1| Un amoureux des plantes.

Ils sont tous entassés d'une manière semblable, ont un magazine devant leurs visages pour se cacher des regards indiscrets, mais qu'en est-il lorsque une fille maigre comme un clou regarde un magazine «TOP SANTÉ; MAIGRISSEZ!» ?
Encore une anorexique. Foutue société.

Un gars louche du nom de Baptiste (je le sais parce que sur sa doudoune orange son étiquette dépasse) me regarde par dessus son magazine d'aéronautique et, comme son joli surnom, commence à loucher.

Je détourne les yeux, sérieusement atteinte moralement par cette bande de tarés.

Je m'assois sur mon pauvre petit siège de bois crasseux, et balais la pièce du regard.

Elle était claire et illuminée par un faible lustre rustique que j'admirais, sûrement la seule chose jolie dans cette pièce, les murs peints en vert anis et les meubles modernes donnent un aspect chaleureux raté, m'enfin qui suis-je pour juger la beauté d'une pièce ? Je ne suis pas architecte.

Un gars attire mon regard étourdi, il est positionné juste en face de moi, chétif, avec des cheveux bouclés qui lui tombent sur le front lorsqu'il lit son magazine, de –je me penche en avant pour pouvoir lire le titre de celui-ci– de plante et de jardinage. Il est d'une pâleur déconcertante, il porte des vêtements assez large, un pull en maille bleu marine, un pantalon avec des ourlets noirs, et une veste en jean.

Je soupire, ne sachant que faire, lorsque je vois une fille avec des cheveux bleus électriques qui pousse la porte d'entrée, ses yeux soulignés de khôl et de mascara puis me regarde, revêche. J'ai dû prendre sa place habituelle, en tant que petite nouvelle que je suis.

Elle râle alors et s'assoit par terre en tailleur, et écoute sa musique en hochant frénétiquement la tête comme une petite fille à qui on demande si elle a correctement fait ses devoirs.

Donc, je résume: on a une fille qui se prend pour une grosse vache et broute que de l'herbe, un ingénieur qui a des problèmes aux yeux, un amoureux des bégonias plantaire, et une rockeuse qui la joue drama-queen. Gén-ial!

Je me racle la gorge, geste que je n'aurais pas dû faire, toutes les personnes qui patientent (et sont plus de 3 avec la drama-rockeuse en prime) me regarde un air soupçonneux coincé au visage.

Je baisse les yeux, lorsque je vois, à travers de la table en verre, celle-là même où est posé tous ces magazines, des pieds. Des pieds blancs.

Des pieds incongrus, un peu recroquevillés sur eux-mêmes comme s'ils avaient froids et lorsque je remonte les yeux, je vois que c'est l'amoureux des plantes qui apparaît au bout de ces pieds nacrés.

Merde, alors. Je suis tombée chez les fous. Je vérifie que c'est bien le psychologue KEIR et non le psychiatre KEIR, j'en suis pas à ce stade là quand même. Ma mère ne m'aurait pas envoyé chez un psychiatre ?

À mon grand soulagement, je suis bien chez le psychologue, soulagement de très courte durée puisque Baptiste, qui est juste à ma droite (malheureusement il ne restait que cette place là), me murmure quelque chose.

Je me penche sur le côté droit pour parvenir à entendre ces chuchotements, quelque chose comme; con-vess. Convess? Converse ?

Il regarde en bas. Je baisse les yeux à mon tour, et vois des converses jaunâtres juste à mes pieds, là, ici. Juste là.

Le fameux Baptiste me désigne ensuite l'amoureux des plantes du doigt. J'en conclus que c'est à lui et je lui fais passer par dessus la table basse, il lève les yeux de son magazine, regarde ses converses un court moment et reprend sa lecture.

Ne me voyant pas garder ses chaussures jusque mon rendez-vous, je les pose brutalement à ses côtés.

Il ne bouge pas d'un cil, et ça ne fais que de m'énerver davantage.

Le psychologue qui travaille à côté du docteur KEIR demande à la fille anorexique de venir, referme la porte et en même temps la porte du docteur KEIR s'ouvre à la volée, laissant s'échapper une demoiselle en jupe courte, nénés presque à l'air et demande ensuite à Baptiste de venir.

J'en conclus alors que dame nature est le prochain, une heure plus tard, la porte se réouvre et le médecin, surpris, questionne le jeune homme qui me fait face.

— Mais enfin, Istos, qu'est-ce que tu fais là? Ton rendez-vous a été annulé!

L'intéressé grommelle un truc du genre «z'aurez pas pu m'le dire quand z'avez pris Baptiste» et soupire bruyamment en mettant ses converses qui chaussent du 37 (j'ai regardé avant de lui rendre parce que je suis une petite curieuse).

Une fois ses petites chaussures jaunes pâquerettes enfilées, il s'en va et mon psy me salue.

— Bien le bonjour Absinthe, Entre donc!

J'entends Istos cantonner alors qu'il sort:

— Vous avez pas des capucines et des rosiers, tant qu'on y est...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top