Chapitre 1 : Le Terrier

Le bourdonnement de la mouche était devenu presque insupportable. Harry la chassa d'un geste de la main en soupirant, puis retourna à sa contemplation du vide, n'ayant absolument rien de mieux à faire. Depuis la fin de la guerre, tous étaient repartis de leur côté, pour faire leur deuil, essayer de panser des blessures si profondes qu'il était facile de s'y noyer. Cela faisait maintenant plus de deux mois qu'il n'avait pas de nouvelles de Ron ou Hermione, ni de qui que ce soit. Les morts étaient là, omniprésents, l'enfonçant dans un silence assourdissant. Pas un jour ne passait sans qu'une larme ne tombe. Il n'avait pas osé revenir au 12 square Grimmaud, par peur de se laisser submerger par les souvenirs.

Il venait de passer un été supplémentaire chez les Durley, bien moins désagréable que les précédents mais il se sentait seul. Par réflexe, il posa ses yeux sur sa table, où la vieille cage d'Hedwige se trouvait. La chouette blanche lui manquait bien plus qu'il ne l'aurait imaginé, sa présence avait toujours été son plus grand réconfort dans ces moments de solitude. Il soupira profondément. Il ne savait pas ce qu'il faisait là. Il n'avait plus aucune envie, plus aucun but, plus aucun rêve. Le Gryffondor secoua la tête, essayant de chasser les pensées sombres qui arrivaient, mais sans succès. Tous les jours, les mêmes images revenaient devant ses yeux. Tous les jours, il voyait les corps allongés dans le grand hall. Tous les jours, il entendait les pleurs et les hurlements. Et tous les jours, il se demandait s'il pourrait s'en relever.

Trois petits coups de bec sur sa fenêtre retentirent. Un petit hibou gris, bien reconnaissable, s'y trouvait, portant fièrement un petit colis.

- Coquecigrue ! S'exclama Harry en allant ouvrir la fenêtre. Qu'est-ce que tu m'apportes de beau ?

Le hibou se mit à voleter tout autour de la pièce, se cognant au passage contre l'abajour et manqua de faire tomber tout le contenu du bureau avec lui. Le garçon l'attrapa et entreprit tant bien que mal de détacher la petite ficelle rouge qui entourait sa patte. Il posa l'animal dans l'ancienne cage d'Hedwige et lui mit un peu d'eau et un reste de nourriture qu'il avait gardé sans trop savoir pourquoi, puis revint au colis.

C'était la première fois qu'il recevait quelque chose de la part de Ron depuis que son meilleur ami était retourné au Terrier avec sa famille. Du moins, ce qu'il en restait, pensa amèrement Harry, et sa gorge se contracta douloureusement à cette pensée. Il ouvrit le petit paquet et son contenu se déversa sur le sol. Une balle dorée roula sur le parquet et vint s'arrêter aux pieds de Harry. Il ramassa doucement le vif d'or , sentant les larmes lui monter aux yeux. La petite balle ne fermait plus vraiment correctement, depuis qu'elle s'était ouverte pour dévoiler la pierre de résurrection. Les ailes battaient faiblement, fatiguées et tordues. Il n'arrivait pas à savoir si la boule qui se formait dans son ventre était du bonheur, de la nostalgie ou un désespoir profond. Poudlard lui manquait, mais il n'avait pas envie d'y remettre les pieds. Il ne pouvait pas. Pas après tout ce qu'il s'y était passé. Une larme s'écrasa sur sa main, mouillant également le papier qu'il tenait.

Il y était marqué en gros « Pour Harry Potter, si ce hibou vous l'apporte par erreur merci de faire suivre. » Harry rit doucement à la mention de la maladresse du petit animal qui, malgré son enthousiasme, n'apportait pas souvent ses colis à bon port. Il déplia le petit rectangle de parchemin, parcourant des yeux l'écriture irrégulière de son ami.

« Harry,

Si tu as encore besoin de temps, prends-le, mais je voulais te demander si tu voulais venir au Terrier pour le mois d'août. Hermione m'a dit que tu n'étais sûrement pas retourné au Square Grimmaud, il est donc temps de te sauver encore une fois des griffes des Dursley !

