Chapitre 7 (partie 1)

Enfin d'avant-midi,
au Camping

Dahlia, Molson et Labatt me réveillent en fin d'avant-midi en aboyant comme si le diable était à leurs trousses. Luka est levé depuis un moment déjà; son côté du lit est froid et il m'a emmitouflée dans un cocon de couverture. Les chiens se ruent dans l'escalier et bondissent dans le lit, fous de joie à l'idée de ce nouveau jour qui débute enfin.

— Franchement vous trois, personne ne vous a appris que vous n'étiez plus des chiots?

Je ne reçois aucune réponse, évidemment. Heureusement, dès que je fais mine de me lever, les trois complices bondissent au sol et scrutent le moindre de mes mouvements. J'enfile un des kangourou de Luka et des pantoufles tricottées par Mélanie avant de rejoindre mon ami.

La maison de Luka ressemble à un chalet. Le rez-de-chaussée se décline en une vaste pièce servant à la fois de cuisine, de salle à manger et de salon à laquelle est joint un vestibule où se trouvent la machine à laver, le sèche-linge et un minuscule cabinet de toilette. Le deuxième est constitué de deux chambres et d'un bureau ainsi que d'une salle de bains complète. Il habite seul bien que sa petite sœur, Ève, passe la moitié du temps chez lui. Une part de moi a toujours songé à emménager ici mais je sais que cela ne ferait qu'accentuer les rumeurs à notre égard.

Lorsque j'arrive en bas, un feu crépite dans l'âtre, faisant son possible pour combattre le froid. Une pluie à deux instants de devenir de la neige frappe contre les fenêtres et la porte patio et pourtant, mon ami est torse nu devant sa crêpière.

Je prends un moment pour l'observer du pied de l'escalier. Il a l'air nerveux et inquiet. Je me demande ce qui le rend aussi mal à l'aise, ce n'est vraiment pas dans ses habitudes d'être aussi anxieux en ma présence.

— Tu vas devoir changer ton lit, dis-je. Molson et Labatt sont pleins de boue.

— C'est pas grave. On mettra tout ça dans la laveuse plus tard. Je ne pouvais pas les laisser dehors avec le temps qu'il fait.

Il a vraiment l'air morose et ça m'inquiète. Je grimpe sur un tabouret et m'accoude au comptoir. Il glisse une tasse Snoopie vers moi et termine de cuir les crêpes en évitant mon regard.

— Qu'est-ce que t'as, demandé-je.

Il ne répond pas immédiatement, concentré sur la crêpière. Nous savons tous les deux que cela ne durera pas. Premièrement parce que Luka ne reste jamais à broyer du noir et deuxièmement parce que je ne crois pas avoir la patience d'attendre bien longtemps. Une phrase qu'il m'a dite hier soir, ou plutôt très tôt ce matin me revient à l'esprit. « Pas ici... et pas maintenant. Viens au camping, allons dormir quelques heures et je te raconte tout après. »

Est-ce ça qui le rend si nerveux? Qu'a-t-il de si horrible à me raconter pour faire cette tête-là?

— Luka, soufflé-je doucement. Que se passe-t-il? Tu commences à me faire peur.

Sans dire un mot, mon ami dépose sa tasse de café à l'effigie de Charlie Brown à sa place au comptoir et glisse la montagne de crêpe entre nous. Toutefois, il ne s'assied pas, gardant les mains sur le dossier de son tabouret.

— D'abord, il faut que tu comprennes que ça n'a jamais été mon intention de te mentir par omission. Si tu dois tomber sur la tête de quelqu'un, prends-toi en à Victoria.

Évidemment, j'en revenais toujours à elle et à notre relation foireuse. Qu'avait-elle encore fait pour rendre Luka aussi nerveux en ma présence? Je prends une gorgée de thé et attend la suite. Qu'est-ce que ma mère et le Bureau sont allés inventer pour mettre mon ami dans un tel état?

— Sara... je... et merde!

Il devient de plus en plus nerveux et je détecte la peur dans ses iris azuré. Je pose la main sur son avant-bras dans l'espoir de lui apporter un peu de réconfort. Automatiquement, il relève la tête, plonge des yeux tristes dans les miens et avale sa salive difficilement. Aussitôt, je m'adoucis. Il n'a pas à subir ma colère, il n'a rien à voir dans mon mécontentement.

— Coco... soufflé-je.

Je ne me rappelle pas d'où vient ce surnom, mais je l'ai toujours appelé ainsi, tout comme il m'a toujours surnommée Sara-Chou, lorsque ce n'était pas tout simplement Chou. Le sobriquet ramène l'ébauche d'un sourire sur ses lèvres, alors je poursuis :

— Je ne sais pas ce que Vic a fait, mais le Bureau n'a pas l'autorité suprême, débuté-je. Nous nous défend...

— Jesuisunloupgarou, lâche-t-il d'un bloc, me coupant la parole.

— Pardon?

Luka inspire profondément, la détresse évidente dans le moindre de ses mouvements. Il expire lentement puis plonge un regard déterminé dans le mien.

— Je suis un loup-garou, répète-t-il plus calmement.

Ma bouche s'ouvre et se referme, n'émettant aucun son. Mon conscient se réajuste, me laissant croire que mon subconscient est au courant de ce fait depuis longtemps déjà. S'attendant probablement à une plus vive réaction de ma part, Luka tend une main hésitante vers moi, le regard suppliant.

— Je te demande pardon, Sara-Chou, je te jure que je n'ai jamais souhaité te tenir dans l'ombre. J'ai même un peu tout fait ce que j'ai pu pour que tu le devines toi-même.

— Wo... recule un peu, là, m'écrié-je. Tu as tout fait pour que je le devine?

Il se fend d'un sourire espiègle et fait un geste en direction des chiens.

— Tu croyais vraiment que Dahlia était la golden la plus intelligente de l'univers? Comment expliques-tu qu'elle comprenne aussi bien tout ce qu'on lui raconte?

— Je ne sais pas... éludé-je, comme n'importe quel chien, elle analyse notre non-verbal?

Luka lève les yeux au ciel avant de prendre une gorgée de café. Il a l'air moins nerveux, mais quand même un peu appréhensif.

— J'aurais dû me douter que tu trouverais une explication logique. Mais juste parce que je ne tiens pas à ce que ton cerveau de scientifique corrompe le moment le plus difficile que j'ai vécu de toute ma vie, observe un peu ça et on en reparle après, d'accord?

— D'accord, accordé-je.


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