Chapitre 15 : Tel père, tel fils
Harry se leva bien avant tout le monde ce dimanche-là. Il avait encore une fois revécu la mort de son parrain en rêve, et il n'osait plus fermer les yeux depuis qu'il s'était réveillé, en sursaut, quelques minutes plus tôt. Il ne mit qu'un pull par-dessus son pyjama et partit pieds nus à la volière, où il espérait trouver un peu de réconfort auprès de Nox. La chouette noire avait un peu grandir et semblait être encore plus fière que deux mois plus tôt, ce qui fit sourire le brun. Elle le regardait avec curiosité mélangée à une certaine réserve, comme si une chouette qui se respectait n'avait pas le droit d'être trop enthousiaste. Harry lui donna quelques friandises en plus de caresser longuement ses plumes couleur jais. À proximité de cette créature si fière et si posée, il sentit son cœur se calmer peu à peu, et était presque détendu quand il entendit quelqu'un monter les escaliers monter à la volière. Il se tendit légèrement, appréhendant de voir quelqu'un à qui il devrait des réponses comme Ron ou Hermione, et fut tout de suite rassuré quand il reconnut la tignasse blonde de Drago. Il vit cependant plusieurs larmes perler sur les joues pâles du serpentard, et se souvint de la promesse faite à la directrice. Drago le remarqua et se tournait déjà pour repartir quand Harry l'interpella.
- Si tu veux tu peux utiliser ma chouette, elle sera contente de délivrer son premier courrier.
Drago le regardait avec un mélange d'incompréhension totale et d'envie de se moquer, et finit par accepter avec un signe de tête comme remerciement. Harry aida le blond à tenir la chouette pour fixer la lettre, et ils restèrent à regarder l'oiseau devenir un oint minuscule à l'horizon quelques minutes. Puis Harry prit sur soi et s'assit par terre, forçant le blond à s'asseoir à côté de lui en le tirant par le bras. Drago ne comprenait vraiment rien, et s'énerva même un peu.
- Bon, Potter, tu me lâches ou je te tue.
- Calme-toi Malefoy, je veux juste discuter.
- L'homme à la cicatrice en forme d'éclair a perdu son fan club et est obligé de se rabattre sur la vermine qui devrait aller à Azkaban ?
Harry grimaça à la pique de Drago, qui le visait tant lui que Drago même, et cela l'étonna beaucoup. Le serpentard n'avait pas l'habitude de se rabaisser de la sorte, et même si Harry avait pu remarquer à de maintes reprises depuis la rentrée qu'il avait changé, il ne s'attendait pas à le voir aussi peu fier de lui-même. Il ne savait pas comment réagir car il n'avait jamais réellement parlé avec lui, et qu'il n'était pas particulièrement doué pour réconforter les gens. Il décida d'à moitié ignorer la deuxième partie de la phrase, et répondit calmement :
- Je veux juste savoir comment tu vas Malefoy, je vais pas te demander ton numéro non plus.
- Mon ... Numéro ? Mais numéro de quoi ?
Harry ne put s'empêcher de rire face à l'incompréhension de cette expression moldue. Il n'en pouvait plus de l'entendre à tout bout de champ à la télévision ou même par son cousin, et l'avait dit sans réfléchir.
- C'est rien Malefoy, juste un truc que les moldus utilisent pour draguer ...
Harry ne savait pas pourquoi mais il se sentit rougir en donnant l'explication. Pourquoi avait-il fallut qu'il utilise cette expression maintenant ? Ça n'allait clairement pas aider à mettre Drago à l'aise. Ce dernier ne réagit pourtant pas à ce détail et ne détacha pas ses yeux acier de ceux d'Harry. Il était toujours énervé contre l'élu, et ne comptait pas se laisser faire.
- Pourquoi tu veux savoir comment je vais ? Tu prévois de mieux me connaître pour mieux me détruire ?
- Je ... Pourquoi je voudrais te détruire, ça n'a pas de sens ce que tu dis ?! Au pire tu veux pas arrêter d'être aussi méfiant et juste accepter de parler aux autres ?