Il faut qu'on parle, tous les trois. Je lui ai demandé de venir au Terrier et elle arrive le 1er août. Ma mère voudrait que tu fêtes ton anniversaire avec nous, mais c'est comme tu veux, et puis l'ambiance à la maison n'est pas toujours au mieux. Pas besoin de répondre, Coquecigrue risque de ne jamais retrouver le chemin de la maison si ça continue. Si ça te va tu peux venir à la maison dès que tu peux, il y a toujours de la place pour toi.

Ron.

P.S. : je t'ai envoyé le vif d'or que Dumbledore t'avait légué. J'ai pensé qu'il te serait plus utile qu'à moi, après t'en fais ce que tu veux. Mon père l'a rapporté à la maison un soir en rentrant de Poudlard où il aidait le ministère à nettoyer et reconstruire une partie de l'école, il n'a pas voulu me dire exactement où. »

Harry ne prit pas une seule minute pour réfléchir. Il prit sa baguette, rassembla le peu d'affaires qui lui restait encore dans sa valise, enfila une veste et prit son balai. Il descendit, dit au revoir à Pétunia, Vernon et Dudley et sortit avant que l'un d'eux ne prenne le temps de lui répondre. Il enfila sa cape d'invisibilité et enfourcha son balai, il enlèverait la cape en s'éloignant des moldus.

Il arriva au Terrier à la nuit tombée. Il était fatigué d'avoir volé sans arrêt jusqu'ici, mais ce long vol semblait avoir remplacé tous les tourments de son cœur par un grand bol d'air frais. Il toqua trois coups brefs sur la porte d'entrée et attendit, sa grosse valise et la cage contenant Coquecigrue sous le bras. Ce fut Arthur Weasley qui lui ouvrit. Il eut un instant de surprise puis, sans dire un mot, prit Harry dans ses bras comme un père le ferait avec son fils. Harry remarqua qu'il avait les traits tirés et l'air malade, quelque chose dans son regard qui avait changé. Ensemble ils rentrèrent dans la maison, où la famille Weasley était en train de manger. Le silence se fit. Au bout de quelques secondes, Ginny renversa sa chaise en se levant, essayant de mettre des mots sur ses pensées confuses.

- Harry ! Je ... Ça ... Ça fait si longtemps qu'on n'a pas de nouvelles ! Et Ron disait de ne pas envoyer de lettres et tu ne répondais pas à celle qu'il a accepté d'envoyer et on ...

- Ginny laisse-le respirer veux-tu ... Tu as fait bon voyage Harry ?

Molly le regardait en souriant d'un sourire bien moins éclatant qu'auparavant, une lueur triste dans ses yeux rougis par les larmes. Le Gryffondor répondit mécaniquement et s'assit à la chaise que la sorcière lui avait tiré. On lui servit une assiette et le repas repris en silence. Une chappe de plomb semblait avoir remplacé l'air d'habitude si léger et si joyeux dans la cuisine surchargée. Harry n'osait pas regarder l'horloge du salon où l'aiguille de Fred était désormais bloquée sur « mort ». Il se demanda si la famille allait s'en relever, si seulement c'était possible.

A la fin du repas, il suivit le Ron dans la chambre qu'ils partageaient à l'étage, le bruit de leurs pas sur les planches des escaliers narguant le silence pesant de la maison. Ils avaient pu récupérer toutes les affaires d'Harry en une seule fois et se laissèrent tomber sur le lit. Ron brisa le silence en premier.

- Tu sais quoi, le plus tôt on s'en va, le mieux c'est. Maman n'arrête pas de pleurer, papa travaille encore plus qu'avant pour oublier, George n'a pas prononcé un mot depuis ... et Ginny ... elle ne s'en sort pas trop mal. Bill, Charlie et Percy fuient la maison comme la peste, ils ont leurs propres problèmes ...

- Et toi, tu ... tu vas comment ?

Cette question prit Ron au dépourvu. Il mit quelques secondes avant de réaliser qu'on lui avait bel et bien posé la question, puis essaya tant bien que mal d'y répondre.

