Chapitre 31 : Le vent se lève


Une semaine était passée, et il n'y avait eu aucune amélioration dans l'ambiance de la maison Dumbledore. C'était même pire qu'avant, et ça donnait à Harry envie de vomir. Cette hypocrisie, cette faculté qu'ils avaient à faire comme si de rien n'était ... Tout ça le dégoûtait profondément. Il ne parlait toujours pas vraiment à Ron et était très régulièrement mis de côté, étant donné qu'Hermione et Ernie s'étaient réconciliés, Ron passait son temps avec Dean, Seamus et Neville, et Drago jouait cavalier seul. Et en ce samedi après-midi, au milieu de la pluie et du vent, il se sentait encore moins à sa place que d'habitude. Réunis devant la cheminée dans la salle commune, ils parlaient du bal de noël qui n'allait pas tarder à arriver. Et, comme la dernière fois d'ailleurs, Harry n'avait pas de cavalière. Tous étaient là à discuter de leurs robes, de ce qu'ils allaient faire, de comment ça allait être fantastique, et Harry savait qu'ils avaient déjà des cavaliers et cavalières. Et il sentait que le sujet allait arriver, il fallait juste encore un peu de temps et c'était bon. Et, comme prévu, ce fut Pansy qui amena le sujet sur la table, avec ses yeux pétillants comme à chaque fois qu'elle était sur le point d'apprendre des informations croustillantes.

- Bon, faut arrêter de tourner autour du pot maintenant. Vous allez au bal avec qui ? Hermione et Ernie j'imagine que vous y allez ensemble, mais ...

- Oui Pansy, on y va ensemble. Répondit Hermione.

- Parfait alors !

La Serpentard tapait des mains d'excitation. Elle était incollable sur les potins, et elle ne semblait vivre qu'à travers ça. Depuis qu'elle avait arrêté d'être comme un chien suivant son maître avec Drago elle était beaucoup plus sympathique, mais gardait toujours cette part de secret et de stratagème qui la rendait insaisissable. Elle commença donc à faire le tour, un par un pour être sûre de n'oublier personne, et arpès avoir appris que Suzanne y allait avec Dean et que Hannah y allait avec Neville, elle fut interrompue par Hermione, qu'Harry remercia intérieurement. Il ne voulait pas répondre à cette question et, même si ce répit n'était que temporaire, c'était toujours un répit.

- C'est sympa de poser la question à tout le monde, mais ... Oui je sais que t'as pas fini, me fais pas ces yeux de chien battu, ça ne marche pas avec moi, toi t'y vas avec qui ?

- Avec moi.

Toutes les têtes se tournèrent vers Seamus, qui était devenu aussi rouge que les armoiries de Gryffondor, sans exagérer. Apparemment Dean n'était même pas au courant, ce qui fit rire franchement Harry. Il se doutait bien qu'il y avait peu de chances qu'il se passe quelque chose entre Pansy et Seamus, mais voir comment la brune prenait plaisir à avoir un aussi grand contrôle sur le Gryffondor était décidément très divertissant. Malheureusement, ce fut de courte durée. Juste après, Pansy se tourna vers lui, un sourire sadique ornant son visage.

- Et toi Harry ? Tu ris bien, mais tu ne dis rien. Tu vas y aller avec qui, à ce bal ?

- J'ai pas encore réfléchi.

- Mouais. Tu devrais inviter Ginny Weasley, elle n'y va avec personne !

- Oui et on n'est plus ensemble je te rappelle, donc bof comme idée.

En même temps de prononcer cette phrase il ne quittait pas Ron des yeux, craignant une réaction, mais rien ne vint. Il était juste là, à regarder le ballet des flammes dans la cheminée. Pansy ne répondit pas mais lança à Harry un regard appuyé, avant de se tourner vers le roux. Et poser la question. Et n'avoir comme seule réponse le départ précipité de Ron. Elle abandonna et avant même qu'elle n'ait le temps d'envisager de poser la question à Drago, il avait déjà répondu.

- Astoria, la petite sœur de Daphné.

