Chapitre 1
- Harmonie ! Harmonie ! Tu as un appel !
Je lève la tête vers mon assistante Julia qui tient son téléphone dans sa main tendue vers moi.
- Qui ?
- Ton oncle Philippe. Il veut...
- Raccroche ! dis-je d'un ton froid.
- Mais, c'est...
Je me tourne vers elle et lui lance mon regard noir, celui auquel elle ne résiste pas.
- Je t'ai dit de raccrocher, Julia. Alors fais-le !
Julia baisse les yeux et éteint l'écran de son portable. Je respire fortement, puis j'expire. Rien ne m'atteint. Rien ne me touche. Bien. Tout va bien. C'était une erreur. Je regarde Julia et lui offre un sourire qui j'espère lui fera oublier mon mouvement d'humeur.
Julia est mon assistante depuis trois longues années. Elle a assisté à toutes mes frasques et a supporté avec beaucoup de patience mes coups de colère. Jolie blonde de vingt-sept ans ou vingt-huit, je ne sais plus, elle triture toujours les manches de ses gilets ou chemises lorsqu'elle est contrariée ou stressée.
Actuellement, je dirais qu'elle est contrariée par ma faute. Mais je m'en fiche. Je l'aime bien Julia mais son manque de caractère me fatigue parfois. J'aimerais qu'elle se rebelle un peu. Même contre moi, ça ne me dérangerait pas.
- Julia, ça devait être une erreur. C'est facile de trouver mon numéro pour tenter de me joindre. Tu devrais le savoir. Ce n'est pas la première fois et ça ne sera pas la dernière.
Mon assistante me fixe de son regard noisette et sourit.
- Oui, c'est vrai. Mais cet homme, ce Philippe semblait bien te connaître. J'ai cru que...
- Non, je t'assure que c'était une erreur. Maintenant, si tu veux bien m'aider à me préparer. Je ne sais pas où est passée la coiffeuse, ni la maquilleuse mais je suis en retard...
J'essaye de reprendre contenance tandis que Julia s'approche de moi et dépose ses fiches et le téléphone sur la table face à nous. Elle prend ma longue chevelure brune et ondulée et l'arrange en un magnifique chignon agrémenté de tresses. Je la regarde faire en songeant à cet appel.
Philippe. Mon Dieu. Était-ce vraiment lui ? Pourquoi cet appel ? Pourquoi maintenant, après toutes ces années ? Je sens le stress monter progressivement en moi. Suivi de la panique. Je me contrôle difficilement.
La maquilleuse entre enfin dans ma loge et pousse Julia qui avait pris un gros pinceau afin de me poudrer le visage.
- Je vois un maquillage naturel avec une légère touche d'ombre sur les paupières. Cela ira très bien avec votre robe. D'ailleurs Julie, si tu peux la préparer, ça ira plus vite.
Puis, elle commence à s'occuper de mon visage. Je grince des dents, attendant que mon assistante réplique, mais rien ne vient.
- C'est Julia.
La maquilleuse s'interrompt pour me lancer un regard interrogateur.
- Pardon ?
Je soupire et fronce les sourcils.
- Mon assistante s'appelle Julia. Pas Julie. Ça n'est pas la première fois que vous faites l'erreur. Ça n'est pas si compliqué de retenir un prénom.
Je sens que je m'énerve. Pas bon. Pas bon du tout.
- C'est pas grave, Harmonie. Je m'en remettrai. Tu es sûre de vouloir la robe bleue ?
Je lui souris, reconnaissante. Elle me connaît bien. Elle sait quand je bous intérieurement. Antony, mon manager, entre à ce moment-là. Grand, maigre, brun et chiant. Résumé rapide mais concret. Il a une quarantaine d'années dont vingt-deux ans d'expérience dans le milieu et j'adore travailler avec lui.
- Harmonie ! Tu n'es pas encore prête ? Ça fait une demi-heure que tes fans patientent. Le concert devait commencer il y a dix minutes.
- Et alors ? Cinq minutes de plus ou de moins... Qu'est-ce que ça peut leur faire ? Ils ont payé, ils vont rester.
