[ chapitre 22 ]

Martin.

Ils avaient tué un prisonnier. Ils l'avaient tué et j'étais persuadé qu'ils n'avaient aucune raison de le faire. Maxence m'avait déjà parlé de ses amis et quand il mentionnait Robin, c'était souvent pour dire qu'il était juste et réfléchi. Ce type savait toujours quoi faire au bon moment et d'après ce que Maxence me racontait, il n'était ni du genre à foncer dans le tas, ni à fuir.

Tout ça était plus que bancale. Plus les jours s'écoulaient, plus je regrettais d'avoir joué la flipette. J'aurai pu prévenir Charlie que les prisonniers seraient prêts à rejoindre sa rébellion. Mais je ne l'ai pas fait. Tout ça parce que Valentin me donnait des sueurs froides et que Seb et Cyril m'en faisaient voir de toutes les couleurs.

Je voulais pas retourner jouer avec les Haters sous leurs yeux moqueurs. La dernière fois qu'ils m'avaient jeté dans cette cage, le Haters était tellement fort que j'ai cru que j'allais mourir. Ça les amusait de me voir face à un monstre, incapable de m'enfuir et avec pour seule défense ma cervelle.

Il était clair qu'avant, je ne me serais jamais défendu. Or maintenant, j'avais un allié et j'pouvais lui faire confiance.

*

- Tu crois qu'un jour on pourra à nouveau jouer aux jeux vidéos ?

Thomas avait posé la question en regardant le ciel. Il bronzait tranquillement à l'arrière du bâtiment, le dos calé contre le mur et les mains dans l'herbe.

- Carrément, s'exclama Damien en relevant la tête. Ils finiront bien par trouver un remède à ce truc et nous, on pourra reprendre nos lives.

L'enthousiasme de Damien fit sourire Thomas. Voilà deux heures que les deux compères se prélassaient. Damien nourrissait les animaux qui venaient à lui, comme ces deux chats gris et Natsu dont il avait la garde, alors que Thomas laissait passer le temps.

- T'es vraiment optimiste, dit Thomas en fermant les yeux.

Damien haussa les épaules, il y croyait réellement.

- En tout cas, continua Laink. Il y a pas moyen que je rejoue à un jeu de survie. J'ai eu ma dose.

- Jakov passerait-il l'arme à gauche ?

- Jakov à besoin de repos.

Les deux amis se mirent à rire en repensant à cette soirée où ils avaient créé leurs personnages. Cela datait déjà de plusieurs années, et pourtant ils ne les avaient pas oubliés. Jakov et Richus, les deux paysans à la recherche d'une nouvelle ferme faisaient partis d'eux et de leur amitié. La pensée même qu'ils étaient ces personnages les avait aidés à survivre. Damien avait été celui qui ne parvenait pas à se motiver. Quand l'info était tombée, que sa famille ne répondait plus au téléphone et que ses amis mourraient un par un, il s'était senti vide, presque éteint. Thomas l'avait poussé à croire que tout ça n'était pas plus compliqué qu'un jeu vidéo. Ils n'avaient qu'à faire comme si. Malgré les risques et le nombre de vies limité à une seule, ils avaient réussi.

Thomas sentit soudainement une langue humide sur sa main. Il ouvrit les yeux et fit la moue en voyant le regard triste de Natsu.

- Toi, ton maître te manque.

Le chien aboya, comme pour confirmer puis le lécha à nouveau. Thomas ouvrit la bouche pour protester, voulant taquiner l'animal mais une douce voix le coupa.

- Salut Damien, salut Thomas.

Les deux garçons relevèrent la tête vers Sanaa, heureux de la voir. Elle arborait un large et doux sourire, toujours aussi légère dans sa façon d'être.

- Salut Sanaa.

Thomas lui fit un petit signe de la main avant de reporter son attention sur Natsu qui réclamait des caresses. Damien, lui, bégaya. Il resta un instant dans le flou, un regard idiot pour la jeune fille.

- Je.. Tu.. ça va ?

- Oui ! Merci Damien. J'suis contente de te trouver. Je voulais juste être sur que c'était toujours ok pour cette aprem.

- Bien sur ! Euh.. j'veux dire, ouais.

- Cool..

