Chapitre 2 (partie 2)
Je me fraie un passage jusqu'à la zone encerclée de rubans de sécurité et me glisse sous l'un d'entre eux, saluant un de mes collègues au passage. Je retrouve Vince penché sur la scène tandis qu'un médecin qui n'est pas Harry constate la mort de la victime.
— Je te préviens tout de suite, Marchenko, débute Vince, on ne trouvera pas grand chose ici. Elle a été déplacée. Elle ne s'est pas noyée non plus. Je dirais qu'on a plutôt essayé de la jeter dans le fleuve mais qu'il n'en a pas voulu.
Une jeune femme livide git sur les pierres en bordure du fleuve, là où elle a été abandonnée par la marée. Des traces d'injections lui perforent les bras et les cuisses. Elle porte des lambeaux de vêtements, un haut très en vogue ainsi que le reste d'un jeans moulant. Ses pieds sont nus et portent des traces de rognures. Sans doute qu'un animal sauvage lui est tombé dessus pendant la nuit. Sachant que la scène ne nous dévoilera rien, je donne le signal pour emporter la victime à la morgue.
— Je rentre à la station, dit Vince. Je vais attendre des nouvelles d'Harry, je parie qu'il ne tardera pas à se mettre sur l'autopsie. En attendant, trouve-moi ma scène de crime, si tu veux que je t'aide, conclu mon ami en me tapotant l'épaule. Car pour l'instant, je n'ai même pas trouvé une trace de pas!
La démarche légère et souple, complètement détendu, Vincenzo Verdi traverse la foule tel un mannequin sur le catwalk.
Je me dirige vers l'ambulance qui attend sur le côté. Une petite pluie glaciale d'automne s'est mise à tomber et les gouttelettes me gèlent presque sur place. J'enfouis mes mains au fond des poches de mon hoodie et me demande où ai-je bien pu laisser mes gants.
Deux adolescents sont recroquevillés sous des couvertures, l'air hagard. Minh est déjà avec eux, tentant de les rassurer. Elle est allée chercher son parapluie et tente d'abriter tout le monde tout en maintenant une distance respectueuse.
— Détective Marchenko! Il faut pas que mes parents sachent qu'on était là, pleure la fille dès que je suis à portée de voix. Mon père ne sera pas d'accord...
Je reconnais ces grands yeux d'agnelle en dépit du maquillage qu'elle a certainement mit en cachette une fois en route vers l'école. Il s'agit d'Agathe Leroux, la fille du révérend père de l'Église de la Voix Suprême. Monsieur Leroux est un homme autoritaire et ferme qui nous prend pour des suppôts de Satan depuis que l'église est devenu le poste de police.
— Vous pourriez la laisser partir?, propose le garçon, un jeune homme qui ne m'est pas familier. On sait tous qu'il n'y a pas grand chose à dire. On se promenait avant qu'elle aille à l'école, puis en remontant la berge, on a vu la morte.
— Qui a appelé au poste, demandé-je.
— C'est Yohann, dit Agathe. J'ai pas de cell.
Je me tourne vers Minh, la questionnant du regard.
— On peut vérifier ça. De toute façon, c'est Ti-loup qui a répondu, alors si jamais...
Ti-loup, c'est notre nom de code pour Jimmy. Je hoche la tête et fait signe à Agathe de partir. Je n'ai vraiment pas envie de la mettre dans le trouble et je n'ai pas non plus envie de me taper une entrevu avec son père dans les pattes.
— Enchantée, Yohann. Quel âge as-tu et quel est ton nom de famille?
— Je m'appelle Yohann Thibodeau et j'ai dix-huit ans, détective. Et... avant que vous ne disiez quoique ce soit, je lui fais rien de mal, à Agathe, je vous jure!
Il me fixe de ses grands yeux sombres et j'ai l'intime conviction qu'il ne ment pas. Il s'agit d'une sorte d'instinct chez moi, je sais toujours démêler la vérités.
Une bourrasque nous souffle une lame de pluie glacée dessus et arrache presque le parapluie de Minh. Yohann ne me semble pas trop en état de choque, alors je décide de l'emmener au poste pour faire sa déposition, nous serons bien plus confortables là-bas.
Il se lève et je réalise qu'il est très, très grand. Le souvenir de ma rencontre de la veille me revient en tête. Yohann n'est pas mon Basket boy d'hier soir, il se déplace en claudiquant.
Cependant... j'ai bien tiré l'un d'eux dans le genoux.
Non... si Yohann avait reçu un projectile dans le genoux la nuit dernière, il ne se déplacerait certainement pas de cette manière. En vérité, il serait certainement encore à l'hôpital.
Tien, maintenant que j'y pense, peut-être que je ferais mieux de vérifier avec l'hôpital régional si quelqu'un a été admis d'urgence?
— Qu'est-il arrivé à ta jambe?, demandé-je, l'air de rien.
Il baisse les yeux, embarrassé avant de répondre en soulevant un peu la jambe de son jeans très ample pour révélé un appareil orthopédique qui ne me dit pas grand chose à part qu'il n'est définitivement pas Basket boy.
— Une malformation à la naissance.
— Oh, désolée.
Bon, bien fait pour moi. À ma gauche, Minh me jette des regards curieux. Je commence à me demander si je n'ai pas oublié des traces de ma rencontre de la veille quelque part.
— On fait vraiment rien de mal, vous savez, s'inquiète Yohann. Je suis en vacances dans le coin avec des amis. On est installés dans le camp de chasse du père d'un ami. On a nos permis, vous pouvez vérifier. J'ai rencontré Agathe un matin où je prenais des photos sur la plage. On s'est mis à parler... et depuis on se voit.
Il baisse les yeux et le ton. Il est mal à l'aise et intimidé mais ne ment toujours pas. Il est sincère dans ses intentions envers Agathe.
— Nous n'allons pas vous juger, le rassuré-je. On connaît le père Leroux.
Minh acquiesce puis déverrouille la voiture. J'attends que Yohann soit installé derrière avant de prendre place sur le siège passager.
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