Chapitre 2 (partie 1)
Le lendemain
— My god, Marchenko, qu'est-ce que t'as fait à ton char? me demande Steve Marois, le seul garagiste du coin qui accepte encore de travailler sur ma voiture.
— C'est sans doute une bande d'adolescents en manque de divertissement qui ont fracassé la vitre avec un ballon. Ce n'est pas grave, éludé-je.
Je dois faire réparer ma voiture. Sans roues, on ne va pas loin dans le coin. J'ai pris la peine de nettoyer la portière et de m'assurer qu'il n'y ait aucune trace de sang. Je ne veux pas qu'on me pose des questions auxquelles je ne saurais quoi répondre.
— Ils n'y sont pas allés de mains morte. Je me demande bien c'est qui.
Je hausse une épaule. Hors de question que je mette le blâme sur quelqu'un qui n'a rien fait. Heureusement, Steve ne s'intéresse déjà plus à ça. Il poursuit:
— Je vais réparer ça. Mais, si tu veux mon avis, me dit-il, tu devrais plutôt la vendre à la Scrap à Dubé et t'en acheter une autre.
— Elle roule encore parfaitement bien, cette Mazda-là, Steve. Fais juste lui remettre une vitre, t'as même pas besoin de la débosseler.
Il me jette un regard qui me fait penser qu'il songe à me dénoncer pour maltraitance mécanique ou je ne sais quoi mais n'ouvre pas la bouche.
— Je vais le faire quand même, lance-t-il alors que je quitte le garage sur mon vélo.
Je remonte ainsi la rue Principale jusqu'au centre-ville. Le poste est installé dans l'église de Havre-Hébert depuis sa désacralisation il y a une vingtaine d'années. On a laissé les gargouilles sur le toit ainsi que plusieurs des ornements du bâtiments. L'important est de préserver l'aspect original de l'extérieur le plus possible puisqu'il est protéger par la société du patrimoine historique.
Je suis en train de cadenasser mon vélo lorsque Dahlia m'aperçoit. Hurlant de joie, elle s'élance, traverse la rue sans regarder et se jette sur moi. Bondissant de bonheur, ses grosses pattes velues sur mes épaules, elle couine en agitant la queue frénétiquement. La golden retriever fait de son mieux pour me lécher le visage tandis que, pour ma part, je m'efforce de me protéger de mes avant-bras en riant.
Luka Sévigny, le pompier le plus populaire en ville trotte vers moi, l'air désolé. la laisse et le collier de la golden rebelle en main.
— Sara, désolé!, s'exclame-t-il. Je n'ai pas eu le temps de la rattraper.
— Ce n'est pas grave, dis-je en grattant la chienne derrière les oreilles, elle s'est ennuyée, c'est tout.
C'est un classique. Dahlia réussit toujours à se sortir de son collier à cause de sa fourrure particulièrement touffue. Je fait de mon mieux pour la poser par terre et elle enfonce sa tête dans mes jeans en couinant de bonheur. Luka remet le collier à Dahlia qui agite encore la queue tellement fort que son corps entier remue de gauche à droite.
— Nous irons courir ensemble plus tard, dis-je à la chienne. Maintenant, je dois aller travailler.
— Je suis content que tu soies de retour, me salue mon ami en entraînant Dahlia derrière lui. On se voit vendredi chez Harry?
— Bien sûr! Même avant si tu veux.
Essuyant tant bien que mal les traces de pattes sur mon hoody, je me dirige vers le poste en souriant. Il est temps de me remettre au travail.
Je suis sur le point de monter les marches menant au parvis lorsque Minh sort à ma rencontre.
— Minh, ne devais-tu pas être en congé cette semaine?
— Morel m'a appelée. On a trouvé un cadavre sur la berge près du port, pas très loin du chantier. Tout le monde est déjà parti là-bas, je t'attendais pour y aller.
Eh merde! Un cadavre, sérieux? Je savais qu'il y avait quelque chose de louche hier soir. J'aurais dû chercher davantage... Pourquoi n'ai-je trouvé personne? Est-ce arrivé après ma confrontation avec ces étranges individus?
— Merci, c'est gentil. Mais tes vacances?
Minh hausse une épaule et sourit, espiègle.
— Je vais pouvoir emmener Émilie à Disney à la relâche. J'ai déjà mes billets d'avion et j'en ai fait une belle copie plastifiée pour Morel.
— Je suis certaine qu'il a adoré!
Elle m'entraîne vers la dernière voiture de patrouille du stationnement, un sourire satisfait aux lèvres.