Drago voulut parler mais renonça à plusieurs reprises. Il semblait perdu dans un combat intérieur, et entre temps la colère disparaissait peu à peu de ses yeux. Il accepta de se détendre légèrement en s'asseyant plus confortablement à côté d'Harry et commença alors à parler, le regard dans le vide.
- C'est vrai que je pourrais vous parler mais ... Je n'ai pas envie. Je crois que je vous ai assez fait souffrir, tous, ma famille, Voldemort vous a assez fait souffrir, et j'ai pas envie que ça recommence ... Je ... je n'avais rien demandé, moi ... Je voulais juste, si seulement c'était possible, sortir de Poudlard en ayant passé mes examens, sans problème avec mes amis ou avec ma famille, sans mission suicidaire à accomplir ...
Des larmes commençaient à couler sur les joues pâles du garçon. Harry avait compris qu'il parlait de leur 6e année, où Drago avait eu comme mission de tuer Dumbledore, ce qu'il n'avait jamais réussi à faire. Il hésita quelques instants avant de poser sa main sur le bras de Drago, et tenta de le réconforter :
- Tu sais qu'on fait tous des erreurs, mais qu'on est là pour se racheter non ? C'est l'occasion de se construire une nouvelle vie, de s'accepter comme on est et accepter son passé, mais pour ça faut avancer, faut pas rester bloqué dans les remords ...
Le blond laissa échapper un petit rire, puis abandonna toute résistance. Il pleurait à chaudes larmes, en position fœtale sur le sol de pierre de la volière. Harry commença à lui frotter le dos, doucement, et attendit qu'il reprenne la parole de lui même, sans le forcer. Il n'attendit pas très longtemps, et sursauta quand Drago envoya son pied frapper un bâton qui se trouvait par terre, et que le bâton se brisa sous le coup. Tous les muscles de Drago étaient tendus, et Harry pouvait sentir la colère à travers toutes les fibres de son corps. Il reprit d'une voix tremblante, où perçait la haine et le désespoir, qu'il n'arrivait plus à maîtriser.
- Je hais mon père. Il m'empêche d'avancer. Il devrait faire profil bas, maintenant qu'il est un paria dans le monde magique, mais non. Il fallait qu'il se montre encore plus cruel qu'avant. Je l'ai toujours admiré. Toujours ! Même s'il était totalement discrédité auprès de Lord Voldemort, j'ai tout fait pour racheter l'honneur de la famille ! Et il ne m'a jamais remercié, jamais ! Je le hais ! Tu m'entends Harry ? Je le hais tellement que je pourrais le regarder mourir sans rien faire !
Drago tomba à genoux et frappa le sol de ses poings de rage. Il pleurait toujours, mais la colère l'avait rendu presque inhumain. Les veines de sa nuque saillaient. Tous ses muscles étaient contractés à l'extrême. Harry n'osait pas l'approcher, de peur de se prendre un coup. Finalement le serpentard laissa sortir un cri de frustration qui fit s'envoler plusieurs chouettes de peur, et il retomba sur le sol, toujours pleurant, mais comme résigné. Il n'était plus en colère, il semblait juste profondément désespéré, et Harry se rapprocha de lui pour le réconforter quand Drago lui murmura :
- Il a utilisé Doloris sur ma mère, Harry ... Il a osé la faire souffrir, il ne mérite même pas d'être mon père ... Je le hais, Harry ...
Qu'est-ce qui avait provoqué cet accès de colère, et qu'est-ce qui l'avait fait repartir aussi vite, Harry ne le sut jamais. À ce moment il ne trouva rien d'autre à faire que de serrer le blond dans ses bras, espérant le réconforter un peu. Il n'osait même pas imaginer la douleur que le blond devait ressentir. Il savait que Drago et sa mère avaient une relation assez forte, et qu'il admirait son père par dessus tout le reste. Apprendre que son père venait d'être envoyé à Azkaban pour avoir utilisé un sortilège impardonnable sur sa propre femme devait avoir été un réel choc. Il savait que Drago était inquiet pour sa mère, et profondément déçu par son père, et Harry avait eu la chance de n'avoir jamais été confronté à une telle situation. Certes, ses parents étaient morts mais ... Ils étaient admirés et aimés, son père avait peut-être fait des choses qu'il n'aurait pas dû avec le reste des maraudeurs, mais il restait une figure qu'Harry admirait depuis toujours, et en ce moment là, il se sentit pour la première fois presque heureux que ses parents ne soient déjà plus, car il ne restait d'eux qu'une bonne image, un pilier sur lequel Harry pouvait s'appuyer, sans craindre de déception comme celle que Lucius Malefoy avait provoqué à son fils unique.
