Chapitre 3
Je m'endors, emportée par la fatigue des jours sombres, mes larmes coulant silencieusement sur mes joues. C'est toujours la même chose : ce poids constant qui me pèse, cette sensation d'être emprisonnée dans une existence qui me dépasse. Je me sens si épuisée, épuisée de tout... mais je n'ai pas le courage de faire ce qu'il faudrait pour tout arrêter. L'idée me traverse parfois l'esprit, mais je suis trop lâche, trop terrifiée à l'idée de ce qu'il y a après. Alors je m'endors, espérant que, dans mes rêves au moins, je puisse trouver un semblant de paix.
Peu à peu, la sensation de mon lit sous mon corps s'efface, remplacée par une chaleur apaisante qui enveloppe tout. Je me retrouve allongée sous un cerisier en fleurs. Ses branches se penchent doucement au-dessus de moi, et les pétales rosés tombent, tourbillonnant autour de moi comme de petits flocons de neige. Étrangement, malgré cette neige légère qui virevolte dans l'air, je ne ressens ni le froid ni l'angoisse qui me tenaillent d'habitude. Tout est paisible. Le ciel au-dessus de moi est d'un bleu cristallin, et le doux parfum des fleurs embaume l'air. Je prends une grande inspiration, et pour la première fois depuis longtemps, je me sens légère.
C'est comme si le monde extérieur n'existait plus, comme si tout ce qui me tourmente avait été effacé, laissé loin derrière. Je me demande si c'est ce qu'est le bonheur, cette sensation d'être en paix, sans crainte, sans douleur. Un instant de répit que je n'ai jamais connu. Tout ici semble si parfait, si serein. Je ferme les yeux un moment, savourant cette bulle de tranquillité. Je voudrais tellement rester ici... pour toujours. Mais une petite voix en moi me rappelle que tout cela est faux. Fantasque. Fictif.
Je le sais bien. C'est un rêve... Rien de tout cela n'est réel.
Pourtant, au moment où je commence à accepter cette idée, un son léger s'élève dans l'air, clair et mélodieux. C'est une boîte à musique. Les premières notes sont timides, presque évanescentes, mais elles se renforcent peu à peu, emplissant l'espace autour de moi. Intriguée, je rouvre les yeux. Mon cœur s'emballe sans que je ne comprenne pourquoi. Quelque chose dans cette mélodie semble me parler, comme un murmure venu du passé. Je me redresse, scrutant les alentours avec curiosité.
La musique flotte dans l'air, douce, mélodieuse, comme un murmure ancien qui semble m'appeler. Chaque note s'infiltre en moi, me caressant l'âme, éveillant en moi un désir d'explorer ce lieu enchanteur. Le paysage est magnifique, presque irréel, comme si j'étais plongée dans une peinture. Le ciel d'un bleu profond, sans nuage, baigne tout de sa lumière dorée, et l'herbe douce sous mes pieds semble chanter avec le vent. Pourtant, une étrange impression me taraude, comme si quelque chose, ici, n'était pas ce qu'il paraît.
Je me redresse lentement, mes pieds nus s'enfonçant légèrement dans l'herbe moelleuse. Chaque pas est empreint de légèreté, comme si ce monde n'était qu'un rêve fragile. Je tourne sur moi-même, cherchant des yeux l'origine de cette musique envoûtante. D'où provient-elle ? Des arbres majestueux qui bordent la clairière ? Du ciel éclatant au-dessus de moi ? Ou peut-être de quelque chose de plus proche, de plus tangible ?
Et puis, je la vois.
À quelques mètres de moi, une petite fille se tient debout, immobile, comme sculptée dans le temps. Elle paraît si familière que mon cœur rate un battement. Ses cheveux, d'un blond éclatant, tombent en longues boucles dorées sur ses épaules, attrapant la lumière du soleil et la renvoyant comme des éclats d'or pur. Elle porte une robe blanche, simple et pourtant d'une pureté presque surnaturelle, telle une figure angélique tombée du ciel. Mais c'est dans ses yeux que je suis immédiatement attirée : d'un bleu si profond qu'ils semblent capturer l'océan et le ciel en eux, un bleu qui me donne l'impression de regarder au-delà de ce monde.
Cependant, quelque chose cloche.