— T'as pas idée! Mais plus sérieusement, pour une fois qu'il se passe quelque chose ici, je ne vais pas manquer ça!
Je suis un peu choquée. Minh, pour sa part, semble tout à fait à l'aise.
— Quelqu'un est mort, m'écrie-je.
— Je sais, ajoute Minh, je ne me réjouis pas vraiment de la mort d'une personne. Mais disons que ça fait quand même du bien de se sentir utile pour autre chose que de chasser les délinquants locaux qui jouent aux pirates au chantier.
Là-dessus, je la comprends. Ce n'est pas pour rien que j'ai accepté le poste de détective.
— C'est arrivé quand? Pourquoi personne m'a avertie?, demandé-je.
— Jimmy devait le faire, dit-elle, confuse. Ouais, j'imagine que ça répond à ta question.
Jimmy Chevalier, fils du maire et éternel fainéant nous a été imposé l'an dernier. Il n'est pas mal intentionné, bien au contraire. Il a cependant le même niveau de professionnalisme que Dahlia et ses champs d'intérêts sont presque aussi limités. Dahlia aime courir, manger, nager, aller chercher des objets et se faire gratter derrières les oreilles. Jimmy aime...
Finalement, à part pitonner sur son cellulaire et arriver en quatrième vitesse lorsqu'il est question de bouffe, je n'arrive pas à nommer les autres préférences de Jimmy.
— Tu crois qu'il va finir par se décider à te proposer de sortir avec lui?, demande Minh alors qu'elle engage la voiture en direction de la rive.
— Jimmy?!, m'écrié-je horrifiée.
— Mais non! Luka, fait-elle en indiquant vaguement la direction de la caserne du menton.
Elle éclate de rire à mon air momentanément soulagé. Depuis son arrivée dans le coin, Minh s'est mis dans l'idée qu'il est inconcevable que Luka et moi ne formions pas un couple un jour ou l'autre. Il faut dire qu'elle est arrivée plus tardivement, après nos études à l'école de police et qu'elle ne connaît pas toute notre histoire. Bien sûr, c'est passé dans la tête d'un peu tout le monde depuis toujours, mais en vérité, Luka est presque mon frère. Il faut dire que j'ai pour ainsi dire été élevée par Mélanie et Dominic. Avec ma mère fantôme, il fallait bien que quelqu'un s'occupe de moi et les Murray – la famille de Judith – étaient déjà tellement nombreux!
Je laisse tomber cette ligne de pensée inutile d'autant plus que je reçois un appel précisément à ce moment. Mon afficheur annonce «J. Chevalier».
— Hey, Sar... euh détective!, salue-t-il dès que je répond.
— Jimmy, appelles-tu pour me dire quelque chose?
— Ben... euh... en fait, je t'ai vue... j'veux dire vous, détective, vous!
Il se racle la gorge, toussote un peu, s'emmêle dans ses mots.
— Je vous t'ai vue partir avec Minh, ça m'a fait penser que j'avais un message à te remettre à votre arrivée...
Encore une toux, et je l'entends prendre une gorgée.
— Sar... détective, est-ce que je dois encore te faire le message? Allez-vous dire à mon père que... je me suis mis les pieds dans les plats?
Au fond, je plains ce garçon. Il a certainement souffert d'une ou deux commotions cérébrales de trop en jouant au hockey. Je soupire. Ce ne doit pas être drôle tous les jours d'être le fils du maire adoré de tous. Martial chevalier prend sa réputation très au sérieux et je sais que son fils le déçoit toujours un peu.
— Mais non, voyons, pourquoi ferais-je ça?En passant, tu peux continuer de me tutoyer et de m'appeler Sara, Jimmy. Comme tout le monde et comme d'habitude.
— Ah, ouf! Parce que je trouvais ça compliqué.
Il fait une pause pendant que je lève les yeux au ciel. Que ferions-nous de ce pauvre Jimmy? Il n'est peut-être pas la pizza la plus dégelée de la boîte et il est facilement distrait. Cependant, il parle aussi bien l'anglais que le français et connais même l'innuaimun, ce qui est un atout dans la région.
— Dis, comme t'es partie avec Minh, est-ce qu'il faut quand même que je te fasse le message?
— Non, pas cette fois. Mais tâche de ne plus oublier, d'accord?
— Promis.
Je raccroche et range mon téléphone. Minh et moi poursuivons la route en bavardant de tout et de rien, exactement comme lorsque nous étions en patrouille ensemble.
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