Antony fait une grimace mais ne réplique rien. Il se contente de me fixer de ses yeux sombres. Je déteste quand il fait ça. Mais au moins, il n'hésite pas à m'envoyer paître quand il le faut.
- Je te donne dix minutes, pas une de plus.
Il sort de la pièce en claquant la porte. Ma mauvaise humeur revient au galop. La maquilleuse termine rapidement son travail et s'en va sans un mot. Je sais que ma réputation me précède mais quand même, je ne suis pas un monstre.
J'enfile rapidement la robe bleue prévue par l'habilleuse qui n'est pas venue. Encore une qui a peur de moi. Julia m'aide pour la fermeture dans le dos et me fixe des oreillettes. Je tire un peu sur la robe qui m'arrive à mi-cuisse, m'observe dans le miroir. Silhouette élancée, maquillage simple qui fait ressortir mes yeux noisette, robe moulante. J'enfile mes chaussures à talons aiguille qui me grandisse de quelques centimètres. Je ne suis pas petite mais les talons mettent en valeur mes jambes. Je suis enfin prête.
Lorsque je sors de la loge, le téléphone se met à sonner. Julia s'en empare et décroche.
- Allô ! C'est Julia, l'assistante de Luna Wild !
Son sourire s'efface au fur et à mesure que son interlocuteur lui parle. Je lui fais un signe de tête afin qu'elle me donne des explications. Elle éloigne son téléphone de son oreille pour chuchoter.
- C'est de nouveau ton oncle Philippe.
Je claque la porte et pars en courant sans me retourner. Je ne veux pas en savoir plus. Si c'est vraiment mon oncle, je ne veux pas l'entendre. Je ne peux pas lui parler.
Je me dirige vers la scène, prends le micro que me tend un technicien et grimpe sur la scène. Les flashs et les lumières des projecteurs m'éblouissent. Mais je ne laisse rien paraître. J'y suis habituée maintenant. Les cris de la foule retentissent et je vibre intérieurement. Je leur fais mon sourire spécial concert et m'avance sur le devant de la scène.
- Comment ça va Mexico ? je crie en commençant à me déhancher sur les premières notes.
Les hurlements me répondent. Je débute par la chanson qui m'a fait connaître : Fall in love. Plus cliché tu meurs. Mais ça plaît alors je chante. Pendant une heure et des poussières, je chante, alternant les tubes commerciaux et les nouvelles chansons de mon album. Ma tournée a commencé il y a un mois maintenant et tout se passe à merveille. Plus que cinq mois et j'aurai mes vacances avant de repartir autour du monde.
Je termine ma dernière chanson et sors de scène. Antony vient vers moi pour me dire d'attendre deux minutes avant le rappel.
Julia s'approche de moi, pâle comme la mort. Je la questionne du regard en même temps que j'essuie mon front. Ma maquilleuse arrive à la rescousse et me repoudre le visage. Je fais signe à Julia d'approcher.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as vu un fantôme ?
Mon assistante secoue la tête et prend la parole. Ses mots résonnent en moi et percutent mon cœur à une vitesse incroyable.
- Ton oncle Philippe a rappelé cinq fois. Je voulais lui dire d'arrêter mais il a insisté. C'était... C'est important. Ta sœur, Clara, est hospitalisée. C'est grave.
Je blêmis et serre les poings à m'en faire saigner les paumes. La panique me gagne plus rapidement que d'habitude. Je ne dois rien laisser paraître, même si je vois bien les regards curieux des techniciens et d'Antony. Je pars et quitte le plateau pour rejoindre ma loge. Je retire en vitesse ma robe et mes talons, enfile mon jean de rechange et un t-shirt gris. Je prends mes chaussures à la main, mon sac et je file comme une voleuse. Je n'ai besoin de rien d'autre.
Il faut que je rentre. Malgré mes démons, pour Clara, je dois rentrer.
[Un grand merci à SamanthaPryde ma bêta-lectrice pour cette histoire!! :) ]
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