[ chapitre 2 ]


- Bon tu te bouges ?!

Lucas bégaya face au garçon à la visière, qui commençait à perdre patience. Celui-ci souffla puis l'attrapa par le col avant de le tirer vers lui et de grimper les escaliers. Lucas secoua la tête, reprenant soudainement ses esprits. Ses jambes avaient encore un peu de mal à tenir debout. Il tenta tant bien que mal de sortir de sa torpeur pour suivre l'inconnu. Après tout, il avait l'air de vouloir l'aider.

Une fois sur le toit de l'immeuble, le garçon lâcha Lucas et continua sa route. Le brun manqua de tomber mais se rattrapa et se mit à courir à ses côtés.

Ils trottinèrent à peine quelques secondes et pourtant, cela sembla être des heures pour Lucas. Sa poitrine l'oppressait et ses pieds étaient maladroits, mais son sauveur n'y prenait guère attention.

Quand il s'arrêta, Lucas crut enfin pouvoir mourir en paix. Ses jambes le lâchèrent et il s'écroula sur le sol, épuisé. Il respirait fort, fixant le ciel. Puis son regard tomba sur son héros.

Le garçon aux cheveux châtains tenait une flèche dans sa main et avait un arc accroché dans le dos. Lucas ne l'avait même pas remarqué. Il fixa ensuite ses yeux. Ils étaient dorés et semblaient venir d'un autre monde. Un monde qu'il ne pensait jamais retrouver.

Ses paupières se fermèrent.

L'archer resta debout près de lui. Ses mains serraient fébrilement son arc alors qu'il observait l'autoroute avec insistance.

- Bouge toi Adèle.. Dit-il tout bas avant de jeter un coup d'œil sur la petite chose épuisée à côté de lui.

- Qu'est ce que tu foutais là bas ? Lui demanda-t-il.

Lucas ouvrit à les yeux et le fixa sans dire un mot. Ce garçon qui venait de le sauver.. Lucas se rendait soudainement compte qu'il n'était pas seul. Lui qui pensait être le dernier réel humain sur terre.. Il se sentait un peu bête à présent. Après avoir vu tous ces films de science-fiction, il aurait dû s'en douter. Seulement, quand il s'était enfermé dans cette petite pièce sombre, le chaos régnait. Il avait tout perdu, même l'espoir et la raison.

Or, maintenant qu'il voyait cet homme en face de lui, cette personne humaine qui l'avait sauvé.. Il ne pouvait s'empêcher de ressentir tout un tas de choses. Peut-être qu'il existait une cité quelque part, où personne n'était atteint par cette..maladie ? Peut être qu'on connaissait un remède, ou qu'on avait découvert une autre planète sur laquelle vivre ! L'espoir lui bouffait les entrailles. Ce même espoir idiot qui avait quitté les fondations même de son cœur il y a quelques mois..

- Pourquoi tu souris comme un crétin, demanda le garçon au pull rose en fronçant les sourcils, méfiant.

Sa main serra discrètement la flèche qu'il tenait contre lui. Le sourire de Lucas retomba aussi vite qu'il était apparu, alors qu'il secouait la tête.

- N..n..non.. 

Les mots ne voulaient plus sortir de sa bouche. Comme si les mois cloitrés dans le silence l'avait rendu muet. 

- Pour rien, finit-il par chuchoter tant sa voix s'était éraillée. Je me disais juste que..-

- Je t'ai demandé ce que tu faisais en ville, le coupa l'autre, toujours sur ses gardes.

- Ben.. J'y habitais, jusqu'à ce qu'un homme me repère et tente de me tuer.

Le plus grand leva les yeux vers l'autoroute. Il n'y avait toujours personne.

- C'était pas un homme, dit-il. Et toi, t'es stupide.

- Stupide..? Répéta faiblement Lucas en levant les yeux vers le châtain.

Sa bouche forma un simple O et ses bras tombèrent le long de son corps. Ça faisait un moment qu'il ne s'était pas reçu une insulte du genre dans la face.

- Pour rester enfermé dans une ville alors que le monde part en couille, il faut forcément être stupide.

- Je n'avais pas le choix !

- Tu aurais du remarquer dès le début que les Haters se multipliaient.

- Les Haters..?

Le sauveur pointa du doigt un groupe de personnes en bas du bâtiment. Des hommes et des femmes se jetaient les uns sur les autres avec des hurlements de rages et des insultes à peine perceptibles tant leurs voix étaient hachées.

