Retour à Sara

     Je peux déjà dire que cette histoire ne tournera pas rond. Örtensson semble avoir été forcé dans cette manigance et je peux presque entendre ses dents grincer tandis qu'il me regarde fouiller le dossier. Il ne proteste cependant pas lorsque je décide de résumer l'ensemble de ce que nous avons réussi à rassembler depuis le matin. Fabiola et Nick sont très réceptifs et Nick alimente la conversation en me parlant des autres victimes. Lorsque j'amorce le geste de prendre des notes, Saunders, toujours isolé dans son coin me tend une clé USB.

     — En voici une partie, propose-t-il.

     Cet homme me déconcerte. Il a l'air de se ficher totalement de la conversation, reste dans son coin les bras croisés et pourtant, quelque chose me dit que rien ne lui échappe.

     — Sara! s'écrie Minh en entrant sans frapper, faisant sursauter tout le monde.

     Les réactions sont immédiates.

     — Qu'est-ce que c'est que ces manières, tonne Axel. Voir qu'on entre comme ça dans un bureau.

     Au même moment, Dahlia jaillit dans la pièce et bondit directement sur les genoux de Nick, renversant tout sur son passage. Heureusement, mon thé est dans une tasse de transport. Elle roule jusqu'aux pieds de Saunders, ce qui attire mon attention sur lui une fois de plus.

     Son regard gris croise le mien tendis que nous nous penchons tous les deux dans le but de récupérer la tasse et le dossier.

     — Est-ce toujours aussi mouvementé ici, me demande-t-il.

     — Entre le braconnage, les partys de grèves et les touristes en manque de divertissement, il faut bien s'amuser, répond-je. Vous savez...

     — Je ne dirais pas ça à n'importe qui, Sara, mais puisque Nick a commencé le bal, j'imagine qu'on peut se tutoyer.

     — Je n'ai pas l'habitude de tutoyer les gens dont j'ignore le prénom.

     Le sourire qu'il m'adresse a quelque chose de menaçant et de grandement attachant tout à la fois lorsqu'il dit:

     — Ça, c'est top secret.

     — T'as entendu, Marchenko, s'écrie Minh, me pénétrant de son regard inquisiteur.

     Saunders et moi nous redressons d'un même mouvement. Il me remet ma tasse de thé et se recule à nouveau contre le mur.

     — Quoi? demandé-je.

     — Deux choses. D'abord, ça prendrait du monde pour accompagner Vince. On a trouvé la potentielle scène de crime où notre victime de ce matin aurait été tuée. Du moins, les chiens de Dubé ont détecté la présence d'un intru et selon ses dires, il y a beaucoup de sang et des chaussures de femme. Deuxièmement, l'équipe de tournage était chez Royer hier soir à la Petite-Rivière-Saint-Jean et Madeleine est partie avec un gars du coin, Lucien Roberge.

     — Oh... sérieux, soupiré-je.

     — Vous le connaissez, demande Fabiola.

     — C'est le milieu de nulle part, ici, répond Minh. Les seuls inconnus sont les touristes et après la saison de chasse, ils vont s'empresser de rentrer chez eux. Personne n'aime nos hivers.

     — Il faut faire deux équipes, décidé-je. Une pour la scène de crime, l'autre pour rendre une visite à Lucien. Qui vient avec moi...

     — Pas moi, fait Minh, je ne peux pas être en retard ce soir. C'est le bingo.

     — Tu vas au bingo, demande Fabiola l'air émerveillé.

     — On s'en fout, grommelle Axel.

     — Pas moi, mais la gardienne de ma fille, oui, précise Minh, ignorant superbement Axel.

     — J'ai une suggestion, interrompt Saunders.

     — Vas-y, gronde Axel.

     — Sara devrait partir avec Nick pour interroger ce gars pendant que nous vérifions la scène de crime.

     — Moi? Pourquoi?

     — Non, s'objecte Axel. Nick viens avec moi et ce Vince. Toi, tu vas avec la détective et Fabiola et... (il fit un geste en direction de Minh) allez faire le tour des voisins pour récolter des témoignages.

     — Ça ne sera pas trop long. On n'est pas en ville ici, ricane Minh en invitant Fabiola à la suivre.

     — Bonne chance, chantonne Fabiola.

     — Vince attends déjà dans l'entrée, précise Minh juste avant de disparaitre.

     — Dans ce cas, allons-y, opiné-je.

     — À qui est ce chien, demande Nick, encore envahi par Dahlia et tout son amour inconditionnel de golden.

     — À moi, avoué-je. Dahlia, pourquoi ne laisses-tu pas Nick tranquille?

     La chienne me regarde, couine un peu et appuie sa tête contre l'épaule de Nick. Parfois, lorsque je la vois agir ainsi, j'ai vraiment l'impression qu'elle comprend l'humain bien plus que devrait le faire un animal.

     — C'est correct, ma belle, dit-il à la chienne, nous allons nous revoir, promis.