Chapitre 36 : La Fontaine en colère


La grande salle était particulièrement bruyante ce matin-là. Les 8es années ne faisant pas exception, toute la tablée semblait ne pas pouvoir tenir tranquille sur les longs bancs en bois. Autour d'eux les élèves étaient plongés dans une profonde agitation, apparemment mal à l'aise dans leurs tenues parfaitement ajustées et d'une propreté impeccable. Les plats brillaient bien plus qu'à l'ordinaire, et les armures partout ailleurs dans le château étincelaient de mille feux. Même les professeurs s'étaient mis sur leur trente-et-un. Dans sa robe vert émeraude, Mac Gonagall jetait des regards partout dans la salle pour y repérer le moindre défaut, pendant que ses mains se tordaient nerveusement. Les fantômes étaient tous réunis près de l'entrée et parlaient bas et vite, ce qui intrigua Harry. Le Gryffondor ne pouvait pas détacher ses yeux de l'entrée, impatient de les voir arriver.

Le silence se fit d'un coup dans la salle, et de là où il était l'élu pouvait entendre le bruit de pas dans les grands couloirs en pierre. Et un homme d'une quarantaine d'années apparût dans l'embrasure des grandes portes, suivi immédiatement d'un petit groupe d'élèves. La première chose de remarquable chez eux était leur uniforme. Ils portaient tous de longues capes bleues nuit au bordures couleur or, avec un nœud gordien brodé en fil d'or sur le cœur. En dessous, leurs uniformes étaient semblables à ceux de Poudlard, c'est-à-dire une chemise avec une cravatte, qui devait être aux couleurs de leurs maisons. L'intérieur de leurs capes, ainsi que leurs pulls étaient d'un rouge sang, et l'alliance du bleu et du rouge dans leurs tenues contrastait énormément avec les tenues entièrement noirs que portaient les anglais. Le groupe traversa la salle sous les regards timides des élèves de Poudlard, et lorsqu'ils étaient enfin assez près Harry put distinguer les différentes couleurs de cravates. Se rapprochant énormément des couleurs de sa propre école, il reconnût du rouge, du bleu, du vert et une espèce de orange, le tout à chaque fois souligné par des coutures en fil d'or.

Alors qu'il passait devant la table de la maison Dumbledore, l'homme à la tête du groupe marqua un temps d'arrêt en considérant les élèves qui y étaient et ses sourcils se froncèrent. Il repartit d'un pas décidé vers l'estrade où l'attendait Mac Gonagall, les lèvres pincées. De là où il était, Harry pouvait entendre ce qu'il se disait entre les deux sorciers.

- Bienvenue à Poudlard, Agilbert. Dit Mac Gonagall. J'espère que le voyage a ...

- Laissons-là toutes ces formalités. La coupa Agilbert. Je veux des explications sur la présence de ces élèves.

En disant cela, il montrait la table de Dumbledore, où les 8es années ne perdaient pas une miette de la confrontation.

- Allons, nous aurons tout le temps d'en discuter plus tard, je pense qu'il vaut mieux s'occuper de ces jeunes élèves qui doivent être affamés.

Sans attendre de réponse de l'homme en face de lui, la directrice se plaça devant le pupitre où Dumbledore s'était plusieurs fois tenu, et utilisa un sort pour amplifier légèrement sa voix et couvrir le brouhaha qui s'était installé dans la salle depuis l'arrivée du groupe.

- Je souhaite la bienvenue à mon homologue américain, Professeur Fontaine, qui est le directeur de la fameuse école d'Ilvermorny. Je compte sur vous, chers élèves de Poudlard, de faire honneur à votre école et d'accueillir vos camarades comme il se doit. Afin de répartir judicieusement les élèves dans les maisons, nous avons décidé que les élèves iront avec les 4es années des maisons leur correspondant le plus, c'est ainsi que les élèves de la maison Womatou iront avec ceux de la maison Gryffondor. Vous pouvez y aller, c'est la table aux bannières rouge et or. Ensuite, les Oiseaux-Tonnerre iront chez Serdaigle, aux couleurs bleu et argent. Les Puckwoodgenies pourront aller avec les Pouffsoufle, en jaune et noir, et enfin les Serpents Cornus iront avec les Serpentards, en vert et argent. Maintenant, bon appétit !

