— Est-ce que la chambre d'Adam est prêt ? Angel vient de m'appeler, il dit qu'il est arrivé au bar. Ils viennent de s'asseoir pour boire un verre ! Ça ne devrait plus tarder. Est-ce que vous pensez que nous avons besoin de faire une répétition générale ? Oh ! Vaggie ! Je suis siiiiiiiiiiii stressée !

— Calme-toi, ma chérie. Allez, souffle.

Les mains de Vaggie se posent sur mes épaules. J'inspire, expire, comme elle me le montre, en suivant ses mouvements. Le stress monte. Quand mon père m'a appelé pour me prévenir qu'Adam avait été puni par les Séraphins, nous avons organisé une ENORME fête. C'était la joie dans les rues. On avait épinglé des images d'Adam partout, et on jouait aux fléchettes avec sa tête. Il y avait des ballons que l'on pouvait crever, des pétards retentissaient partout dans les rues. Puis, mon père nous a dit :

— Adam va venir au Happy Hotel. J'ai un plan ! Faites-moi confiance.

Et là, j'ai commencé à baliser. Je suis comme ça, je stress pour un rien. Lorsque je me suis associée à Alastor pour créer cet hôtel, destiné à racheter les âmes damnées afin qu'elles accèdent au Paradis, je ne pensais pas que mon idée plairait autant. D'ailleurs, elle n'a pas vraiment plus, en réalité. C'est justement la raison pour laquelle les anges ont attaqué.

Quand je suis monté au ciel pour présenter mon projet et défendre mon point de vue sur la rédemption j'étais convaincu que les anges m'applaudiraient. Mais quand j'ai dit qu'une âme pouvait changer, j'ai cru qu'ils allaient tous s'étrangler de panique. Si Sera, la Grande Séraphine, et sa fille Emily ont écouté mes arguments, Adam, lui, m'a mis des bâtons dans les roues. Ou plutôt : des explosions dans les pattes. Avec Lute, sa seconde, ils ont commencé à chanter, annonçant à tout un chacun qu'ils comptaient avancer l'heure de l'extermination prévue pour nous éradiquer.

Heureusement, à mon retour aux Enfers, j'ai conclu un pacte avec Alastor qui m'a aidé à trouver une façon de contrer les anges. Grâce à l'aide de Rosie – une démone très puissante – et de la population, nous nous sommes armés.

Malheureusement, la guerre entre les Anges et les Pêcheurs a laissé pas mal de séquelles. SI la barrière magique créée par Alastor à offert du temps aux Damnés, Adam, furieux, a fait exploser le dôme qui protégeait l'hôtel. Heureusement, mon père est arrivé, à régler son compte à Adam (qu'est-ce qu'il est fort mon Papa), puis il a réparé mon hôtel grâce à sa magie. Je me sens mieux depuis.

Du moins : je me sentais mieux.

Parce qu'ensuite, mon père et Alastor ont promis de se venger. Les anges s'y sont mis aussi et ils ont subitement annoncé qu'Adam se verrait couper les ailes et envoyer en Enfer pour faire lui-même l'expérience de ce qu'est une âme damnée. Avec pour seule voie de rédemption : mon hôtel qu'il déteste par-dessus tout.

Et une punition fomentée par Lucifer.

— Allez, ma chérie. Inspire, expire.

Je reproduis les mouvements de Vaggie. Tout. Va. Bien. Se. Passer.

— Alors ? Il est arrivé ? lance Niffty, tout juste débarquée, une poupée à l'œil crevé dans les mains.

— Il est là ? Il est là ? lance Sir Pentious.

— Oh ! J'ai tellement hâte ! ajoute The Egg Bois, l'un des œufs de Sir Pentious.

Inspire. Expire.

— Charliiiiiiiiiiiiiiiiie !

Je sursaute. Alastor, le démon de la Radio, vêtu de son traditionnel costume rouge et rayé, débarque l'air de rien. Deux petits bois noirs habillent sa chevelure rouge, et des dents jaunes et pointues dépassent de sa bouche. Je trésaille et relève la tête :

— Ah ! C'est toi ? souris-je.

— Tu as vu, Adam ? demande-t-il.

— Pas encore ! m'exclamé-je. Mais il ne devrait plus tarder. Allez ! Répétition générale.

Je tape dans mes mains, ordonnant à toute la troupe des Damnés de se mettre en scène. Alastor, impeccable dans son costume trois pièces, se place à l'entrée. Vaggie et moi nous installons près du comptoir d'accueil, Niffty se laisse tomber dans un fauteuil et Sir Pentious frétille de la queue, impatient.

— Comment sommes-nous censés nous comporter ? demande Vaggie.

— Comme d'habitude ! m'exclamé-je. Adam doit nous faire confiance. Si on parvient à le convaincre que le Happy Hotel est le meilleur endroit du monde, il acceptera d'en faire une porte d'entrée du Paradis.

— Tu y crois vraiment ? demande Alastor.

— Bien sûr qu'elle y croit, souffle ma petite amie.

Pourquoi personne n'est-il jamais convaincu par mes idées ?

— Minute ! m'interrompt Sir Pentious. Pourquoi devrions-nous être gentils avec ce type ? Je te rappelle qu'il souhaitait nous exterminer. On ne pourrait pas plutôt le torturer ?

— Je suis d'accord ! lance Alastor. La torture, y a que ça de vrai.

— D'une certaine manière, enfermer Adam ici, avec Charlie, c'est une forme de torture ? réfléchit Vaggie. Il déteste tout ce qu'elle représente. Elle est la fille de son ennemi, et il a enlevé sa mère.

— Très juste ! lancé-je. Me voir tous les jours devraient l'agacer.

Je frotte mes mains l'une dans l'autre, déjà amusée. Mon père ne m'a pas expliqué l'intégralité de son plan, mais j'imagine qu'il est abject et qu'Adam s'en mordra les doigts. Dans tous les cas, je persiste à croire qu'il faut laisser une chance aux âmes corrompues et qu'Adam peut changer. Il faut rester optimiste !! C'est important.

— Il est là ! lance alors Sir Pentious.

Nous tournons tous la tête en même temps.

— Où ? Où ? s'exclame Niffty.

— Là !

Et en effet...

Une seconde plus tard, Adam pousse la porte de l'hôtel, accompagné par Angel et Hust. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas l'air heureux d'être là.

— Bienvenue au Happy Hotel ! m'exclamé-je.

Des ballons explosent. Niffty applaudit. Les œufs se mettent à scander « Adam ! Adam » et une grande banderole est déployée, avec la tête d'Adam multipliée. Angel tapote son épaule, l'air amusé :

— Je sens que tu vas adorer être ici, l'ange déchu.