remarque pas.
- Qui t'a fait pleuré ? Demanda brusquement le Serpentard.
- Personne.
- Tu ne pleures pas tout seul. Tu es faible, je sais, mais pas tant que ça. Alors dis-moi qui t'a fait pleuré.
Son ton était froid et sans appel et arracha un frisson à Harry. Il avait l'impression de retrouver son ennemi de toujours, froid et hautain avec ceux qui l'entouraient. Sauf que cette fois-ci la haine qui faisait trembler légèrement le fond de sa voix n'était pas dirigée contre le brun, mais contre quelqu'un d'autre.
- C'est vraiment moi, Malefoy ... Je ne mérites pas de vivre avec vous ...
- Dis pas ça, Harry. Le coupa Drago. Il n'y jamais une question de mériter de vivre ou pas. Tu vis ou tu es mort, c'est un fait. Ce n'est pas quelque chose à mériter, sinon crois moi certains ne mourraient sûrement jamais, et d'autres n'auraient sûrement jamais existé.
- Je sais, mais je sais aussi qu'en restant ici parmi vous je vais vous blesser, et je ne veux pas. Je ne veux plus qu'on compte sur moi, qu'on m'aime, qu'on me considère comme vivant ... Pourtant c'est si douloureux ...
- Mais pourquoi tu t'enfuis si c'est si douloureux ? s'écria le blond. La vie, pour tout le monde, c'est aimer et souffrir, c'est rire et pleurer ! Et c'est pas parce que tu as peur de nous faire souffrir une seule fois que tu dois disparaître ! Merde à la fin ! Tu réfléchis, parfois ?
Ses yeux verts brouillés de larmes, Harry leva la tête et regarda son voisin. Il paraissait réellement en colère et le brun crut même discerner une larme au coin de ses yeux. Ses lèvres fines étaient pincées, presque menaçantes. Et le silence du Gryffondor énerva encore plus son ami, qui explosa :
- Explique moi qui dès le premier jour de l'année m'a donné une seconde chance ? M'a donné la possibilité que je n'étais pas qu'un Mangemort assoiffé de sang et de souffrance ? A veillé sur moi toute l'année ? A tout fait pour que je ne sois pas tout seul, exclu parce que les autres pensaient que je ne méritais pas d'être parmi eux ? C'est toi, Harry, toi et personne d'autre. C'est toi qui m'a expliqué que je méritais de vivre. C'est toi qui m'a fait comprendre que cette seconde chance, je l'avais gagnée, et qu'il ne fallait pas ressasser le mal que j'avais pu vous faire et que je pourrais encore vous faire ! Et tu es là maintenant à m'expliquer que toi, tu ne mérites pas d'être parmi nous, alors que pas une seule fois tu as blessé intentionnellement l'un d'entre nous ? Je ne te comprends pas, Potter.
Son ton était redevenu glacial, et ses yeux lançaient des éclairs. Sous le choc de ces mots, Harry se mit à pleurer. Il n'avait pas réalisé ça, et il était juste là, plus torturé que jamais entre son envie d'épargner Drago et cet élan d'affection qu'il ressentait envers le sorcier aux traits fins. Les bras chauds et rassurants du blond l'entourèrent rapidement et il sentit immédiatement sa respiration se calmer. Le souffle du Serpentard lui caressa la nuque alors que ce dernier chuchota :
- Ce que je veux dire, Harry, c'est que tu mérites de vivre, tu mérites d'aimer et d'être aimé. Alors s'il te plaît, ne fuis plus, ne te caches plus, et va voir les autres. Tu nous fais plus de mal par cette absence que par ta présence, alors s'il te plaît, reviens ...
Les doigts fins de Drago se glissèrent sous le menton de l'élu et le soulevèrent pour que les yeux émeraude arrivent au niveau du regard intimidant du Serpentard.
- C'est bien toi qui disait qu'aimer, c'était vivre, non ? Alors, sache, Potter, que c'est toi qui me fait vivre.