Lucas eut un frisson de dégoût et détourna le regard en grimaçant quand il vit un des hommes enfoncer ses deux pouces dans les orbites d'une femme. Le sang gicla, elle hurla.

- C'est horrible.. Lâcha-t-il en regardant ses pieds.

- Si tu le dis.

Lucas secoua la tête, il ne comprenait vraiment pas son attitude. Certes il avait sûrement plus l'habitude de voir ce genre de spectacle, mais de là à s'en foutre complètement, c'était tout bonnement impensable.

- Comment tu peux trouver ça normal ?! S'écria Lucas presque choqué de son je-m'en-foutisme.

- Je ne me suis pas caché comme un lâche.

Lucas serra les poings. Il avait de plus en plus de mal à apprécier son sauveur même si les couleurs aveuglantes qu'il portait lui faisaient chaud au cœur. Ce mec pouvait au moins essayer de le comprendre. Il avait paniqué et s'était planqué la où il pouvait. Ça s'arrêtait là.

- Qu'est ce que tu insinues ?

- J'insinue rien, répondit le châtain sans quitter la route des yeux. T'es un lâche.

Deux fois. C'était la deuxième fois en trente secondes qu'on l'insultait, sans compter le " stupide" que l'archer lui avait balancé. Le plus petit se leva et poussa brusquement son interlocuteur en s'écriant :

- Je suis un lâche ?! Ça fait des mois que je vis seul dans un trou à rat, dans le noir, à essayer de cacher mon existence pour ne pas mourir. Ça fait des mois que j'me dis que tout est fini, que j'ai perdu ma famille, mon frère, mes amis ! J'ai été totalement abandonné ! Est ce que tu sais ce que ça fait d'attendre que le temps passe alors que tu ne sais même pas si c'est le jour où la nuit ?

Le sang de Lucas s'échauffait doucement dans ses veines. Son regard noir fusillait le châtain qui se tenait tendu face à lui. Ce dernier contracta la mâchoire alors que Lucas allait encore le pousser. Il attrapa ses bras et le tint fermement. Ses yeux étaient devenus étrangement orangés et la lueur dorée qui les animait disparut. Si Lucas avait dégagé une certaine colère explosive, l'autre paraissait bien plus calme, comme s'il contenait toute sa violence à l'intérieur. C'était bien plus effrayant.

- Et toi ? finit par cracher le châtain. Tu sais ce que ça fait de marcher des jours et des nuits sans nourritures, sans eau, tout ça pour trouver un abri où on ne se fera pas arracher les membres ? Tu sais ce que ça fait de voir ses amis devenir fous un par un, les entendre hurler et te supplier de les tuer pour que tout s'arrête ? Est ce que tu sais ce que c'est de devoir tuer sa petite amie de ses propres mains parce qu'elle tente de planter ses ongles dans ta poitrine pour t'arracher le cœur ? Non, tu n'en sais rien parce que tu te planquais, comme un lâche.

Lucas ne répondit pas. Les doigts du garçon s'enfonçaient de plus en plus dans ses poignets et ses yeux... le dérangeaient.

Non, Lucas ne savait pas tout ça. Il ne savait rien. Mais comment aurait-il pu ? Il baissa les yeux, l'autre le lâcha violemment alors qu'un rire amer s'échappait d'entre ses lèvres. Il mit ses mains dans les poches de son sweat et reposa son regard sur l'autoroute. Puis le silence reprit sa place.

Ils restèrent un long moment comme ça, Lucas assis par terre, les épaules relevées, se massant les poignets pendant que l'archer continuait de fixer l'horizon.

Personne ne parlait. Lucas n'osait plus et de toute façon, il n'avait plus envie. Connaître le nom de cet inconnu ne l'intéressait même pas. Ce n'était pas sa faute s'il n'avait pas su quoi faire au bon moment. Lucas n'avait jamais su gérer les situations de stress et d'angoisse, alors l'Apocalypse..

Finalement, il prit une grande inspiration puis ferma les yeux. Ça faisait beaucoup en très peu de temps et ses émotions commençaient à déborder. Il retint du mieux qu'il put ses larmes et inspira.

Il se sentait faible et il détestait ça.

Alors que la brume commençait à doucement les entourer, on entendit un bruit de moteur au loin. Le garçon à la visière fluo et au sweat rose esquissa un sourire puis lâcha:

- Tu survivras pas.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top