Le silence reprit rapidement sa place entre eux. Thomas ne les aida même pas, trop occupé avec son nouvel ami. Aucun d'entre eux n'osait reprendre la conversation, ils se contentaient de se lancer des petits regards en coin, timides et amusés. Un rire nerveux finit par franchir les barrières de leurs lèvres et Damien rougit.

- Je dois rejoindre Charlie, murmura la jeune femme. On se voit tout à l'heure ?

- carrément, s'enthousiasma bêtement Damien avant de se rattraper. Aha, j'veux dire, oui. A tout à l'heure..

La jeune fille replaça une mèche de ses cheveux puis offrit un dernier sourire à son rencard et à Thomas avant de repartir. Elle fascinait tellement son interlocuteur qu'il ne réussit pas à répondre à son sourire. Il se sentit bête, d'autant plus qu'il voyait bien son meilleur ami le fixer d'un air moqueur.

- Tais toi, siffla-t-il entre ses dents.

Thomas rit. Damien l'amusait énormément. Il leva les mains en l'air pour montrer son innocence et pouffa.

- J'ai rien dit.

- Tu penses trop fort.

Encore une fois, Thomas voulu répondre mais il se fit couper. Damien venait de se lever brusquement et faisait de grands signes. Intrigué, le survivant suivit son regard et aperçut Martin de l'autre côté de la cour.

- Hé Martin, ramène toi !

L'infirmier hésita un instant ; il devait trouver Charlie. Mais finalement, il soupira et rejoignit les deux amis. Laink et Terracid étaient les seuls chez qui les moqueries ne sonnaient pas insultante. Jamais l'idée d'être volontairement méchant ne les avait traversé. C'était deux gamins qui se croyaient dans un jeu et Martin les appréciait.

- J'ai pas trop le temps les gars..

- On te voit plus.

Damien fit une moue faussement triste, qui fit rire le latino.

- Je dois trouver Charlie, j'ai.. un truc important à lui dire.

Thomas et Damien échangèrent un regard pleins de sous entendus puis se levèrent. Ils entourèrent le jeune homme, l'un d'eux posa fermement sa main sur son épaule alors que l'autre se penchait sur lui.

- Quel genre de truc important Martin ?

Martin repoussa la main de Thomas en secouant la tête. Il ne pouvait pas leur dire, même si l'envie lui brûlait la langue. Maintenant qu'il s'était décidé à en parler, il voulait mettre le peu d'amis qui l'entourait dans la confidence. Or il n'en avait pas le droit ; première règle de Charlie. La patronne choisit qui entre dans la résistance, et comment.

- Un truc pas si important en fin de compte.

- Tu mens trop mal, c'est affligeant.

- Même Damien le fait mieux et pourtant il est nul.

En voyant Damien donner un coup à son ami, Martin leva les yeux au ciel. Il les laissa se chamailler un peu avant de les couper :

- De toutes manières, on vous préviendra bientôt.

- Raison de plus pour nous prévenir maintenant !

- S'il te plaiiit, miaula le plus grand.

C'était dur de résister. Tellement dur que Martin ne résista pas. Après un long et lourd soupir, il capitula.

- Bon, suivez moi.

*

Les coups de Martin se firent hésitants contre le métal froid de la porte. Il n'avait pas prévenu Charlie, il avait dérogé à l'une des règles les plus importantes, qui était censé assurer leur sécurité. À présent il se trouvait face aux conséquences, accompagné de deux garçons de confiance et pourtant à risque. Il ne fallait pas oublier que Thomas était le cousin de leur véritable chef, celle qu'on craignait malgré son absence, celle qui te ferait regretter jusqu'à ta propre existence. Alors d'un certains point de vue, essayer de recruter le duo infernal était suicidaire. Pourtant il le faisait, et Charlie le voulait, dans un certain sens. C'était bien pour cette raison que Sanaa devait séduire Damien. Elle était douce, jolie, souriante et Damien craquait pour elle. Maintenant que Martin avait compris qu'il compromettait la réussite de cette rébellion, il avait de quoi hésiter.

- Alors Martin ? Tu comptes nous faire mourir ici ?

Martin inspira un grand coup avant de prendre son courage à deux mains et d'ouvrir la porte. À l'intérieur, le petit groupe d'amis était en pleine discussions. Charlie s'énervait contre Sofyan qui trafiquait un tas de ferraille alors que Sanaa et Amine retraçaient le plan de la prison. Tout le monde parlait vite et fort, si bien que personne ne sembla remarquer les nouveaux arrivants. Martin se racla la gorge pour attirer l'attention de Charlie mais elle ne sembla pas l'entendre.

