Chapitre 17 - La séance psy (Adam)
Charlie me regarde, les yeux écarquillés. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de lui dire ça. J'aurais dû garder mes sentiments pour moi, et cette histoire de pacte secrète. Le problème, c'est que depuis que Lucifer m'a chassé du palais en me répétant qu'il ne m'aimerait jamais, je déprime.
Et ça me fait putain de chier.
Être attaché à lui comme ça me rend dingue.
Je pensais ne vouloir que son corps. Je pensais qu'une fois mes désirs assouvis, j'oublierai ce démon et pourrai me concentrer sur autre chose : ma vengeance, les anges, l'extermination.
Tout, sauf lui.
Lui qui m'obsède depuis le jardin d'Eden. Qui m'obsède encore plus depuis que je l'ai goûté. Je n'aurais jamais dû croquer ce fruit défendu. Jamais. Je n'aurais pas dû signer ce pacte. Mais je pensais qu'il comprendrait, que lorsque j'aurais pris son corps, il me donnerait son cœur. Que lorsqu'il aurait joui entre mes mains, et moi entre en lui, il m'aimerait.
Mais ça n'a pas suffi.
— Tu es amoureux de mon père ? répète Charlie, bouche-bès. Eh bien, ça alors. Je n'y aurais jamais cru.
— Que veux-tu ? C'est un enemies to lovers. On ne choisit pas de qui on tombe amoureux.
Parce que clairement je ne l'aurais pas choisi lui sinon.
— Et tu vas le faire ? demande Charlie. Tu vas ramener ma mère ?
— Mmmmmmmmmm.
Ma réponse n'a pas l'air de lui plaire.
— J'ai signé ce foutu pacte, je n'ai pas d'autre choix que de ramener Lilith de toute façon.
— Mais tu n'en as pas envie ?
Absolument pas.
— Si je ramène ta mère, il ne m'aimera jamais.
— Si tu ne ramènes pas ma mère, il ne t'aimera pas pour autant.
Certes. Ça me rend fou de l'admettre, mais la petite Morningstar a raison. Lucifer ne m'aimera pas, jamais, que je ramène Lilith ou que je la séquestre n'y changera rien. Son cœur lui appartient depuis toujours, il la pleure depuis deux mille ans.
— Si tu le fais, ce sera une vraie preuve d'amour, tu sais, reprend Charlie.
De quoi est-ce qu'elle parle ? Assis dans le lit, la couverture sur mes genoux, je me tourne vers elle. Elle me tend un donut's et j'envisage de l'envoyer rouler sur le sol une seconde fois. L'odeur du sucre effleure mes narines. Je n'ai pas mangé depuis hier (du moins, pas autre chose que mes larmes et le souvenir de ce que Lucifer et moi avons partagé). Je prends donc le donut's. Il est au chocolat et à la vanille, avec un cœur coulant.
Délicieux.
Je vais devenir une guimauve à cause de ce donut's et je me déteste pour cela.
Je n'aurais jamais imaginé dans une situation pareille : moi, me confiant comme une ado à la fille de mon ennemi dont je suis malgré moi amoureux.
— Que veux-tu dire ? demandé-je en croquant dans mon donut's.
— Si tu ramènes ma mère à mon père, tu lui prouves que tu l'aimes suffisamment pour accepter qu'il ne t'aime pas.
Mais je n'accepte pas qu'il ne m'aime pas !
— C'est une belle façon de te repentir et de faire acte de rédemption.
Je n'aime pas du tout cette façon !
— Mouais...
Elle me sourit, tout en essuyant ses mains sur mes draps (enfin les siens, c'est son hôtel pourri après tout). Cette femme est quand même étrange. Son optimisme à tout épreuve est une malédiction.
— Tu n'abandonnes jamais n'est-ce pas ?
Elle secoue la tête. Je dois au moins lui reconnaître sa persévérance. Son envie de sauver tout le monde m'agace, mais c'est aussi ce qui fait son charme. Elle me rappelle son père. Avant que je n'enlève Lilith, dans l'espoir qu'il me remarque enfin, lui aussi était optimiste. Je me rappelle des discours que j'espionnais dans le jardin d'Eden. Lucifer voulait abolir les frontières entre l'Enfer et le Paradis, il trouvait le concept trop manichéen. Moi, j'aimais le pouvoir que me conférait l'idée d'être le chef suprême du Paradis, et savoir que lui dirigeait le mal. Que nous étions au même niveau. Une sorte de lien hiérarchique nous unissait et Lilith me gênait au milieu pour concrétiser mon rêve romantique.
Un rêve utopique.
Charlie a sans doute raison. Avec ou sans Lilith, Lucifer ne m'aimera jamais. Je dois me faire à cette idée.
— Si je ramène ta mère, tu m'aides à récupérer ma place au Paradis ?
— Uniquement si tu me promets d'accepter que le Happy Hôtel devienne un lieu de rédemption des âmes ?
— Le Hazbin Hôtel tu veux dire ?
Elle lève les yeux au ciel, sans se départir de son sourire à toute épreuve. Je dois reconnaître à Charlie son altruisme et sa générosité. Si elle n'avait pas sa voix stridente, je pourrais peut-être envisager de lui ouvrir l'accès au Paradis. Mais j'imagine qu'elle préfèrera rester ici. Et de toute façon, je n'ai aucune envie qu'elle traîne dans mes pattes.
— Tu sais que si j'accepte de sauver l'âme de tes amis, ils quitteront les Enfers, et tu ne les reverras plus.
Elle hoche la tête et ses yeux se voilent de tristesse.
— Je sais, mais il faut savoir laisser partir les gens qu'on aime, si c'est pour leur bien.
Ses yeux rencontrent les miens. J'ai l'impression qu'elle cherche à me transmettre un message.
Un message implicite, qui implique Lucifer et sa mère.
Elle veut que je les aide à se réunir, je le sais.
Et cela me donne envie de pleurer.
Moi, Adam, le Premier Homme, je pleure mon amour perdu.
Lucifer ne m'aimera jamais...
Mais moi, est-ce que je l'aime suffisamment pour lui rendre Lilith ?
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