[ chapitre 23 ]
Romain ne dormait plus. Enfermé dans ce qu'on peinait à appeler une chambre, il tournait en rond. Les tic tac de l'horloge accrochée au dessus de son lit semblaient le narguer.
Chaque petite seconde ricanait dans sa tête. C'était devenu infernal.
Sentant ses oreilles assiégées par les bourdonnement incessants, il perdait le contrôle. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre qu'il devenait une de ces choses. Après tout, peut-être que c'était mieux ainsi. Les sautes d'humeurs, la colère et ce sentiment de se perdre soit même disparaîtrait avec tout le reste. Il serait enfin tranquille. Rien à foutre des dégâts que ça causerait autour de lui. Il n'en avait plus rien à faire des autres et de ce qu'ils pouvaient ressentir. Romain voulait juste se reposer.
Alors qu'il observait le vide assis à une table en ferraille, on toqua à la porte. Romain ne dit rien, il ne fit rien. Au bout de quelques secondes et d'autres coups sur la porte, la personne de l'autre côté du mur se décida à entrer. C'était un jeune garçon pas très grand, assez petit même. Il remonta ses lunettes sur son nez et remit correctement son béret sur sa tête avant de refermer la porte.
- Le chef veut savoir si t'es prêt, commença-t-il en s'approchant de Romain. J'ai pas trop compris ce qu'il voulait dire mais il paraît que je le verrai direct.
Comme Gibsy ne bougeait toujours pas, le jeune homme posa sa main sur son épaule pour le secouer un peu. Mais à peine eut-il touché sa peau que Gibs se retourna. Il agrippa violemment son cou et le serra entre ses doigts. Paniqué, l'homme au béret tenta de le repousser. Une de ses mains attrapa celle de Romain mais plus il essayait de s'en défaire et plus l'autre enfonçait ses ongles dans sa gorge.
- Gibs.. Gi..
Ses plaintes parvenaient à peine à passer la barrière de ses lèvres. L'air aussi se bloquait hors de ses poumons. Et la lueur dans les yeux de Romain avaient disparus pour laisser place à un grand gouffre.
Soudainement le garçon comprit ce que le chef voulait dire par « être prêt ». La dernière pensée traversa son esprit avant que Romain ne lui arrache définitivement la trachée.
*
- Chef , Gibsy vient de tuer un de nos hommes.
Le son du talkie-walkie grésilla un instant avant que la voix de femme ne reprenne.
- Il a tué Anthox. On a réussi à le maîtriser mais il en est devenu un. Dois-je l'abattre ?
Valentin prit l'engin dans sa main et le porta près de sa bouche.
- Hum non, filez le à Sébastien. Je n'ai pas envie de traîner plus de cadavres aujourd'hui.
- Très bien chef, à vos ordres.
- Bien, sourit Valentin en reposant le talkie-walkie sur la table.
Il posa ensuite ses coudes sur son bureau et croisa ses doigts. Son regard n'avait rien de vicieux. Étrangement, il paraissait bienveillant. Face à lui, blottit au fond d'une chaise, Max attendait. Le regard dans le vide, les yeux rouges et bouffis à cause des pleurs, il attendait que Valentin lui annonce comment se déroulerait sa mort. Pourtant, les intentions du chef n'étaient pas là.
- Pourquoi tu fais cette tête Max ? Tu t'appelles bien Max, n'est-ce pas ?
Le jeune garçon releva à peine le regard vers lui et hocha faiblement la tête.
- C'est pour ton ami blond ? Vous êtes proches je crois.
- On l'était, corrigea-t-il.
Puis Max baissa la tête. Il ne pouvait plus regarder en l'homme qui avait tué celui qu'il aimait. C'était trop. Il ne comprenait pas pourquoi ça les amusait de voir quelqu'un souffrir.
Comme si la fin du monde n'avait pas suffit à elle seule ?
- Mais que dis tu là mon p'tit Maxou. Vous l'êtes toujours !
- Vous rigolez ?
Car ça ne l'amusait pas. Il s'étrangla à prononcer ce peu de mots avant de secouer la tête et de passer ses mains sur son visage. Il avait encore envie de pleurer. Il n'y aurait jamais assez de larmes dans son corps pour écouler toute la tristesse et le désespoir qu'il éprouvait.
- Bien sûr que non, répondit Valentin en se redressant, attirant par la même occasion l'attention du plus jeune. Tu pensais vraiment que j'avais fait exécuter ton ami ? C'était juste pour vous mettre un coup de pression, à toi et tes petits camarades. On l'a juste transféré. Il va très bien.
- C'est.. c'est pas.. vous mentez.., hésita le brun alors que ses muscles ne répondait plus de rien.
Il regardait à présent Valentin avec une lueur d'espoir dans son regard las.
Valentin soupira doucement avant de contourner son bureau. Il s'approcha de Max, un doux sourire aux lèvres.
- Mon petit Max, je vais t'expliquer quelque chose. Peu de temps après le début de toute cette merde, un de tes amis et moi étions très proche. Nous faisions partie du même groupe, de la même équipe. Mais un jour.. Maxence nous a tous trahis.
Valentin fit une pause, laissant au plus jeune le temps d'assimiler complètement qui était le méchant dans l'histoire.