- Charliee..

- Putain Sofyan c'est pas compliqué ! À croire que ça t'amuse de me faire perdre mon temps.

- Je fais pas exprès mon cœur. Si tu arrêtais de me crier dessus j'arriverai peut-être à faire quelque chose de mes mains. Évidement, je parle de notre plan, pas de nous dans un..-

- La ferme et bosse, ordonna Charlie avant de lui foutre une claque derrière la tête.

Agacée par le comportement tout sauf sérieux de Sofyan, la jeune femme se passa les mains sur le visage avant de se retourner. Elle vit alors Martin planté devant l'entrée, Laink et Terracid hilares derrière lui. Son sang ne fit qu'un tour. Qu'est ce qu'ils foutaient là ces deux crétins ?!

- Martin, Tu m'expliques ?

- Je..-

- Non, le coupa-t-elle. C'était pas ton boulot de les recruter. C'était celui de Sanaa.

- Pardon ? S'intrigua Damien en fronçant les sourcils.

Charlie l'ignora complètement et poursuivit. Tout le monde s'était tut dans le petit salon. Ils observaient le spectacle ; Martin complètement livide face à sa chef, furieuse. Il avait soudainement tellement peur qu'on l'abandonne, que Charlie le laisse derrière elle et s'enfuit avec les autres. Il flippait à l'idée de se retrouver ici sans personne pour le soutenir.

Mais ue autre personne semblait perdre pied dans la salle. Sanaa fixait à tour de rôle Damien et Charlie. Se faisant de plus en plus petite, elle espérait atteindre la ridicule taille d'un moustique pour disparaitre.

- On a de la chance si ils nous balancent pas, dit Charlie en mordant sa lèvre pour contenir son énervement.

- Attendez une minute.

Thomas poussa doucement Martin. Il survola l'ensemble de la salle et chacune des personnes présentes. Son regard se posa à nouveau sur Martin avant qu'il ne pouffe bêtement :

- Vous voulez vous rebeller ?

Charlie soupira, exaspérée puis leva les bras au ciel d'un geste faussement théâtral.

- Nan, c'est un Club de couture.

- Ah je me disais aussi.

La rebelle finit par doucement se relâcher. La surprise l'avait pris de court. Elle avait eu peur et s'était énervée mais maintenant que Thomas lui souriait, elle était rassurée.

Seulement, Martin ne l'était pas du tout. Juste à côté de lui, Damien serrait les poings.

- Du coup, tenta Charlie, vigilante. Vous vous joignez à nous.. ? Je sais que Damien fait partie de la famille de cette.. ( Elle déglutit avant de reprendre. ) On comprendrait votre refus mais..-

- Je déteste cette fille, on vous rejoint. N'est ce pas Terra ?

Le silence répondit à sa place. Thomas se tourna vers son ami mais ce qu'il vit stoppa instantanément son petit rire. Les yeux de Damien étaient sombres, d'un pourpre presque noir. Ses muscles contractés faisaient gonfler les veines de son cou et de ses tempes. Ses poings étaient si serrés que ses doigts blanchissaient sous la douleur. Il bouillonnait.

En quelques secondes, le grand brun se retrouva juste en face de Sanaa. Ses pupilles dilatées la transperçaient. Il était bien plus grand qu'elle, évidement, même lorsqu'elle se tenait debout. Leurs visages étaient proches. La jeune fille sentait toute la colère que Damien dégageait. Pourquoi n'avait-elle pas encore disparu ?

- Damien je..

- C'est vrai ? la coupa Damien. Est-ce que c'est vrai ? Tu faisais ça pour nous recruter ?

- Oui mais c'était pas.. Je pensais vraiment ce que je t'ai dit.

- Ah ouais ? cracha le brun.

Sanaa baissa la tête. Elle se mit à jouer nerveusement avec ses doigts alors que son cœur ratait battement sur battement.

- Je ressens vraiment des trucs pour toi Damien..

- Va falloir le prouver.

Damien se recula puis passa sa main dans ses cheveux. Tout le monde le regardait, les lèvres closes. Finalement, Il poussa un lourd soupir et se laissa tomber sur le canapé.

- On vous rejoint.

C'était bien simple dites moi.

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