Chapitre 15

Elle se calme au bout d'un quart d'heure et ouvre sa lettre, qu'elle peine à lire, la vision brouillée par les larmes.

Ma chère Crystal,

Si tu lis cette lettre, c'est que ma maladie m'a emportée. Je suis désolée de ne pas t'en avoir parlé avant, mais tu es si joyeuse que je n'en ai pas le courage. J'espère que tu me pardonneras.

Je n'ai jamais eu d'autre fille que toi, et t'adopter a été le plus beau jour de ma vie. C'est égoïste de ma part car je sais que toi, tu en souffres chaque jour. Tu as été un véritable rayon de soleil et ta lumière a fait de moi la femme la plus heureuse au monde.

Je t'aime et je te promets de te protéger, même loin de toi.

N'oublie pas qui tu es et quelle est ta mission. Ma dernière volonté est que tu te débarrasses de ton fardeau et vives enfin ta vie comme tu le mérites tant.

Je t'embrasse et te souhaite le meilleur.

Ta Bathilda.

Crystal sert la lettre contre son cœur tandis que les larmes ruissellent sur ses joues comme l'eau d'un torrent sur des galets polis. Elle se remémore toute sa jeunesse avec nostalgie et s'en veut de n'avoir rien vu. Elle en veut au monde entier et hurle toute sa douleur dans un cri déchirant. Les oiseaux s'envolent d'un mouvement parfaitement synchronisés tandis qu'elle s'écroule à nouveau par terre.

Ce n'est qu'à la nuit tombée qu'elle rentre au château. Elle passe le tableau de son dortoir et trouve Malefoy, allongé sur le canapé. Il ouvre la bouche sans doute pour sortir une phrase cinglante, mais elle l'arrête:

- Pas ce soir. S'il te plaît.

Elle monte dans sa chambre et se laisse tomber sur son lit avant que ses yeux ne se remettent à pleurer.

Malefoy frappe à la porte. Elle va lui crier de partir quand elle se fait la réflexion que c'est la première fois qu'il prend cette peine.

- Entre, dit-elle finalement en s'essuyant les yeux.

La porte s'ouvre et pour une fois, aucun sourire en coin ne plane sur le visage du garçon.

- Je voulais te dire que je suis désolé, pour Bathilda. Dumbledore t'autorise à quitter Poudlard quelques jours pour son enterrement.

- Merci.

- De rien. Bonne nuit.

En guise de réponse, elle lui offre un pâle sourire et se laisse retomber sur son lit pour évacuer toutes les larmes de son corps.


***


Le lendemain, elle fait ses valise sans cœur et s'habille tout de noir. Elle teint ses cheveux aussi foncé qu'elle le peut, sa peau et ses yeux de même. Elle passe un rouge à lèvre noir sur sa bouche et s'occupe de maquiller ses yeux et ses ongles aussi sombrement. Quand elle sort de sa chambre, Malefoy recule devant elle. Elle est terrifiante. On dirait la mort en personne, avec ces couleurs ternes et cet air déconfit. Elle ne le salue pas et passe à côté de lui comme s'il n'existait pas. Il ne lui fait pas de remarque, compatissant.

Dans les couloirs, tout le monde s'écarte exagérément sur son passage. Certains ont quand même la gentillesse de lui glisser un mot réconfortant. Malheureusement, elle n'a pas la tête à les écouter et passe comme si de rien n'était, en vexant plus d'un. 

Devant le grand portail, elle retrouve Dumbledore qui va lui aussi à l'enterrement de son amie. Il porte une cape noire, mais cela s'arrête là. Il hausse un sourcil en voyant la jeune fille si sombre et se retient de reculer lui aussi. 

À sa hauteur, elle lève les yeux vers lui et lui offre un pâle sourire auquel il répond. Il comprend, grâce à sa posture et sa tenue vestimentaire que Bathilda occupait une immense place dans son cœur. Il sait bien que Crystal a été adoptée, même s'il ne connaît pas son histoire, et le fait qu'elle soit si attachée à cette femme l'émeut. Il se demande maintenant pourquoi Bathilda n'a jamais voulu lui dire, à lui, son ami, qui était cette Crystal. Elle répétait qu'il le saurait un jour, le moment venu, mais il se demande quand viendra ce jour. Et s'il viendra d'ailleurs, maintenant qu'elle n'est plus là.

