Quand le 4x4 s’arrêta, Laink et Terracid se levèrent et traînèrent Maxence et Lucas à l’extérieur. Il fut de même pour Max et Robin. Lucas cru apercevoir furtivement Natsu. Les mains attachées dans le dos, les deux prisonniers se laissaient faire. Le plus petit s'était déjà résigné. Quant à Maxence, il préférait attendre avant d'agir. En effet, ils se trouvaient devant un immense bâtiment, sûrement une ancienne prison et entourés de plusieurs dizaines d'hommes et de femmes armés, en plus de ceux qui les avaient embarqués.

—  Vous voilà ! S’exclama une voix qui fendit la foule.

Un grand brun, nommé Valentin, poussa une jeune femme pour s'approcher d'eux.

—  Ça fait plus d'une heure qu'on vous attend bandes de crétins, vous étiez où ?!

—  Bah.. commença Terracid. On avait un peu faim alors on s'est arrêté pour manger une gaufre.

—  Une gaufre ? Vous vous foutez de moi?

—  Un peu.

Laink pouffa alors que Damien souriait, fier de son insolence. Seulement Valentin n'était pas le moins du monde amusé. Il ravala cependant bien au fond de son être ses envie de meurtre et se contenta de grincer des dents. S'il ne se calmait pas, le bras droit du groupe allait sûrement faire des choses qu'il serait amené à regretter. Alors qu'il soupirait, ses yeux se posèrent un instant sur Maxence, qui le regardait déjà les poings serrés.

—  Bien, finit-il par dire en coupant le bref contact visuel. Vous me les foutez au frais. On s'en occupera plus tard.

—  À vos ordres chef ! Se moquèrent Laink et Terracid, un sourire enfantin plaqué sur les lèvres.

Ils s’apprêtaient à entrer dans l’enceinte de la prison avec Cyril et les deux autres prisonniers, quand Valentin les arrêta.

—  Ah et au fait, vous me les séparez, on a pas le temps de s'occuper d'une rébellion.

*

—  On va faire chier Val ? Proposa Thomas à Damien et Cyril en refermant lourdement les barreaux de la cellule.

Damien, emballé par l'idée, acquiesça avec enthousiasme et ils quittèrent tout les trois le long couloir sombre.

Une fois seuls, les quatre survivants purent souffler. Ils se regardèrent un instant sans rien dire avant que le jeune Max ne lâche un petit rire.

—  J'crois pas qu'ils sachent ce que « séparer » veut dire.

En effet ils étaient bien séparés mais en deux groupes. Chaque duo se trouvait dans une cellule, et bien évidement elles étaient l'une en face de l'autre. Robin se laissa tomber sur un des misérables lits et quitta un instant son amant des yeux pour le poser sur son nouveau compagnon de cellule.

—  Maxence, ça va ?

Le châtain ne répondit pas. Il contemplait du fond de sa cellule les murs de pierre qui l'entouraient. La peinture se détachait de son support et formait un long tas sur le sol poussiéreux. C'était sale, usé et oppressant. Ses paupières n'avaient pas cligné une seule fois, même après avoir intensément fixé la seule source de lumière, à savoir un flambeau. Maxence inspira de l'air étouffant avant de se tourner vers les autres.

—  Faut qu'on sorte de là.

—  On est au courant, merci de ta perspicacité, répondit Lucas, un poil exaspéré.

Maxence lui lança un regard noir puis reprit.

—  J'ai un plan. Robin ? Tu vas m'enfoncer ce couteau dans l'épaule.

Avec ces mots, il sortit de sa ceinture un long et tranchant couteau. Le reflet de la lumière fit briller un instant sa lame et sembla éblouir les autres.

—  Quoi ? S'étouffa le blond en se relevant. Je vais pas te poignarder Maxence, ça n'a aucun sens !

—  C'est complètement débile, s'exclama Lucas de l'autre côté du couloir.

Il s'était approché des barreaux et les serrait fortement entre ses doigts. La rouille lui laissera sûrement quelques égratignures sur les phalanges.

Maxence soupira lourdement et un voile de poussière passa devant ses yeux. Sûr de lui, il s'approcha de Robin, attrapa son poignet et tira sa main vers lui pour le forcer à prendre l'arme.

—  T'es complémentent malade, s'enquit Robin d'un ton lointain en refermant à peine ses doigts sur le manche.

—  Je vois pas en quoi se blesser peut nous aider, cracha Lucas de l'autre coté du couloir.

—  Ça, c'est parce que tu ne réfléchis pas Lucas.

—  Mais je t'emmerde !

