Il fait une chaleur à crever ici. C'est l'Enfer, c'est vraiment le cas de le dire. Si les démons de la météo passent par-là, j'imagine ce qu'ils diront : « Bien le bonjour, chers téléspectateurs des Enfers, la température atteint actuellement 155°C ». Vox doit se réjouir à l'idée que certains fondent.

Que je fonde.

Comment ai-je pu me retrouver dans cette galère ? Qui, au sein de mes anges, a osé se révolter contre moi, le chef suprême ? Si je tombe sur celui ou celle qui a fait ça, il va m'entendre ? Gabriel et St Pierre sont venus trouver Lucifer, mais je suis persuadé qu'ils ne sont que des faire-valoir. Ils n'ont pas de couilles, pas de poignes, pas de gueule, ils ne savent qu'exécuter, avec leurs têtes d'anges bien peignés. Non, je suis sûr que c'est un coup de Sera, la Grande Séraphine, et de sa fille Emily. Et si ça se trouve, elles sont de mèches avec Lilith. Argh !!!!! Si j'attrape ces petits angelos, je leur arrache les ailes et leur plante des piques dans les yeux.

Ce serait si plaisant.

Et Lucifer, avec sa tronche de clown, là. Est-ce qu'il croit vraiment que je vais lui obéir, me rendre chez sa fille, puis venir lui dire coucou demain à 17h ? C'est hors de question. Je ne suis pas à ses ordres !

Je suis Adam, putain ! Le Premier Homme ! Les autres ne sont que des marionnettes. C'est moi qui suis à l'origine de TOUT sur Terre. Toute l'humanité est issue de mes putains de couilles et ils devraient tous me vénérer ces minables.

Bon, j'avoue que je suis quand même dans la merde, là. Sans mes ailes, et avec cette chaleur à crever, je ne me sens pas dans mon assiette. Je vais faire profil bas quelques jours, le temps que Lucifer m'oublie (même si je crains que ce ne soit pas son truc : l'oubli), et aller me terrer à l'extérieur de la ville. Je ne peux pas aller au Happy Hotel. Il n'est pas question que j'aille voir Charlie Morningstar, je ne supporte pas sa voix haut perchée, son optimisme à toute épreuve et son idée d'hôtel-rédemption, destiné à m'empêcher d'exterminer les âmes damnées...

J'ai besoin de m'asseoir dans un coin et de réfléchir. Je dois trouver une façon de retrouver ma place au Paradis, puis d'aller faire le ménage parmi les anges corrompus. Oui, voilà, je vais faire ça.

Malgré les gouttes de sueur qui coulent le long de mes tempes, ma bonne humeur revient. Je me délaisse de ma toge et me retrouve en chemise, ce qui me permet de respirer un peu mieux le temps d'atteindre le bas de la colline. Enfin, après plusieurs heures de descente (c'était tellement plus pratique quand je pouvais voler), j'arrive dans une ville où il fait encore plus chaud.

PUTAIN, ils ne peuvent pas installer la clim ici ?

La tête baissée, je tente de traverser la ville de façon discrète. Malheureusement, c'est peine perdue. Je dois être une célébrité, parce qu'à peine ai-je mis un pied dans l'allée principale que plusieurs personnes se ruent vers moi.

— C'est Adam !

— Adam ! Qui est Adam ?

— Adam, comme Adam ?

— Mais oui, Adam !

— Le chef des anges.

— Tu connais d'autre Adam, toi ?

— Qu'est-ce que le chef des anges ferait ici ?

— N'est-il pas censé être au Paradis ?

— Mais non ! T'as pas entendu Vox ? Il l'a dit hier ! Il a été damné. Les anges se sont révoltés.

— Noooooon ? Jure !

— EH ! ADAM ! Ça te dit de tirer une barre ? LSD ? Cocaïne ?

Je grince des dents. OK, je suis dans une rue pleine de dealer et de gens chelous. Ils me regardent avec de grands sourires comme s'ils voulaient me dévorer. Je dois à tout prix trouver une façon de leur échapper avant que ça dégénère. Je garde la tête baissée, en mode « Je ne suis pas cet Adam dont vous parlez, mais son frère jumeau inconnu ».

Malheureusement, cela ne fonctionne pas. Un bras, puis deux, puis trois, se tendent vers moi.

— Viens ici, Adam ! Viens par là.

— NE ME TOUCHEZ PAS ! m'exclamé-je. Bas les pattes.

Je sors les cornes, prêt à les empaler. Un homme glisse sa main sur ma hanche, une femme effleure mon bras et tend sa bouche pulpeuse vers moi. Une sorte de serpent s'apprête à m'embrasser et je suis alors obligé de m'enfuir en courant et de me réfugier dans le premier bar que je trouve.

— Tiens donc ! L'ange déchu.

Je sursaute. On ne peut pas rester incognito, ici ou quoi ?