Elle claqua deux fois ses paumes et les plats préparés par les elfes de maison apparurent sur la table, et bientôt le bruit des couverts emplit la grande salle. Harry vit du coin de l'œil Agilbert Fontaine et Mac Gonagall parler avec agitation. Il tendit l'oreille en même temps de manger ce qu'on lui avait mis dans son assiette.

- Mais enfin Minerva, qu'est ce que c'est que cette histoire ?

- Agilbert, je pense que tu n'as pas ton mot à dire là-dessus, jusqu'à nouvel ordre c'est moi qui gouverne cette école.

- Oui mais enfin ... Une nouvelle maison ! En noir et blanc, et que des élèves trop âgés ! Je les ai reconnus, ceux qu'on appelle le « Trio d'or » ! Ils ne devraient plus être à l'école, je me trompe ? Alors que font-ils là sous les couleurs d'aucune maison ?

- Ils appartiennent à une maison.

- Ah oui, et laquelle ?

- La maison Dumbledore.

De là où il était, Harry vit le visage de l'homme se décomposer. Il en profita pour le détailler. Ses cheveux argent étaient tirés en une queue de cheval basse, laissant entrevoir une longue estafilade sur sa joue droite, partant du dessus de l'oreille. Portant une robe entièrement rouge aux coutures dorées, il arborait un énorme nœud gordien dans le dos, fait d'une corde fine aux fils d'or. Sa mâchoire était contractée sous l'énervement, renforçant les traits durs de son visage. Ses yeux gris acier étaient froids et rendus méchants par les sourcils épais qui les couvraient, et ses lèvres fines étaient tordues en une grimace étrange.

- Tu oses déshonorer ainsi la mémoire d'Albus ...

- Non, Agilbert. Je ne fais que lui rendre hommage. Ces élèves étaient les siens, et il aurait voulu qu'ils puissent passer leur diplôme, même avec la menace du mage noir. Et je fais en sorte que son vœu soit exaucé, c'est tout. Et je te rappelle encore une fois que je suis la directrice de cette école, et que tu ferais mieux de contrôler ce qu'il se passe de l'autre côté de l'océan plutôt que de mettre ton nez dans des affaires qui ne te concernent pas. Bon appétit, Agilbert.

Et elle laissa ainsi le directeur d'Ilvermorny sans lui laisser l'opportunité de réagir. Harry avait déjà lu quelque part l'admiration que vouait l'américain à l'ancien directeur de Poudlard, mais il était étonné de voir une réaction si excessive de sa part. Il remarqua avec une pointe d'étonnement que le sorcier regardait leur table et détourna vite les yeux, pour ne pas attirer plus l'attention sur lui. Comment avait-il fait pour reconnaître le trio d'or ? L'histoire était-elle arrivée jusqu'aux États-Unis alors que même en Angleterre tout le monde n'était pas au courant ? Certes, Harry était l'élu, le héros de la guerre, la figure même de la résistance, mais il n'imaginait pas avoir eu un si grand impact dans le monde des sorciers. Il termina son repas distraitement, perdu dans ses pensées. Autour de lui les autres 8es années, à qui le week-end camping avait fait beaucoup de bien, discutaient joyeusement de cette école de l'autre côté de l'Atlantique. Peu à peu, les élèves montèrent dans les couloirs du château, laissant la grande salle de plus en plus silencieuse. Harry croisa les yeux de la directrice, qui discutait encore avec Agilbert, et cette dernière lui fit signe de venir. Alors qu'il se levait, Hermione et Ron se levèrent avec lui, comme par réflexe, et finalement toute la table était debout autour du Gryffondor, et ils partirent vers la table des professeurs, comme un seul homme.

- Harry Potter ! Quel honneur de vous rencontrer !

La main que lui tendait le directeur d'Ilvermorny était pâle et large, mais Harry ne la saisit pas. Cet homme ne lui inspirait pas confiance, et son instinct avait souvent raison. Il sentait la présence de ses amis derrière lui et il leur en était infiniment reconnaissant à cet instant. Il sentait sur lui le regard pesant des deux directeurs, et il sentait par-dessus tout une méfiance au plus profond de son cœur. Il ne savait pas pourquoi, mais il se sentait comme un chiot faisant face à un loup, et rien en ce loup qui ne montrait pas les dents ne lui inspirait confiance.