Le trajet s'effectue en silence et arrivés, à Godric's Hollow, Crystal se hâte vers la maison. Aucune larme ne brille aux coins de ses yeux. Elle préfère prendre de la distance avec tout ça et regarde sa maison vide comme une étrangère. Dumbledore baisse les yeux. C'est normal qu'elle ne veuille pas l'accepter. Un jour, cela viendra.

Crystal fait le tour de sa maison et observe les photos à travers les yeux de quelqu'un d'autre. Elle ignore même le chat qui vient se frotter à ses jambes et miaule pour qu'elle le prenne dans ses bras. Elle ressort de chez elle et va marcher dans la rue où elle croise quelques passants qui lui souhaitent du courage et affirment qu'elle est la bienvenue chez eux. Elle les remercie du bout des lèvres et continue sa marche. Elle revient à dix heures, pour l'enterrement. 

Ils rentrent dans l'église et Crystal s'assoit au premier rang. Son regard se fixe sur le cercueil. Elle ne le quitte pas des yeux de la cérémonie. Les gens se posent même des questions sur le fait qu'elle écoute ou non. Certains se permettent même des critiques, comme quoi, c'est une insulte à la mémoire de Bathilda. Tout le monde scrute son visage pour y déceler une larme, mais elle ne vient jamais. De nouveau, des langues de vipère se permettent d'insinuer que Crystal ne l'aimait pas. Mais, s'ils savaient qu'elle est loin, très loin et qu'elle ne les entend pas.

Elle sort de sa transe au moment où des bras musclés s'emparent du cercueil et le sortent de l'église. Crystal le suit sans le voir et cligne à peine des yeux. Cette fois encore, les commentaires fusent, et cette fois encore, elle ne les entend pas.

Le prêtre fait son petit discours, mais Crystal n'écoute pas. Ce n'est qu'au moment où elle doit jeter un peu de terre qu'elle se "réveille". Elle s'avance, telle un automate et se penche. Elle prend une poignée de terre et reste immobile face au cercueil. Elle le fixe et c'est à ce moment que les larmes reviennent. La terre lui glisse des mains et elle tombe à genoux. Dumbledore la prend par les épaules pour l'éloigner, mais elle se débat et se met à crier:

- Non! Laissez-moi tranquille! Je veux rester avec elle! Bathilda! Bathilda! Je t'en prie! Tu es tout ce qu'il me reste! Bathilda ne me laisse pas! Bathildaaaaa!

Ses paroles sont emportées dans le flot de ses larmes et, vide de toute force, elle se laisse emmener à l'écart par le professeur Dumbledore. Ils marchent quelques instants en silence, et c'est alors que Crystal se débat violemment et s'enfuit en courant. Les langues de vipère se taisent et répètent des "pauvre petite" en boucle, ce qui énerve ceux qui ont toujours respecté Crystal.

La jeune fille court, court, court. Elle ne sait pas où elle va, mais elle court. Elle s'éloigne de plus en plus et continue de courir tandis que ses larmes roulent sur ses joues. Elle ne sent pas ses poumons en feu. Elle ne sent pas son cœur qui peine à suivre le rythme. Elle ne sent pas ses jambes qui n'arrivent plus à la porter. Elle ne sent que la douleur qui lui déchire le cœur. Bathilda n'est plus là. La seule personne qui lui restait est partie. Comme ses parents, sa joie, son insouciance.

Enfant, elle était joyeuse et riait souvent. Les gens lui disaient qu'elle était adorable. Bien plus que lui et elle voyait que cela l'énervait, mais cette façon qu'il avait de toujours rester sérieux, alors qu'il ne parlait pas encore, n'était pas attachant comme les sourires de Crystal. Mais après le drame, elle n'a plus jamais été joyeuse. Elle n'avait en tête que la vengeance et cela lui a pris son enfance. Sa jeunesse, ses rires. Combien de fois a-t-elle rit? Mais surtout, combien de fois a-t-elle rit sincèrement, avec son cœur, et pas pour faire plaisir aux autres? Depuis ce jour là, cela se compte sur les doigts d'une main. Elle n'aurait plus jamais sourit si Bathilda n'avait pas été là pour la sortir de ça.

