Chapitre 35 : De retour
Harry courait sur la route en mauvais état avec Ron. Le martèlement de leurs semelles sur le béton fit s'envoler un groupe de corbeaux traînant dans un champ voisin, et leurs éclats de rire provoquaient aussi des fuites d'animaux aux alentours. Mais aucun d'eux n'y faisait attention, ils se battaient pour la première place, et derrière eux courraient les autres 8es années, pour éviter d'avoir à lire l'histoire du soir.
- Gagné !
Harry s'écrasa sur la porte du parc de Poudlard en même temps de crier ça à Ron et aux autres 8es années, et à sa grande surprise ce fut ni Pansy ni Neville qui arriva le dernier, mais Drago, qui avait l'air d'être tombé en chemin.
- Malefoy, ce soir tu nous lis un des contes de Beadle le Barde ! s'exclama Suzanne.
Pour toute réponse, le serpentard lui lança un regard noir et utilisa un sort de soin léger pour ses mains égratignées. Alors qu'il avait du mal à soigner sa main droite, dans laquelle il tenait sa baguette, Harry s'approcha et prit la paume blanche dans sa main. Il murmura « Episkey » et une petite vague bleutée s'échappa du bout de sa baguette et enveloppa la main de Drago, effaçant peu à peu les égratignures. Drago le remercia doucement et lorsque ses yeux croisèrent les pupilles vertes du Gryffondor, il se sentit obligé de justifier :
- Pansy et Neville se sont ligués contre moi ... Ils m'ont poussé sur le côté de la route et j'ai atterri dans les cailloux ...
- Fais pas cette tête, Maman Drago, ce soir t'auras 10 bébés à qui lire une histoire !
Un petit rire s'échappa des lèvres fines du blond mais les deux garçons s'éloignèrent très vite, se rendant compte du regard des autres sur eux. Pourtant, personne n'eut le temps de dire quoi que ce soit, car Hagrid arrivait derrière la grille, l'air très en colère. Il ouvrit la porte mais leur barra le chemin de son corps massif alors que Dean et Seamus voulaient se faufiler par l'ouverture. Harry leva timidement les yeux vers son grand ami, l'ayant rarement vu en colère contre lui.
- On s'inquiétait, et tout c'que vous trouvez à faire c'est de partir comme ça sans prévenir !
- On avait prévenu, répondit Neville, sûr de lui. J'ai laissé un message sur le tableau dans notre salle, vous l'avez vu, non ?
- Oui, mais ce ...
- Bah du coup on avait prévu, y a pas vraiment de souci ? Répondit Hermione.
- Non, mais ... Vous savez quoi ? Vous allez voir ça avec la directrice. Maintenant, rentrez !
Sans se le faire dire une deuxième fois, les élèves de la maison Dumbledore partirent vers le château, accompagnés du demi-géant. Après avoir posé leurs affaires en vrac dans la salle commune ils durent aller un par un dans le bureau de Mac Gonagall. Quand ce fut au tour d'Harry, tout le monde était déjà passé. Il pénétra dans la pièce circulaire qu'il connaissait bien maintenant, et regarda tristement Dumbledore qui somnolait dans son portrait. Il n'osait pas regarder le portrait de Phineas Black, qui lui rappelait trop douloureusement son parrain. Mac Gonagall était assise derrière le grand bureau avec ses lunettes dans la main droite. Elle paraissait fatiguée mais un léger sourire détendait son visage.
- Ah, Potter ! Je vous attendais, asseyez-vous donc.
Harry s'exécuta et attendit patiemment dans son fauteuil rouge que la directrice reprenne la parole.
- J'ai eu vent de votre ... excursion, et j'aimerais avoir une explication rationnelle à cette bêtise.
- C'était le projet d'Hannah, professeur. C'était important pour nous ! C'est vous qui avez créé cette maison exceptionnelle dans l'espoir que y ait plus de solidarité et d'unité, c'est tout simplement pour ça qu'on est partis faire du camping !
- Mais pourquoi en dehors des murs de Poudlard ? C'est complètement inconscient !