- Alors euh ... Vous avez donc une maison à vous tous ?

- Oui.

C'était Drago qui avait répondu et qui s'était placé légèrement devant, et de l'autre côté d'Harry Hermione et Ron s'étaient aussi avancés. Tous regardaient le directeur américain avec les yeux pleins de méfiance.

- Et euh ... Vous ... Quelles sont les particularités de ... cette maison ?

- Ce qui correspond à son nom, ce que Dumbledore aurait voulu : L'unité et la neutralité, c'est tout.

C'était Hermione qui avait répondu, et pendant qu'elle parlait les yeux du sorcier n'avaient pas lâchés l'élu. Quelque chose en ce regard acier semblait sonder Harry au plus profond de lui-même, et il se balançait d'un pied sur l'autre, mal à l'aise, ses pupilles émeraudes ne sachant pas où se fixer. Agilbert posa encore quelques questions sans intérêt sur la maison Dumbledore, comme s'il cherchait à gagner du temps. Même Mac Gonagall semblait se rendre compte qu'il y avait quelque chose de louche et regardait son homologue avec un air presque contrarié. Au bout d'un certain moment, Drago s'avança d'un bas et se plaça juste devant le directeur. Il le dominait d'une tête et son air menaçant n'échappa pas à l'américain. Il dit d'une voix froide et pleine de dégoût, les yeux fixés sur le sorcier.

- Monsieur Fontaine, je crois que vous pourrez poser les questions directement à notre directrice. Pour le reste, ça ne sert à rien de faire semblant de vous intéresser à une maison alors que vous ne vous intéressez qu'à un seul élève, aussi brillant soit-il. Bonne soirée à vous.

Et sur ces mots il tourna les talons et fut rapidement suivi des 8es années, toujours agissant comme un seul homme. Harry mit un peu de temps à réaliser ce qu'il s'était passé, mais à ce qu'il voyait il n'était pas le seul, et aucun des deux directeurs ne prononça un mot.

De son côté Harry se demandait d'où sortait le dégoût dans la voix du blond. Était-il en colère contre lui pour attirer toute l'attention de Fontaine ? Était-il jaloux ? Il chassa toutes ces questions, incapable d'y répondre, et se dépêcha de rattraper ses amis dans les longs couloirs vides. En arrivant dans la salle commune, il les trouva tous réunis sur les canapés devant le feu, dans une discussion plutôt animée.

- Celui-là, il l'approche encore une fois, je l'étripe ! s'écria Ron.

- Tu m'en laisses un bout, s'il te plaît, que je lui fasse une autre cicatrice.

Harry était étonné de voir même Suzanne menacer quelqu'un comme ça, et cela lui fit froid dans le dos. Toujours mal à l'aise par rapport à Drago, il allait s'asseoir dans un fauteuil à l'opposé du blond quand ce dernier déclara :

- Ce qui est sûr, c'est qu'il veut quelque chose d'Harry, et que faut pas qu'il l'aie.

- Thanks Captain Obvious. Railla Dean. On est au courant et ...

- Euh, de quoi vous parlez ?

Toutes les têtes se tournèrent vers Harry qui venait de prononcer cette phrase. À moitié en train de s'asseoir, il s'était interrompu en entendant son nom, mais il ne comprenait pas. Ron éclata de rire. Drago le regardait avec son sourire moqueur. Hermione soupira et lui expliqua, l'air ennuyé.

- Harry, c'était quand même clair, non ? Il n'a fixé que toi de tout le repas. Toutes ces questions, il s'en fichait, parce qu'il voulait juste un moyen de te parler, et il voulait qu'on s'en aille. Sauf que ce qui est dommage, c'est qu'il ne pourra pas te parler sans nous, crois-moi. Il est évident qu'Agilbert veut quelque chose de toi, et l'histoire nous a montré que ce n'est jamais bien quand quelqu'un te veut quelque chose.

Plus on lui expliquait, moins il comprenait. Certes, il s'était senti méfiant face à cet inconnu, mais c'est normal, non ? Et puis, qu'est-ce que le directeur pourrait lui vouloir ? Aucun de ces questions n'avait de réponse, mais Drago réussit à en apporter une assez générale, toujours un air moqueur affiché sur son visage fin.

- En bref, Potter, encore une fois tu attires les problèmes.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top