- Il avait signé un traité avec un grand groupe de barbares qui pillait et tuait sans hésiter. Et ils ont pillé et tué. J'ai vu ma fiancée mourir devant mes yeux, sans pouvoir lui dire au revoir, sans pouvoir lui dire une dernière fois « je t'aime ».
Max s'était doucement redressé sur son siège, intéressé par ce que racontait Valentin.
- C'est pour ça.. soupira Valentin avant de reprendre son souffle comme si les émotions d'un quelconque passé le submergeait.
C'est pour ça que je tiens tout particulièrement à ma vengeance. Et je suis prêts à tout pour l'obtenir.. d'où ce chantage Max.
- Quel chantage ?
- Si tu veux revoir ton Robin, j'attends de toi que tu parles. Comment atteindre Maxence ?
Max fixa l'homme devant lui un moment. Il chercha à desceller la moindre trace de mensonge dans son regard mais..
- Je veux le voir.
- Tout à un prix Max. Si tu ne parles pas, je le tuerai réellement et tu perdras toute chance de le revoir vivant.
Au fond de lui, Max savait très bien qu'il s'apprêtait à faire la pire chose au monde, et en même temps, n'allait-il pas sauver Robin ?
Il avait eu très peu de choix à faire dans sa vie, mais celui de suivre Robin avait été le meilleur de sa vie. Il n'y avait même plus de question, juste une réponse.
- Lucas.. Lucas a failli devenir Haters et.. et Maxence l'aime. Il peut le sauver.. et..et ferait tout pour..
Valentin alla tranquillement se rasseoir dans son fauteuil, un petit sourire vicieux au coin des lèvres. Enfin.
*
- Tu crois vraiment que tout ça c'était par choix ? Ricana Maxence en détaillant Lucas d'un œil arrogant. C'est parce que justement j'avais pas le choix ! T'étais le seul assez fragile pour tomber dans mes bras.
Lucas ne bougeait pas. La mâchoire serrée et la gorge nouée, il tentait vainement de cacher les tremblements de ses doigts. Il dut prendre sur lui pour ne pas se mettre à bégayer et dit le plus calmement possible :
- Je sais pas ce que t'essayes de faire Maxence mais je te conseille d'arrêter tout de suite.
Maxence esquissa un sourire comme s'il prenait un malin plaisir à écraser le cœur de Lucas. Il s'approcha dangereusement de lui jusqu'à ce que leurs torses se frôlent et leurs souffles s'affrontent. C'était à qui aurait le souffle le plus glacial, à qui donnerait la plus violente gifle.
- T'as fini dans le lit d'un gars qui te rabaisse depuis la seconde ou il t'a vu, un gars que tu prétends détester mais sans qui t'es paumé, un gars qui en a tellement rien à foutre de toi...
- Arrête.
Les jointures blanchissantes et les veines pulpeuses donnaient un air paniqué au plus petit. Ses joues devenaient bleues, il ne respirait plus très bien.
- Pourquoi, continua Maxence. La vérité fait mal au cul comme m..-
Maxence n'eut pas le temps de finir sa phrase que Lucas lui mit un violent coup de poing dans la mâchoire. Le châtain poussa un grognement rauque en se reculant alors que ses mains vinrent par réflexe tenir son nez. Un filet de sang coula de ses lèvres jusqu'à son menton. Il l'essuya rapidement sans regarder le brun devant lui. Lucas respirait beaucoup mieux depuis qu'il s'en était pris à lui.
- Eh oh vous deux ! Qu'est ce que vous foutez ?!
Le garde qui s'occupait à côté ouvrit rapidement la cellule et attrapa Lucas par le bras. Ce dernier sentit quelque chose dans sa poitrine. Il s'apprêtait à se défendre mais l'homme sortit son flingue et le pointa sur son front. Rapidement Lucas abandonna toute idée de protestation.
- J'vous sépare, informa durement l'homme en traînant Lucas hors de la cellule.
Maxence serra les poings. Ça n'allait pas du tout, rienn'allait. Le garde le visa un instant avec son arme, s'assurant qu'il ne profitait pas de l'agitation pour s'enfuir puis referma la grille. Il lui lança un dernier regard mauvais et tira Lucas hors de ce sous-sol poisseux, loin de la prison et de son coéquipier.
Maxence toussa. Il essuya de nouveau sa peau tâchée de sang puis jura.
- Vous m'emmenez où ? Demanda Lucas avant de déglutir.
- Ça te regarde pas, avance.
Le flingue toujours pointé à l'arrière de son crane, Lucas commençait à en avoir marre des questions sans réponses.
- Ça me regarde quand même un peu, grogna-t-il en croisant les bras.
Mais une claque derrière la tête lui répondit. Lucas lança un regard noir à l'autre homme mais ne dit plus un mot. Ils arrivèrent bientôt dans une autre pièce, bien plus grande et plus remplie. Au centre de celle-ci, il y avait une cage, grande de hauteur mais assez étroite. Les yeux du brun parcoururent la foule avant de se poser sur une silhouette qu'il ne connaissait que trop bien. Sébastien.
- Bordel, laissa échapper Lucas en s'arrêtant.
Ce n'échappa pas aux oreilles du concerné qui tourna le regard vers lui et esquissa un fin sourire. Le garde qui traînait Lucas le poussa avec le canon de son arme jusqu'à lui puis lui attacha les mains derrière le dos.
- Comment tu vas Lucas ! Ça fait un bail.
Sébastien souriait de toutes ses dents à présent.
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