- Eh bien ... Sans encadrement, sans aide ... On devait se débrouiller tous seuls, s'entraider pour de vrai, pas faire semblant ...
La sorcière regarda sévèrement l'élève qui était assis en face d'elle. Il avait bien grandi, et avait appris à se sortir des situations les plus délicates les unes que les autres. Et le sourire amusé qu'elle ne parvenait pas à cacher montrait à Harry qu'il avait presque réussi à la convaincre.
- Tous les 8es années sont dans la salle commune ?
- Oui Professeur, comme vous l'aviez demandé.
- Parfait. Suivez-moi, Potter.
Et elle partit dans les escaliers, suivie de près par le Gryffondor. Elle se déplaçait rapidement et silencieusement, à la manière d'un chat. Elle donna le mot de passe aux deux armures qui libérèrent immédiatement le passage et s'engouffra dans les escaliers. Quand Harry arriva à son tour en haut, elle avait déjà réuni ses amis.
- Je ne vais pas vous féliciter pour ce que vous avez fait. C'était complètement inconscient et irréfléchi, j'en attendais mieux de vous.
À sa déclaration Harry, qui était venu s'asseoir sur le canapé entre Drago et Ron, vit plusieurs des 8es années baisser le regard, honteux. Personne n'aimait être réprimandé par Mac Gonagall. Elle avait cette colère calme et froide qui était bien plus efficace que pouvaient l'être des cris et de l'énervement, et cet air de déception dans le regard déclenchait automatiquement des remords chez toute personne qui pouvait croiser ses yeux verts. Même Pansy avait abandonné sa fierté et baissé la tête, et Harry la vit se tordre nerveusement les mains.
- Toutefois, il est vrai que vous aviez écrit ce que vous alliez faire sur le tableau que M. Malefoy a ensorcelé, et que vous avez pris des précautions avant de partir.
Étonné, Harry releva les yeux vers la directrice. Il ne s'attendait pas à un revirement de situation, et vu la réaction de son meilleur ami, Ron non plus.
- C'est pourquoi j'ai décidé que vous n'aurez aucune punition, mais si vous recommencez les répercussions seront graves. Me suis-je bien faite comprendre ?
Tout le monde hocha la tête en silence, n'osant pas articuler un seul mot, de peur de la faire revenir sur sa décision. Elle sourit brièvement et s'apprêtait à ressortir de la salle, quand elle leur dit :
- Demain arrivent les correspondants d'Ilvermorny, je compte sur vous pour faire honneur à Poudlard. Monsieur Fontaine était un ami de Dumbledore, et est très attaché aux traditions, donc je compte sur vous pour ne pas me faire regretter d'avoir fait une entorse aux règles de Poudlard, et d'avoir nommé votre maison selon le plus grand sorcier que je connaisse. Donc tenez-vous bien, et réfléchissez avant de parler, les mots pourraient être facilement reconnus contre vous, et contre toute l'école entière. Je vous souhaite un bon appétit, et une bonne nuit.
Et elle partit dans un froissement de robe, laissant les 8es années interdits. Harry avait totalement oublié ces correspondants américains, et il n'avait pas l'air d'être le seul. Pendant le repas ce soir là, ce fut le seul sujet qui revenait en boucle.
