— Doux Jésus, c'était magnifique!, rigole Fabiola, tellement hilare qu'elle en a du mal à tenir debout. Je n'arrive pas encore à croire qu'elle t'a tirée dessus!

     — Ta gueule, gronde Axel, boitillant toujours un peu en poussant la porte de la maison.

     Heureusement, Nick a eu le temps de retirer la balle de son genou avant que la plaie ne se referme complètement. Il a également dû replacer la mâchoire de Saunders, mais leur collègue, contrairement à Axel, reste impassible.

     — Qu'est-ce qu'elle foutait là, au fait, éclate le leader, foudroyant son ami du regard. T'étais supposé t'être assurée qu'aucune attention ne serait porté au chantier naval ce soir!

     — J'ai du faire une erreur, admet Nick sans la moindre culpabilité. J'étais certain d'avoir intercepté toutes les communications.

     — Il faut croire que non!

     — Ce n'est pas grave, tente de tempérer Fabiola. Personne n'est mort.

     — Mais elle aurait pu, éclate Axel en perforant le mur du couloir de son poing.

     — Ce n'est pas une raison pour laisser sortir ton caractère de chien enragé, marmonne Fabiola, traînant les pieds en direction du comptoir où attend une boîte de beignets.

     Les quatre amis arrivent dans la grande cuisine de la ferme où Axel s'empresse de fouiller dans le réfrigérateur à la recherche de quelque chose à boire. Sans lui demander son opinion, il lance une bouteille à Saunders qui l'attrape et la dépose sur la table avant d'enlever son t-shirt souillé.

     — Moi, ce qui m'emmerde c'est qu'on a tous été paralysé par un Mot de Pouvoir, dit-il avant de prendre un linge qu'il mouille au robinet. Et ça, ce n'est pas normal. Côté nous a bien assuré qu'il n'y avait aucun paranormaux à Havre-Hébert à part la bande de loups.

     — La meute du Vent Hurlant est plus qu'une «bande de loups, précise Nick d'un ton calme avant de jeter un coup d'œil à Axel. Victoria a peut-être fait une erreur?

     Axel hausse une épaule. Il n'est pas prêt à croire ça. Victoria est bien trop rigoureuse pour se méprendre sur un détail aussi important.

     — La fille a également paralysé notre cible, remarque astucieusement Fabiola. C'était particulièrement drôle de le voir, suspendu dans les airs par une main. D'ailleurs, c'est toi, Saunie, avec tes phéromones, qui nous a délivrés?

     — Ce ne sont pas des phéromones, gronde l'autre en la foudroyant du regard.

     — On ne m'a pas prévenue qu'il y avait de la vache enragée au menu ce soir, rigole Fabiola en prenant tout de même soin de se cacher derrière Nick. Je suis contente d'être végétarienne.

     — Fab, n'exagère pas, la réprimande Axel entre deux gorgées. Saunders s'est fait défoncer la gueule à cause de cette fille, il a le droit d'être furieux.

     Dégoûté et déçu de leur mission, Saunders continue de se nettoyer. Leur cible ne l'a pas manqué, son visage et sa poitrine sont en lambeaux. «Au moins, Dorion est pire que moi», songe-t-il en tournant les talons avec l'intention de se rendre à sa chambre. Il aura besoin d'un autre t-shirt, celui-là est fini.

     Il n'a pas fait trois pas qu'il s'arrête net. Victoria Côté est là, dans l'embrasure de la porte. Grande et souple, l'humaine est vêtu d'un tailleur-jupe et d'escarpins qui n'ont rien à faire dans une ferme aussi rustique que celle-ci. Ses billes bleues examinent la poitrine maculée de sang et de poussière de son agent spécial, scrute les cicatrices noires et argentées sans se gêner.

     — T'as fini? On n'est pas au musée, gronde Saunders, reculant jusqu'au coin le plus ombragé de la cuisine, les bras devant la poitrine.

