Chapitre 2 - On devrait organiser l'Oktoberfest
— On devrait organiser une fête, déclare Hust.
J'arque un sourcil et me tourne vers lui. Le barman se redresse, sa toge blanche râcle le sol, alors qu'il s'étire. Ses jeux de cartes, qu'il adorait, ont été confisqués en accédant au jardin d'Eden. Pauvre Hust... Il ne sait plus quoi faire de son temps. À part distribuer du thé, des sirops et des gâteaux dans notre salon de thé, il manque de fun et d'utilité.
— Une fête ? répète-je. Je te signale que c'est interdit.
C'est marqué dans le règlement du Paradis. Article 3. Alinéa.1.2. Paragraphe 6.
— Les anges ne veulent pas de bruit passé 17h, rappelé-je. On peut éventuellement demander une petite exception si on fait un goûter, mais...
— ANGEL !
Hust se lève, ses mains poilues sur les hanches, et s'avance vers moi, l'œil mauvais. Ses petites cornes sont dressées sur sa tête. Je porte le verre de sureau à mes verres, et croise mes bras inférieurs. L'avantage d'être à moitié araignée, c'est que j'ai toujours des mains à disposition.
— Oui, Hust ?
— Qu'est-ce qui te prend enfin ! s'exclame-t-il. Depuis quand es-tu si sage ? Ça fait presque un an qu'on est ici, et je ne te reconnais plus.
Je pousse un soupir. Il a raison, je le sais. Moi non plus, je ne me reconnais plus, mais que veut-il que j'y fasse ?
— Toi aussi, tu as changé ! lui fais-je remarqué en le désignant de la tête au pied. Tu ne joues plus aux cartes, tu tiens un salon de thé, tu te couches à 20h.
— Ça ne peut plus durer.
Il n'a pas tout à fait tort. Moi aussi, j'en ai marre d'aller me coucher à peine le soleil disparut derrière la montagne. J'en ai marre de ramasser des pissenlits pour faire des herbiers, de préparer des gâteaux et de parler de tout et de rien (surtout de rien, car il n'y a jamais aucun potin angélique ici !).
Toutefois...
— Qu'est-ce que tu proposes ? rétorqué-je. Qu'on demande à retourner en Enfer !? De toi à moi, je n'ai aucune envie de retomber entre les griffes de Valentino. Mais si tu veux retrouver le démon auquel tu étais lié, tu peux...
— Je ne parle pas de retourner en Enfer ! me coupe-t-il. Mais nous devons absolument mettre du fun dans cet endroit. Sérieusement, on se fait chier ici.
Sur ce point, il n'a pas tort.
— J'ai discuté avec des anges, m'apprend-il dans un chuchotement. Certains d'entre eux s'ennuient aussi. Ils aimeraient que quelqu'un organise quelque chose !
— Et ce quelqu'un, c'est toi, c'est ça ?
— Ou nous ?
Son regard brille d'une lueur d'envie. J'avoue que ça m'intrigue. Même dans ma vie terrestre, je n'ai jamais été sage, alors j'avoue que s'il sait comment pimenter cet endroit sans nous faire choper, je ne suis pas contre.
— Pourquoi pas.
— GÉNIAL !
Je tourne la tête de chaque côté, mes bras inférieurs s'agitent, lui faisant signe de baisser d'un ton. S'il continue à parler si fort, les anges vont débarquer pour nous rappeler que « toute grossièreté et langage chartrier est interdit ». Article 2. Alinéa 2.5. Paragraphe 4 (oui, je l'ai appris par cœur, je m'emmerdais tellement que je devais m'occuper).
— Comment veux-tu animer cet endroit ? chuchoté-je. À part une kermesse, je suis en manque d'inspi', là !
D'autant que les supermarchés du Paradis sont vides d'alcool ou autres substances amusantes. Sauf s'il veut faire une fête avec du champomy, je ne vois pas trop comment nous y prendre.
— On va faire rentrer de l'alcool illégalement et organisé l'Oktoberfest ! déclare-t-il.
— L'Oktoberfest ? répète-je, sourcil arqué. T'es au courant que le principe même de l'Oktoberfest, c'est de finir bourrer à se rouler dans la bière en dansant à moitié nu sur des tables ?
Une seconde, je m'imagine, debout sur une table justement, habillé d'une robe bavaroise, me mouvant avec charme et élégance au milieu des anges. S'ils étaient moins chastes et choqués de tout, ils verraient combien mon corps est attrayant.
J'avoue que cela me plaît de les imaginer baver sur moi.
— Effectivement, c'est le principe, reconnaît-il.
— Si on fait ça, on peut dire adieu à notre seconde chance.
Et je me retrouverai à la merci de Valentino.
— Ou alors, on peut faire croire aux anges que c'est une fête parfaitement légale, reprend Hust. Après tout, l'Oktoberfest, c'est la fête de l'Automne à la base. On les invite jusqu'à 17h – grâce à l'autorisation exceptionnelle -, et on leur demande si nos potes peuvent rester dormir. Genre soirée pyjama. Puis on continue la fête sans eux.
— Ils vont s'en rendre compte si on fait du bruit, non ?
— On peut mettre un peu de pavot dans les gâteaux ! Pour les endormir ?! Sauf les anges qui sont assez funs et veulent faire la fête.
Mmmmmm, oui, peut-être. Ça peut fonctionner si on s'y prend bien.
— Et comment tu fais rentrer la bière au juste ? demandé-je.
Le sourire de Hust remonte jusqu'à ses oreilles.
— T'inquiète, j'ai gardé le numéro d'Alastor. Il saura comment faire...
— Alastor ne pourra jamais entrer au Paradis ! m'exclamé-je.
Avec Lucifer, c'est le pire démon d'entre tous ! Et encore, Lucifer peut y arriver grâce à sa nouvelle amitié avec Adam, mais Alastor...
— Mais Charlie, si ! reprend Hust. Et Lucifer détournera l'attention d'Adam en attendant. Allez, Angel ! Dis-oui.
Et là, il me fait son regard. Celui auquel je ne peux jamais résister.
Je fonds ! Ce chat morose est trop mignon quand il s'y met. Je croise tous mes bras, esquisse un sourire amusé. Au fond, il a raison. On se fait chier ici. Alors, si Charlie et Alastor peuvent nous aider, qu'on drogue les anges récalcitrants, et qu'on parvient à faire style « On ne fait pas une vraie fête, mais une soirée pyjama pour fêter l'Automne », ça peut marcher...
Et au pire, je perdrai mon âme. Ce ne sera pas la première fois...
J'irai demander pardon ensuite...
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