Crystal continue de courir. Elle ne pense qu'à aller plus loin, encore et encore, pour mettre le plus de distance avec tout ça.

Finalement, elle tombe à genoux au pied d'un gros chêne et déverse toutes les larmes de son cœur. Quand elle rentre, il fait nuit depuis longtemps. La maison vide glace son cœur et elle met du temps à s'endormir, son oreiller trempé en seulement quelques minutes. Bylle se blottit contre elle et Crystal la sert de toutes ses forces contre son cœur.


***


Le reste de la semaine, Crystal le passe sur la tombe de Bathilda, ou dans sa chambre, assise sur le rebord de la fenêtre. Ses joues sont la plupart du temps trempées de larmes et plus aucun sourire n'a sa place sur son visage. Elle a gardé ses cheveux noirs et fait vraiment pitié. Ses yeux sont vides de toutes expression et elle reste immobile toute la journée. Elle ne se lève que pour donner à manger au chat et avaler quelques aliments, mais le cœur n'y est pas. Avec Bathilda, les repas étaient toujours joyeux. Elle faisait en sorte de cuisiner les plats que Crystal aimait et toutes deux passaient leur temps à rire. Mais sans elle, rien n'est plus pareil.


***


Crystal retourne à Poudlard à la fin de la semaine et pour la première fois, la majorité des élèves la réconforte. Excepté Malefoy. Celui-ci a néanmoins la décence de la laisser tranquille. Il faut près d'un mois pour que Crystal retrouve des couleurs et un sourire. Son deuil touche à sa fin. Mais pendant ce long mois, elle a été monotone et déprimante. Résultat, elle a été plus seule que jamais. Même Willow l'évitait.

Mais maintenant, elle a décidé de ne plus pleurer. D'arrêter de regarder le passé en se disant que c'était mieux et de se tourner vers l'avenir.

Ce mardi là, tout le monde est surpris de revoir sa jolie chevelure blonde qui leur avait tant manqué. Ils sont sceptiques quand à son sourire, très léger, mais là. Ginny échange quelques mots avec elle, ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps et Willow passe la journée en sa compagnie.

En rentrant dans son dortoir, Malefoy, absent toute la journée pour une sois-disante migraine, hausse un sourcil :

- Tiens, t'as retrouvé tes cheveux jaunes maintenant.

Crystal sert les poings. Elle aurait mieux fait de garder ses cheveux noirs, tiens. Au moins, avant il la laissait tranquille!

- Oh la ferme Malefoy!

- Tiens, t'as retrouvé la parole aussi!

- Tu peux pas juste la fermer! s'écrie Crystal avant de claquer la porte de sa chambre derrière elle.

Ouh! Qu'il l'énerve! Elle voit d'ici son petit sourire satisfait. Elle se change rageusement et se couche.


***


Évidemment, Malefoy n'a pas été malade de la journée, mais il voulait fouiller dans les affaires de Crystal pour essayer de mieux la cerner, encore. Le Seigneur Des Ténèbres ne l'aime pas et il lui a confié la mission de trouver qui elle est. Il est persuadé qu'il la connaît. Mais, le beau blond n'a rien trouvé et redoute les foudres de son Maître. Toute la journée, il a essayé de comprendre le dossier Projet de la jeune fille, mais cela lui a donné une migraine insupportable.

Il se couche à son tour et s'endort rapidement.


***


Il fait nuit depuis de longues heures déjà lorsque Malefoy se réveille en sursaut. Un hurlement de douleur déchire le silence. D'un bond, il saute de son lit et titube jusqu'à la porte de sa chambre où il cherche la poignée à tâtons et tarde à la trouver. Il allume la lumière et traverse la salle commune avant de foncer vers la chambre de Crystal. Il ouvre la porte à la volée et allume la lumière qui l'éblouit avant qu'il ne se pétrifie sur place, horrifié.

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