     Victoria ne répond rien, se contentant de croiser le regard gris orageux de son agent avant de s'avancer dans la pièce.

     — Salut, boss, fait Fabiola en envoyant la main dans un effort vain de détendre l'atmosphère.

     Encore une fois, Côté ne se fend d'aucune réaction. Elle se contente de détailler tout le monde tour à tour, jusqu'à ce que son regard se fixe sur le genou et le sang qui s'écoule de la jambe d'Axel.

     — Allez vous nettoyer, et nous parlerons ensuite.

     — Viens, je vais t'aider, offre Nick à Saunders.

     — Parfait, ça ira plus vite pour enlever tout le gravier que j'ai d'incruster dans le corps.

     Les deux sortes, bientôt suivi d'Axel. Fabiola regarde leur supérieure, lui trouve une aura orageuse et décide qu'elle ferait mieux d'aller voir si quelqu'un a besoin de son aide ailleurs.

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     Une fois Axel et Saunders changés, pansés et passablement calmés, ils prennent à nouveau tous place dans la grande cuisine de la maison de ferme. Fabiola remonte ses pieds sur la chaise voisine, et Saunders, comme d'habitude, reste debout dans son coin, les bras croisés.

     — Expliquez-moi ce qui s'est passé, demande Victoria. Je croyais que vous l'aviez.

     — Nous aussi, commente Fabiola, tortillant le bout de sa tresse entre ses doigts.

     Nick fait le résumé de leur soirée. À la mention de l'utilisation d'un mot de pouvoir, Côté fronce ses sourcils parfaits.

     — Il y aurait des paranormaux non déclarés dans la région... étrange, souffle-t-elle, songeuse. Il faudra pousser nos recherches plus loin. Mais d'abord, nous devons attraper Dorion avant qu'il n'atteigne sa prochaine cible.

     — D'accord, répond Axel. Toutefois, maintenant qu'il sait que nous sommes arrivés près de lui, il va certainement prendre la fuite. Il faut tout recommencer.

     — Ses traces sont partout en ville, rétorque Saunders qui trouve que le «nous devons» de Côté rime un peu trop bien avec son propre nom. Je vais le trouver.

     Personne ne le contredit. Ils savent tous que Saunders a des manières de pister qui dépassent même les instincts de chasseur de Nick.

     — Sauf que maintenant qu'il sait que nous sommes là, vous allez devoir veiller sur sa cible. Elle est trop précieuse pour qu'on lui permette de l'atteindre.

     — C'est sûr que si on lui colle aux fesses, il va finir par risquer quelque chose, souffle Fabiola. On pourrait peut-être lui tendre un piège en utilisant cette personne?

     — Et risquer la sécurité d'une humaine, sermonne Axel. Je ne crois pas, non. Deux d'entre nous vont la surveiller pendant que deux autres vont chercher Dorion.

     — Je traque, fait Saunders au cas où on aurait envie de lui assigner une autre tâche.

     — Tu es compromis, il a goûté ton sang, s'oppose Axel.

     — Cela ne lui fera rien de bon, crois-moi! Même les Vampires ne peuvent tout absorber. Il est hors de question que je devienne baby-sitter pour humain, s'irrite Saunders.

     — Commençons par voir de qui il s'agit, tempère Nick. Ensuite, nous déciderons de comment procéder.

     Les quatre camarades tournent leur regard vers Victoria qui sort une photo de son dossier et la dépose au centre de la table.

     — Il s'agit de Sara-Sue Marchenko, dit-elle, ne se doutant pas de l'émoi qu'elle cause chez ses agents.

     — Eh merde!, gémit Fabiola, résumant leurs pensées.

     — Tu me niaise! crache Saunders.

     Lorsqu'ils se retournent afin qu'il leurs explique sa déclaration, il a disparu. C'est à cet instant que Côté leur assène le coup final. Elle lève un regard humide vers Nick, Fabiola et Axel et prononce:

     — C'est ma fille.

     — Shit, résume la sorcière.