En un instant ses lèvres fines se posèrent doucement sur celles d'Harry. Alors que ce baiser prenait le goût des larmes qui coulaient sur le visage du brun, une explosion de sensations retentit au creux de son ventre. Une vague de chaleur le parcourut de la tête aux pieds alors qu'il sentait un immense vide se faire dans son cœur. Résistant à cette envie de ne plus jamais abandonner la douceur de ces lèvres, Harry se recula d'un coup, provoquant l'envol de deux chouettes derrière lui. Son cœur battait la chamade et un autre sentiment se superposait à tout le reste, et bientôt une colère froide s'empara de lui. Drago, après s'être remis de la surprise, avait enfilé à nouveau ce masque hautain et regardait le jeune sorcier avec mépris.
- T'es content de toi Malefoy ? T'as pu te foutre de ma gueule encore une fois ? T'aimes bien ça en vrai non ? Avoir le monde à tes pieds, et les frapper là où ça fait mal. Tu sais bien faire, et tu sais trouver le bon moment aussi, bravo je te félicite. Tu dois être heureux d'apprendre que tu m'as fait plus mal que tu ne l'as jamais fait ?
Le serpentard ne répondit rien, gardant son visage aussi impassible qu'une statue. Les larmes n'arrêtaient pas de couler sur les joues d'Harry, qui fut pris d'une soudaine envie de vomir. Les derniers mots de Drago, froids et creux, lui firent l'effet d'un coup de poignard dans le dos.
- J'étais juste venu te chercher Potter. Ils font un jeu moldu dehors, ça devrait te plaire.
N'attendant pas plus, Harry se rua dehors, mais ne rejoignit pas les autres. Il partit en courant vers la forêt, où il se laissa tomber à genoux. Des larmes de douleur se mélangeaient à la colère et à la honte. Il toucha du bout des doigts ses lèvres où quelques instants plus tôt celles parfaitement dessinées du Serpentard s'étaient trouvées. Rien qu'à la remémoration de cet instant une nouvelle vague de chaleur parcourut son corps, mais de nouvelles larmes s'échappèrent. Il y avait quelque chose en Harry qui le renvoyait toujours chercher la compagnie du blond, et il ne s'en rendait compte que maintenant. Toute l'année, ils s'étaient rapprochés. Toute l'année, Harry s'était attaché à cet imbécile. Et il s'était montré encore plus stupide d'avoir l'espoir que Drago change, et pire encore, que Drago puisse l'aimer en retour. Et il était là, honteux d'avoir eu cette étincelle d'espoir alors qu'il l'avait vu à l'entrée de la volière ... Mais cette froideur, ce dédain ... Il n'y avait pas de doute, encore une fois Drago avait montré sa nature, il était revenu à ce qu'il s'était toujours passé entre les deux sorciers : une haine sans limite. Sauf que cette fois-ci, le jeu avait changé, et Harry se retrouvait à pleurer dans les bois pour un amour sans espoir, qui lui avait redonné le goût de la vie inconsciemment, et qui venait de le redescendre plus bas que terre par une ultime moquerie. Un rire amer se fraya un chemin à travers ses larmes lorsqu'il essaya de visualiser sa situation. Plus rien n'avait de sens, comme cette relation qu'il s'était surpris à espérer un court instant finalement. Il fallait qu'il passe au-dessus, encore une fois. L'histoire se répétait, et encore une fois il allait devoir se relever seul. Il ne pourrait pas en parler à qui que ce soit, personne ne comprendrait comment lui, le survivant, pouvait aimer un ancien mangemort. Même lui ne comprenait pas vraiment. Ou alors il ne voulait pas comprendre, essayant de ne pas penser à ces nuits passées auprès du Serpentard. C'est le cœur serré que le Gryffondor revint vers le château ce soir là, son esprit rejouant sans cesse ce baiser volé, comme pour lui rappeler que cette relation n'était pas possible.
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