Harry ne savait pas pourquoi il s'était levé à ce moment là pour suivre Ron. Ces derniers temps ce n'avait pas été l'amour fou entre les deux, et le moins qu'on pouvait dire était que Ron n'avait pas été là pour Harry. Pas du tout. Alors pourquoi est-ce qu'Harry tenait encore à être là pour lui ? Parce que c'était toujours son ami. Même s'il avait pris et déchiré la part du coeur que l'élu lui avait donné dès ce voyage dans le Poudlard express en première année, il restait toujours une part qui lui appartenait. Et cette part resterait toujours, quoi qu'il arrive. Ils avaient tout simplement trop vécu ensemble, quelque chose de trop intense, pour oublier cette amitié sur un coup de tête.

Ses pas le menèrent à la tour d'astronomie, où il était sûr de retrouver Ron. Cette tour, c'était un repère, proche du ciel, comme pour s'envoler. Quand il arriva en haut des escaliers de bois, il trouva Ron faisant face au parc, le dos tourné. Son meilleur ami ne l'avait pas remarqué, et Harry profita de cet instant pour le retrouver. Toujours aussi grand, il avait légèrement maigri, et l'éclat roux de ses cheveux semblait s'être terni. Il ne l'avait pas remarqué avant, mais son meilleur ami allait vraiment mal. Et depuis longtemps. Comme lui-même, d'ailleurs.

- Ron ?

- J'en peux plus Harry. Ça me ronge de voir Hermione avec quelqu'un d'autre, ça me ronge de savoir qu'elle aime une autre personne. Ça me bouffe littéralement, et je fais que m'enfoncer encore un peu plus. Je suis profondément stupide.

Il ne s'était toujours pas retourné, mais Harry remarquait bien les soubresauts de ses épaules, et il n'avait pas besoin de voir les larmes sur son visage pour savoir qu'il pleurait. Il s'approcha doucement et commença à lui frotter doucement le dos, le laissant parler.

- Je veux pas aller à ce bal. Elle y va avec lui, tant mieux pour elle si elle est heureuse, non ? Mais je sais qu'elle est pas vraiment heureuse avec lui ... Son sourire n'est que l'ombre que ce qu'il était avant ... Ses yeux ne rayonnent plus comme avant ... Ses lèvres tremblent comme si elle s'apprêtait à pleurer ... Elle va mal, et il s'en fout. Elle va mal, et j'arrive pas à faire quoi que ce soit pour elle. Je me déteste.

Il fallut un moment à Harry pour encaisser ce que Ron venait de dire. Il savait que le roux aimait encore Hermione. Mais il ne savait pas à ce point. Et d'un coup l'état de son meilleur ami ces derniers jours était plus que compréhensible. Quoi de pire que de voir ceux qu'on aime souffrir ? Il n'y avait sûrement rien de pire, et Harry le savait. Il resta encore silencieux, et il fallut plusieurs minutes à Ron pour recommencer à parler, la voix tremblante et mal assurée :

- Je suis désolé mec. J'aurais dû être là pour toi, je sais. Je ... Ce que j'ai dit c'était horrible et ... je m'en excuse. Vraiment. T'es mon meilleur ami Harry, je sais pas ce que je peux vraiment faire sans toi ...

- Je ne sais pas si je te pardonnerai un jour pour avoir dit ça, Ron, mais t'es mon meilleur ami et j'ai pas envie de te perdre, alors je veux bien te laisser une chance. Par contre, je te préviens, recommence une seule fois quelque chose comme ça et je t'éclate la tête, parce que oui, ma patience a des limites ...

- Harry ...

- Ne dis rien, évites de t'enfoncer. Je t'en veux toujours pour ce que tu nous as dit avec Hermione. Et c'est plus que des paroles qu'il faut pour te racheter. Donc pour l'instant non je ne t'ai pas pardonné, non je n'ai pas oublié ce que tu nous as dit il y a une semaine, mais oui je veux que l'on arrive à se réconcilier. Et pas en faisant comme si de rien ne s'était passé, parce que ça mène à rien de faire ça. Je veux qu'on redevienne les amis qu'on était avant, mais avec la conscience de ce qu'il s'est passé, des erreurs qu'on a faites et qu'il faut pas qu'on répète. Parce que c'est comme ça qu'on avance, non ? Les faux-semblants, les masques ... Tout ça finit bien par tomber un jour, alors pour que ça tienne il faut qu'il y ait quelque chose derrière, que ce soit pas que du vent. On a vécu beaucoup de trucs pour notre âge. Trop même. Mais l'avantage, c'est que la vie nous a appris des choses qu'elle n'a pas appris à tout le monde. Et si la vie m'a appris quelque chose aujourd'hui, c'est qu'on peut pas oublier le passé. Faut avancer avec, sans en subir l'ombre. Et c'est la même chose entre nous, il faut qu'on avance avec ce qu'il s'est passé avant, mais sans rester bloqués dessus. Je n'oublierais pas, mais je vais essayer de passer à autre chose, parce que je veux vraiment qu'on redevienne amis. Alors maintenant, je crois qu'il faudrait que tu ailles parler à Hermione aussi.

