Chapitre 8

- Vous allez bien ? répète l'inconnu face à moi.

Je hoche la tête et retourne sur le trottoir en me massant le bras et en replaçant mes lunettes sur mon nez. Pas question de lâcher mon anonymat. Avec mes grosses lunettes, mes cheveux en désordre et mes habits du dimanche, je ressemble à n'importe quelle personne lambda. Du moins, je l'espère.

- Vous êtes sûre ? insiste l'inconnu.

- Mais, oui, ce n'est pas de votre faute, je suis tombée toute seule. Allez Julia, on y va.

Je commence à m'énerver, comme trop souvent. J'espère qu'il ne va pas persévérer plus longtemps. J'embarque mon assistante derrière moi et nous retournons sur nos pas. Je préfère rentrer, manger un morceau et dormir un peu. Ensuite, j'aviserai.

Avant de tourner à l'angle de la rue, je jette un regard en arrière et je vois l'homme remonter dans son fourgon en secouant la tête. Julia me tire le bras et je reprends ma route.

À deux pas de l'immeuble de mon frère, le téléphone de Julia se met à sonner. Elle décroche rapidement avant de me le tendre.

- C'est pour toi !

Et elle articule silencieusement : Antony.

Merde ! J'ai complètement oublié mon manager. Il doit me détester encore plus que d'habitude.

- Salut Antony ! je lance d'une voix mielleuse. Comment tu vas ?

Il semble vraiment en colère à l'autre bout du fil.

- Mais, bordel, Harmonie, où es-tu ? Tout le monde s'inquiète ici ! Tu disparais sans rien dire, tu ne donnes aucune nouvelle, pas un appel, ni un putain de message. Ton garde du corps a complètement paniqué. Alors, comment veux-tu que ça aille ?

Je toussote et cherche mes mots. Je dois beaucoup à Antony. Sans lui je serais encore cette pauvre fille qui chante dans les bars miteux et qui racle ses fonds de poches pour se payer un repas froid. Alors, je ne peux pas lui en vouloir de s'inquiéter.

- Ouais, je sais, une urgence familiale. Je n'avais pas le choix. Mais je serai à Londres dans trois jours, ne t'inquiète pas.

J'ignore le regard d'incompréhension que me lance Julia. Je n'ai rien promis à mon frère. Et impossible d'annuler ce concert. Je sens au bout du fil qu'Antony est un peu plus serein.

- Ok. Ne me lâche pas sur ce coup-là. Je veux bien croire à une urgence familiale, même si en trois ans tu ne m'as jamais parlé de ta famille. Je te laisse deux jours de tranquillité, je verrai avec Julia pour le trajet, la réception à l'aéroport, les interviews et tout ce qui va avec. Je veux juste que tu m'appelles demain, il y aura peut-être un léger changement de programme. Je ne t'en dis pas plus.

Ce que j'aime bien avec Antony, c'est qu'il ne s'embarrasse pas de questions inutiles.

- Au fait, pour ne pas passer pour un malpoli, qu'est-ce qu'il se passe avec ta famille ? Rien de grave j'espère.

Je retire ce que j'ai dit. J'hésite à raccrocher ou à passer le téléphone à mon assistante.

- Ma sœur est malade.

Bref et succinct. Un léger mensonge par omission.

- Ok. Transmets-lui mes amitiés et un bon rétablissement. Je te laisse, j'ai une multitude de coups de fil à passer pour expliquer ton départ précipité. D'ailleurs si tu pouvais éviter de te montrer en public, si tu ne veux pas avoir une foule de paparazzis devant chez toi ! Tu veux que je t'envoie Max ?

Max, mon dernier garde du corps. Le seul qui n'a pas encore jeté l'éponge. Cela fait un an qu'il bosse pour moi.

- Non, c'est bon, garde Max avec toi. Je le retrouverai à Londres dans trois jours.

- Comme tu veux, mais au moindre problème je te l'envoie ! Profites-en pour te reposer. Bye.

Il raccroche et la conversation me laisse un étrange sentiment. Antony m'a parlé d'un éventuel changement de programme pour Londres. Je ne sais pas ce qu'il mijote mais je lui fais confiance. Cela fait quatre ans que nous travaillons ensemble et même si parfois je ne le supporte plus, il fait du bon boulot. J'appellerai Max plus tard pour m'excuser. Ce n'est pas un ami mais je l'apprécie, enfin, j'apprécie sa façon de travailler.

- Il n'a pas trop râlé ? demande Julia.

- Non, tu le connais, il s'énerve au début et après il laisse couler. Il doit te rappeler, toute à l'heure ou demain, je ne sais plus ce qu'il a dit. Il a aussi parlé d'un changement de programme, tu sais de quoi il s'agit ?

Mon assistante rougit et secoue négativement la tête. Autant dire qu'elle n'est pas convaincante du tout. Je n'ai pas le temps d'approfondir la question car nous passons devant une crêperie et Julia veut absolument s'y arrêter. Je garde donc mes questions dans un coin de ma tête et je tenterai d'en savoir plus ce soir.

Il n'est pas loin de 17 heures et la boulangerie Guidal propose des crêpes à emporter. Julia semble plus que ravie.

- Manger une vraie crêpe bretonne, tu n'imagines pas à quel point je trouve ça génial. J'en ai déjà goûté, un peu partout, mais jamais en Bretagne.

Elle commande une crêpe au beurre et une autre au sucre. Je me contente d'une crêpe à la confiture de fraise. Lorsque la vendeuse nous les donne, le papier qui entoure les gourmandises dégouline déjà de beurre. Au risque de se brûler la langue, Julia mord dans sa première crêpe. Elle sautille sur place sous l'effet de la brûlure mais son visage semble en extase.

- C'est tellement bon.

Elle lâche un gémissement de satisfaction et lorsque je croque dans la mienne, je la rejoins. Le beurre coule sur mes doigts et le mélange de la fraise avec le beurre salé est un vrai délice. Je finis ma crêpe en un temps record et en commande une autre.

Nous mangeons notre deuxième douceur en prenant la direction de l'appartement de Melvyn. Je me sens un peu mieux après ce repas rapide.

Nous entrons dans le studio et après un rapide tour aux toilettes et dans la salle de bains, je m'effondre sur le lit de mon frère et de ma belle-sœur. J'ai une pensée pour Clara sur son lit d'hôpital avant que le sommeil ne m'emporte loin de tous mes tracas. Et ni rêve, ni cauchemar ne viennent perturber ma longue nuit.



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