Assis tous ensemble autour de la grande table de leur salle commune, ils dégustaient le plat tout en parlant sans trêve des coutumes des sorciers américains, et surtout de leurs rapports avec les moldus. Les pensées d'Harry dérivèrent vers l'oiseau-tonnerre qu'ils soignaient avec Hagrid. Toutes les créatures magiques étaient-elles aussi grandes et impressionnantes ? Il aimait cette aura de puissance qui s'en dégageait, et ce côté sûr de lui dont il faisait montre, malgré sa blessure qui le rendait aussi inoffensif qu'un simple oiseau. L'élu était particulièrement intéressé par ce pays de l'autre côté de l'océan. Il n'avait jamais voyagé en dehors des rares fois où les Dursleys l'avaient emmené avec eux, et même s'il n'en avait jamais vraiment eu l'envie, maintenant que la menace du sorcier noir ne pesait plus sur le pays il envisageait une vraie vie. Une vie où il avait envie de découvrir de nouvelles choses, de voyager, de rencontrer de nouvelles personnes ... Il se sentait bien ici à Poudlard, mieux qu'au début de l'année, il avait l'impression de commencer à se reconstruire, mais il lui manquait quelque chose. Il y a quelques mois, jamais il n'aurait voulu quitter Poudlard et ses murs familiers. Il y a quelques mois, ça lui suffisait bien d'être dans ce château avec ses amis. Mais il avait l'impression d'en avoir fait le tour. Il connaissait par cœur les autres 8es années. Il connaissait le château pierre par pierre. Il n'avait jamais envisagé une autre vie que celle-ci, mais maintenant il lui tardait de rentrer dans la vie active, de changer complètement de vie. Ces correspondants allaient sûrement apporter une bouffée d'air frais, même s'ils n'allaient peut-être pas être amenés à beaucoup croiser les 8es années, Harry était impatient de les voir arriver. Il participa à la fin de la conversation avec enthousiasme, mais quand toutes les miettes du dessert furent englouties, on avait fait le tour de la question, et plus personne n'avait quelque chose de nouveau à ajouter sur Ilvermorny et ses élèves. Après une bonne minute d'un lourd silence, Pansy prit la parole :
- Bon, Drago, tu vas nous lire notre conte ? Je propose celui du Sorcier au coeur velu, je l'aime bien ...
Le serpentard grogna une sorte d'approbation et tout le monde partit chercher de quoi s'installer au niveau des canapés. Un amas de couettes et de coussins noirs et blancs se forma devant le feu et Drago soupira avant d'ouvrir le livre des contes à la page demandée. Il attendit que tout le monde soit installé confortablement avant de s'asseoir sur un fauteuil libre proche d'Harry et de commencer à lire d'une voix douce.
Harry ne connaissait pas ce conte, n'ayant pas grandi avec des sorciers, et écouta avidement ce que Drago leur lisait, les yeux fermés, prêt à s'endormir.
L'histoire était celle d'une jeune sorcier parfait : il était beau, riche, intelligent, et vraiment doué, mais il ne voulait pas tomber amoureux. Il préféra s'arracher le cœur et le sceller, s'assurant ne jamais s'attacher à quelqu'un. Pourtant, il décida un beau jour de se marier pour faire taire les moqueries de ses serviteurs et porta son dévolu sur une jeune fille magnifique aux dons incroyables. Lors d'un festin qu'il organisa en son honneur, elle lui demanda de prouver qu'il avait un cœur, et il lui montra le cœur qu'il s'était arraché plus tôt, devenu velu. Sur sa demande, il remit son organe dans sa poitrine mais la sensation de ce cœur desséché était trop insupportable et il voulut se l'arracher pour l'échanger avec celui de la jeune fille qu'il avait poignardée. À cet instant de l'histoire, Drago se tut et termina le récit avec une voix sourde.
- Le cœur ne voulait plus sortir de sa poitrine, et il mourut la poitrine ensanglantée aux côtés de la femme qu'il avait aimé les derniers instants de sa vie ...
Harry entendit le livre se refermer et Drago se lever, mais il n'y avait aucune réaction des autres 8es années. Ils semblaient tous s'être endormis sous la voix mélodieuse du serpentard, et Harry pouvait entendre les respirations lentes et régulières de ses voisins. Il ne savait pas pourquoi ne s'était pas endormi comme les autres et n'arrivait pas vraiment à s'endormir. Drago vint s'installer à ses côtés mais le brun ne montra aucun signe d'éveil au blond, et finit par s'endormir un sourire figé sur son visage. C'était la première fois qu'on lui avait lu une histoire pour s'endormir. Et c'était une expérience magique. Il rêva de festins et de fêtes avec les sorciers du conte, il rêva de bonheur, il était heureux.
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