- Je ... Je sais pas ... La vie ne retournera jamais à ce que c'était avant, mais il faut bien avancer, non ? On n'a jamais passé nos ASPICs, mais je ne suis pas sûr d'avoir la force de retourner à Poudlard ...

Ron ne finit pas sa phrase mais Harry avait compris, lui non plus ne savait pas quoi faire. Il n'avait pourtant pas perdu son envie de devenir Auror, elle était même plus forte que jamais, mais revoir Poudlard après la guerre était au-dessus de ses forces. Il n'avait pas arrêté de se questionner et était venu dans l'espoir que ses amis lui apportent des réponses. Voir Ron aussi perdu que lui-même ne le surprenait pas vraiment, mais il ne savait pas vers qui se tourner. Il avait encore un peu d'espoir en Hermione qui n'arriverait pas dans trop longtemps. La seule chose que ces derniers mois lui avaient appris, c'est que pour recommencer à vivre, il ne pouvait pas rester seul. C'était bien trop difficile.

Les deux sorciers discutèrent encore longtemps ce soir-là, rattrapant quelque peu ces derniers mois de silence radio, et c'est le cœur un peu plus léger qu'ils s'endormirent. Le lendemain Harry essaya tant bien que mal d'apporter un peu de joie de vivre dans le Terrier mais cela semblait être peine perdue. Seule Ginny semblait vouloir aller de l'avant, se forçant à sourire et à parler avec un peu trop d'enthousiasme pour qu'il soit réel. Alors Harry se mit à faire comme elle, mais surtout, il passait ses journées entière avec elle. Malgré tout ce qu'elle avait vécu, elle dégageait toujours une aura brillante, impressionnante. Certes, ce n'était pas comparable à avant la guerre, mais c'était toujours beau. Comme un tableau dont les couleurs s'étaient légèrement ternies, qui avait pris la poussière.

Harry avait 18 ans ce jour-là et passa sûrement le meilleur anniversaire de toute sa vie. Malgré le deuil et les traumatismes de la guerre, malgré ces regards abattus, cette fête était un prétexte pour toute la famille Weasley d'essayer d'oublier un . A la fin de la soirée, tous souriaient et parlaient presque comme avant, les restes du gâteau gigantesque gisaient au fond du plat, témoin de ce repas hors du temps . Harry avait reçu de la part de Ron un gros paquet de chocogrenouilles « au cas où tu tombes sur des cartes de nous » avec un livre sur le Tournoi des trois sorciers dans l'histoire de la magie, un pull de la couleur de ses yeux par Molly, une boîte de bonbons à rendre plus forts par George (« notre dernière invention avec Fred ») et une figurine de Quidditch animée par Ginny. Percy et Arthur n'avaient rien et étaient très embarrassés, mais Harry les rassura très vite. Même George finit par se détendre un peu et retrouva l'ombre de son sourire en buvant une bièraubeurre avec Harry. Ils s'étaient installés dans l'herbe au fond du jardin, profitant de l'air frais du soir alors que le reste de la famille était en train de finir de ranger dans la cuisine.

- Alors Harry, tu comptes retourner à Poudlard avec Ron cette année ?

- Je ... On ne s'est pas encore décidés là-dessus. Ce serait ce qu'il y a de plus logique ... Et toi, tu comptes faire quoi après cet été ?

- Je vais rouvrir la boutique de farces et attrapes de Pré-au-Lard, les nouveaux élèves doivent absolument la connaître et ... et je sais que Fred n'aurait pas voulu que je laisse tomber notre rêve à cause de lui.

- On se croisera peut-être l'année prochaine alors ... J'espère juste qu'Hermione nous aidera à y voir plus clair.

George ne répondit pas et but une nouvelle gorgée de bièraubeurre. Il semblait à nouveau perdu dans ses pensées et Harry n'osa pas l'interrompre. Il se leva sans bruit et monta se coucher le cœur apaisé. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, il retrouvait une lueur d'espoir, le sentiment qu'il arriverait un jour à se relever vraiment avec ceux qui l'entouraient.

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