- Mais pour lui dire quoi ?

Harry souffla un coup, mais avec un sourire en coin. Il n'avait pas fini de jouer les conseillers conjugaux avec Ron et Hermione, mais en même temps ça lui faisait tellement plaisir de voir que, malgré tout, la guerre n'avait pas tout détruit, pas tout changé. Il répondit en souriant toujours autant à Ron, qui s'était finalement tourné vers lui et qui se séchait les larmes du rebord de sa manche.

- Tu vas voir Hermione, et tu lui expliques ce que t'as sur le cœur, mais par contre refais pas une crise de jalousie, je crois qu'elle est à bout. Vous me manquez vraiment ...

Il avait dit cette dernière phrase dans un murmure, mais il savait que Ron l'avait entendue. Et le silence qui la suivit en était la preuve. Finalement ils se mirent en route sur un signe de tête vers la salle commune. En chemin, Harry posa la question qui lui trottait dans la tête depuis un bout de temps déjà.

- Tu n'étais pas censé travailler avec George toi d'ailleurs ?

- Non, c'est mon week-end de repos du mois ...

- Et, ça ... ça se passe bien ?

- Pas trop. Je me sens pas à ma place. J'ai jamais été vraiment comme les jumeaux, je ne suis pas Fred, je ne devrais pas prendre sa place, c'est horrible ... Et c'est pas l'humeur de George qui aide à la boutique ... En général il passe tout son temps dans l'arrière-boutique à faire des expériences, car il sait que son air déprimé va pas aider les clients à acheter ... Je sais pas si un jour il s'en relèvera, et ça m'inquiète ... Je ne l'avais jamais vu aussi silencieux, si sérieux ... C'est comme s'il était vide en fait, il a perdu ce grain de folie, cette étincelle de vie qui les caractérisait avec Fred ...

Harry ne répondit rien. Même s'il s'attendait déjà à quelque chose du genre, se l'entendre confirmer n'était pas facile. Perdre son jumeau était littéralement perdre sa moitié, et il n'y avait rien qui puisse ramener Fred à la vie. Harry savait que George était un battant, qu'il n'allait pas s'arrêter à cette épreuve, mais il avait quand même des doutes. Est-ce qu'un jour il pourrait à nouveau être comme avant ? Rien n'était moins sûr, et ça faisait mal. Mal de voir qu'il y avait des plaies qui ne se refermeraient jamais. Mal de voir qu'il n'y avait aucun espoir pour certaines choses. Mal de se dire que peut-être, Harry lui-même était sans espoir. Que si ça se trouve, il ne passerait jamais à autre chose. Qu'il mourrait hanté par les mêmes cauchemars qu'il faisait déjà. Qu'il ne retrouverait jamais le goût de vivre.

Tout à coup, il avait l'impression de se retrouver face à un mur. S'il arrivait à passer derrière, il passerait du côté de la vie, du jour, de la joie. S'il restait bloqué de son côté, il resterait à jamais dans la nuit. Et il n'avait aucune idée des façons de passer de l'autre côté. Il soupira en rentrant dans la salle commune, et proposa de partir jouer au Quidditch pour se changer les idées. Profitant de l'éclaircie, tout le monde suivit, et très vite Harry ne pensait plus à ce mur, et il se donnait corps et âme dans le jeu. C'était comme s'il avait sauté sur place : pendant un court instant, il avait pu apercevoir ce qu'il y avait derrière le mur, espérer passer derrière ; mais son saut n'était pas assez haut, alors il était retombé au pied du mur, retrouvant la nuit-même les monstres sanguinaires que ses pensées alimentaient.

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