Lucas secoua la grille alors que son visage rougissait doucement de colère.  

—  Calme toi Lu'..

Max s'était rapproché de lui et avait délicatement posé sa main sur son épaule. A la vue de ce contact, Maxence intervint violemment en le pointant du doigt.

—  Toi, tu dégages.

—  Quoi ? Mais pourquoi, s’offusqua Max.

—  Comment tu lui parles ?! Rajouta Robin. Faut que tu gères ta jalousie Maxence, Lucas intéresse pas Max.

—  Il est pas jaloux !

—  Je suis pas jaloux !

Lucas et Maxence avaient tout les deux froncé les sourcils en répondant. Ils se jetèrent mutuellement un regard dédaigneux avant de s'insulter.

—  Misère, souffla Robin, au bout de sa vie.

Max se colla à son tour aux barreaux pour se joindre à la dispute. Et plus les garçons criaient, moins Maxence parvenait à réfléchir. Tout cela l’agaçait, ces gamins l’agaçaient. Et même s'il n’était pas innocent dans l'histoire, il ne pouvait s’empêcher de les trouver idiots. Au bout de quelques minutes, ce fut trop pour Maxence qui agrippa les épaules de Robin et le tira violemment contre  lui, faisant alors s'enfoncer le couteau tranchant dans sa chair. Les insultes s’évaporèrent brusquement. Maxence poussa un grognement de douleur en attrapant le manche que Robin avait lâché sous le choc.

—  Oh putain, murmura-t-il bêtement, l'esprit profondément brouillé.

Maxence grimaça en se reculant et ne s’arrêta seulement quand le mur put le soutenir.

—  Mais quel bouffon !

Lucas passa nerveusement ses mains sur son visage puis il eut un rire qui s'acheva en gémissement.  Son cœur venait de rater un battement, même plusieurs. Et à présent, il cognait contre sa poitrine comme des timbales de guerre.

—  Maxence, est-ce que ça va ? Se risqua à demander Robin.

Il était hésitant. C'était quand même lui qui tenait l'arme dans ses mains, dressée et prête à transpercer le châtain. Par conséquent, c'est lui qui l'avait poignardé. Maxence leva vers lui un regard qui se voulut blasé mais ce mouvement de tête ne fit que le faire geindre. Il compressa son épaule pour éviter de perdre trop de sang et fit signe au blond de prévenir quelqu'un.

Robin n'eut cependant pas à le faire car Thomas et Damien, alertés par le bruit, étaient déjà là. Les deux amis pointèrent tout d'abord leurs armes sur eux, avant de les baisser. Cela ne servirait pas. L'un tremblait comme une feuille et l'autre gémissait, le bras en sang.

—  Pourquoi il a un couteau dans l'épaule celui-là ? Demanda Laink en pointant le blessé du menton.

Robin déglutit, jeta une œillade suppliante à Max et Lucas qui semblaient être devenus statiques puis bégaya :

—  Je.. On se disputait et..je..

—  Il avait le couteau dans les mains, j'ai glissé et j'suis tombé dessus.

Laink et Terracid s’échangèrent un long regard lourd de sens.

—  C'est quand même con, dit Laink.

—  Très con même, ajouta Terracid.

Ce dernier sortit tout de même une clé de sa poche et vint ouvrir la cellule tandis que Laink sécurisait ses arrières avec son flingue.

—  On va t'emmener à l'infirmerie. On sait pas encore ce qu'on va faire de vous alors on préfère ne pas prendre de risque.

Laink approuva les propos de son coéquipier. Ils firent sortir Maxence de sa prison et, après un dernier regard suspicieux vers les trois autres qui ne respiraient plus, ils l’embarquèrent.

Quand Max, Robin et Lucas relâchèrent toute la pression, enfin seuls, ils durent tout de même avouer que l'idée de Maxence n'était pas bête. Risqué certes, mais pas bête.

Lucas se laissa tomber sur le maigre matelas de sa couchette et jura, épuisé.  

*

Assis au fond de son fauteuil, seul dans un grand bureau, Valentin réfléchissait.

Quand il avait envoyé Thomas et Damien capturer les survivants nomades, il n'imaginait pas une seule seconde qu'il puisse s’agir de Maxence, ancien coéquipier et ami de Maxime.. Et par conséquent, le sien également.

Il ne l'avait pas oublié, loin de là.

Ses souvenirs enfouis grattaient dangereusement à la porte de son cœur. Valentin serra délicatement son poing jusqu’à faire bouillir son sang. Il se devait de les éliminer avant qu'ils ne l'atteignent.