2. Ne jamais tenter de copier les travaux d'un psychopathe (Partie 1)
Élias Garrison était très concentré. Son visage clair se plissait au fur et à mesure qu'il prélevait des échantillons de sang sur la personne allongée sur la table.
"Comment va la famille en ce moment ? Oui oui je sais, les temps sont durs, les prix augmentent mais pas les salaires... Ça joue forcément sur le moral. Moi aussi des fois je déprime un peu, surtout dans cet endroit un peu lugubre..."
Pour illustrer ses propos, l'homme en blanc montra d'un signe de tête la petite pièce sombre où s'entassait du matériel médical. Le docteur entretenait bien ses outils, mais il n'y avait clairement pas assez de rangement pour permettre de garder le lieu en bon état.
"Mais bon, le service compte avant tout ! optimisa-t-il en souriant à son patient. Et jamais personne n'est venu se plaindre, alors j'imagine qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter !
-Garrison, quand allez-vous cesser de parler aux morts ? l'interrompit une voix provenant du couloir.
-Quand ils me répondront je suppose...
-Si vous faites du lien social une priorité, il ne fallait pas faire médecin légiste !
-Et vous si vous faites de la connerie une vocation, il ne fallait pas faire médecin tout court..., répliqua l'homme plus bas.
-Je vous demande pardon ? répondit sèchement son patron depuis la porte.
-Je ferais mieux d'aller donner ces échantillons tout de suite au laboratoire afin de permettre à l'enquête d'avancer le plus possible. Tuer quelqu'un de cette façon n'est pas humain, celui qui a fait ça doit aller pourrir en prison, et tout de suite !
-Vous allez me faire croire que vous avez dit tout ça ? Je crois que vous vous foutez de ma gueule.
-Pas du tout. Bonne journée."
Sur ces mots, l'homme aux cheveux coiffés soigneusement ferma la porte au nez de son patron.
"On est mieux comme ça non ?" fit-il à l'intention du cadavre découpé toujours sur la table.
*
Durant l'après-midi, le docteur Garrison se rendit en salle de pause afin de prendre un double chocolat chaud. Il aimait plus que tout le goût de cette boisson qui lui rappelait son enfance. Le lait chocolaté avait le don de détendre son esprit rarement au repos et de calmer ses nerfs éprouvés par certains de ses collègues incompétents.
Alors qu'il insérait des pièces de monnaie dans le distributeur de boissons, une voix que le médecin légiste n'appréciait pas résonna un peu plus loin.
"Je vous le dis, demain j'envoie le dossier et je publie tout ça. Dans moins d'une semaine je suis riche !
-Pourquoi ça te rendrait riche ? fit une voix féminine. T'as déjà publié des articles dans des revues médicales, et ça t'a jamais rien fait gagné.
-Oui mais là c'est différent, tu verras.
-Si tu le dis... Et ça parle de quoi tout ça ?
-De la dopamine !"
À l'entente de ces mots, les muscles de l'homme en blouse blanche se contractèrent tellement qu'ils en devinrent douloureux. Le docteur sut alors que le chocolat chaud qu'il allait siroter ne suffirait pas à le calmer.
Cependant, afin de ne pas laisser la colère le submerger pour rien, l'homme retourna dans son bureau afin de vérifier ses doutes. Ses pas résonnaient dans le couloir carrelé, et les personnes qu'il croisait semblaient fuir son regard. Une fois parvenu dans son bureau, le médecin légiste ouvrit un tiroir situé tout en bas d'une armoire. Le dossier était toujours au même endroit, mais il était légèrement incliné vers la droite.
Se redressant lentement, l'homme lissa sa blouse et remit son badge en place avant de lâcher imperceptiblement:
"Ça va chier."
*
19 heures 15. Beaucoup des collègues d'Élias s'apprêtaient à rentrer chez eux pour retrouver leur famille chérie. Mais l'un d'eux n'y arriverait jamais.
Le docteur Garrison se dirigea vers le docteur Hellwy alors que ce dernier rangeait quelques dossiers dans son bureau.
"Je vous cherchais, commença Élias d'un ton détaché. J'ai besoin de vous sur un cas, mais ne vous en faites pas, ça ne sera pas long.
-Bon, je pense que ça me ferait perdre des points auprès des boss si je refusais...", répondit l'immonde copieur en soupirant.
Élias se contenta de sourire avant de prendre la direction de son propre bureau. Il fit entrer son confrère et ferma discrètement la porte à clé, avant que le docteur Hellwy ne se retourne vers lui.
"Alors, en quoi puis-je vous aider ?
-C'est à propos d'un dossier qui me laisse perplexe. Je vais vous le montrer."
Le docteur Garrison avança vers son armoire et ouvrit le dernier tiroir. Il attrapa ensuite le premier dossier et le laissa tomber sur le bureau. En le voyant, son confrère déglutit et sembla chercher ses mots.
"En quoi ces recherches sur la dopamine vous posent problème ? tenta-t-il.
-Ce qui me pose problème, c'est surtout toi, espèce de pauvre limace immonde. J'ai passé des semaines et des semaines sur ce dossier, et toi tu t'es permis de voler mon travail.
-Mais t'en fais jamais rien de tes travaux, ils restent dans ton tiroir et ne servent jamais ! Moi j'ai voulu les dévoiler au monde pour permettre de faire avancer la médecine !
-En quoi l'épaisseur de ton portefeuille aide la médecine à avancer ? répondit Élias en avançant vers le deuxième médecin.
-Euh... je..."
Tout en bafouillant, le docteur Hellwy reculait, se rapprochant peu à peu de la porte.
"Inutile, lâcha Élias Garrison. Elle est fermée à clé, et tu ne ressortiras pas de cette pièce en entier."
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