Quelques minutes plus tard, Drago se dégagea de l'étreinte de l'élu et se rassit dos au mur, en séchant ses larmes du revers de la main. Il semblait avoir repris le contrôle de lui même et son visage était redevenu aussi impassible qu'avant, si on omettait les yeux rouges et le petit sourire moqueur qui se formait au coin de ses lèvres.
- Bah alors Potter ? Je croyais que tu voulais que je parle plus non ?
Harry éclata de rire et vint s'asseoir à côté de son ennemi d'enfance, même si maintenant il n'en était plus si sûr. Deviendraient-ils amis un jour, si ils continuaient à pleurer sur leurs vies misérables ensemble ? Il savait bien qu'une telle amitié était impossible, mais il était troublé d'avoir entendu Drago l'appeler par son prénom. Depuis leur première année, les deux garçons ne s'interpelaient qu'avec leurs noms de famille, et ce changement était troublant. Même si le serpentard semblait avoir repris entièrement le contrôle de ses émotions et recommencé à appeler Harry par son nom de famille, le brun savait que ce genre de moments ne pourraient rester éternellement sans conséquence, et il n'était pas sûr d'être près à les assumer. Face au regard moqueur de Drago, il ne voulut pas paraître se soustraire à la conversation et commença à lui parler de tout et de rien. Drago était en train de décrire un souvenir d'enfance où il avait reçu son premier balai quand ils remarquèrent que la nuit était tombée depuis quelques temps déjà. Harry pensa avec un sourire qu'il ne faudrait pas qu'il prenne l'habitude de sauter tous les repas, mais il avait passé une journée agréable, à parler avec celui qui était son ennemi depuis sa rentrée à Poudlard, et il ne fit aucune remarque au serpentard quand ils prirent ensemble le chemin de leur tour pour aller au dortoir.
Ils ne parlaient plus depuis qu'ils s'étaient levés, et le silence en devenait pesant. Pourtant, aucun des deux ne voulut faire l'effort de reprendre la conversation, la magie du moment étant tombée, ils semblaient prendre conscience de la personne avec qui ils se trouvaient, et un mur froid se dressait petit à petit entre eux. En arrivant au dortoir, Harry avait tellement ruminé ses pensées sur le blond qui marchait à ses côtés, le visage fermé et l'air aussi impassible que d'habitude, qu'il recommençait à sentir vis-à-vis de lui la même haine qu'avant, toute compassion effacée. Il lui en voulait pour avoir aidé à tuer Dumbledore. Il lui en voulait pour être le fils de son père. Il éprouvait un plaisir malsain à savoir que Narcissa Malefoy avait souffert. Il ne savait pas pourquoi il était aussi malveillant, mais il y avait quand même une petite voix dans sa tête qui lui disait : « Tu as honte de lui avoir parlé, Harry ? Tu t'en veux, d'avoir fraternisé avec l'ennemi ? C'est juste que tu n'assumes pas, mais il va bien falloir, ce n'est pas une raison de vouloir le voir détruit. »
En écoutant cette petite voix dans sa tête il se sentit coupable d'avoir eu ce genre de pensée, et il lui dit bonne nuit machinalement avant de fermer les rideaux derrière lui, ne remarquant même pas Hermione qui l'attendait sur un canapé. Il se coucha ce soir là, préoccupé de cette journée qu'il venait de passer avec Drago. Il ne comprenait pas pourquoi ils avaient réussi à parler comme ça, mais dans le fond il était content qu'ils aient réussi à passer au dessus de leurs différents, ne serait-ce que pour 24 heures, et il s'endormit le sourire aux lèvres, en ayant pour la première fois l'espoir que quelque chose s'améliore.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top