Je plisse les yeux, mon cœur s'accélère. Ce tableau idyllique, cette scène de pureté et de lumière, est entaché par des détails sombres, dérangeants. Sa robe, aussi blanche soit-elle, est brûlée. Pas simplement tachée ou déchirée, mais brûlée à plusieurs endroits. De grandes marques noires, comme des traces de flammes anciennes, parsèment le tissu autrefois immaculé. Certaines parties sont si calcinées qu'elles révèlent des portions de sa peau nue, délicate et pâle, comme si elle avait été effleurée par le feu, sans pourtant en avoir souffert.
La petite fille ne montre aucune douleur. Pas même un frisson. Ses grands yeux, qui ont maintenant pris une teinte violette, presque surnaturelle, restent fixés sur moi. Ils sont profonds, insondables, et semblent scruter jusqu'au fond de mon être. Elle ne bouge pas, ses lèvres restent scellées, mais son regard me parle, me questionne, comme si elle attendait quelque chose de moi. L'air autour d'elle semble plus lourd, comme si un voile invisible pesait sur ses épaules.
Le vent souffle doucement, faisant danser les branches des arbres tout autour de nous, mais la robe de la petite fille reste parfaitement immobile, comme figée dans une réalité différente de la mienne. La musique, toujours présente, semble s'éloigner, devenant plus faible, plus distante, comme un souvenir qui s'efface lentement. Mon cœur bat plus vite, une chaleur glacée envahit ma poitrine, et malgré la beauté de cette scène, une sensation de malaise s'installe en moi. Il y a quelque chose dans cette enfant, dans cette rencontre, qui dépasse la simple curiosité. Une part de moi veut s'approcher d'elle, comprendre, mais une autre part me retient, consciente que ce que je vois n'est peut-être pas ce qu'il paraît.
Devant moi, elle attend. Silencieuse, figée, avec cette robe brûlée et ces yeux profonds qui me fixent. Que me veut-elle ? Pourquoi semble-t-elle à la fois si proche et si lointaine, si familière et si étrangère ?
Un frisson glacé traverse mon corps, un frisson de confusion et d'inquiétude. Qui était-elle, cette petite fille mystérieuse ? Pourquoi s'est-elle matérialisée dans mon rêve ? Mes pensées s'embrouillent alors que je fais un premier pas vers elle, hésitante. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, chaque battement résonnant comme une alarme. Son regard, d'un violet profond et envoûtant, semble me capturer, m'entraînant dans un abîme de questions sans réponses.
Je fais un autre pas, puis un autre. Mais la distance entre nous ne diminue pas. Elle reste à la même portée, tel un mirage, insaisissable et évanescent. À chaque pas que je fais, il semble qu'elle glisse légèrement plus loin, comme si elle jouait à un jeu cruel de cache-cache. Mon souffle devient plus rapide, et une vague d'impuissance m'envahit. Je tends la main vers elle, désespérée, comme si un simple geste pouvait briser cette barrière invisible qui nous sépare.
« Non, attends... » murmure ma voix, mais il n'y a pas de réponse. Je me sens comme une marionnette à qui l'on a coupé les fils, incapable de contrôler mes mouvements, incapable de la toucher. Mes doigts frôlent l'air frais qui nous sépare, mais tout à coup, elle disparaît. Un vide immense s'installe, et je reste figée, ma main encore tendue vers l'endroit où elle se tenait, mes yeux écarquillés d'incrédulité.
Mon cœur s'emballe. Où est-elle passée ? Comment a-t-elle pu s'évanouir aussi soudainement, comme une ombre qui se dissipe au lever du jour ? Je tourne sur moi-même, scrutant désespérément le paysage, mais elle est introuvable. L'angoisse commence à monter, s'insinuant comme un serpent dans ma poitrine, remplaçant la paix qui m'habitait quelques instants auparavant.
« Hé... Attends... Ne pars pas... » Mon appel se perd dans le silence, un cri étouffé qui ne reçoit aucune réponse. Je me sens perdue, comme si un précieux lien venait d'être rompu, me laissant suspendue entre rêve et réalité.
Puis, tout à coup, la scène commence à se métamorphoser. Le cerisier en fleurs, qui illuminait tout autour de moi, se fane lentement, ses pétales vibrant de vie se dissipant dans l'air comme des souvenirs qui s'effacent. La lumière dorée du soleil s'éteint progressivement, laissant place à une obscurité menaçante. Le ciel, autrefois si bleu, devient gris, lourd de nuages sombres qui s'accumulent, comme une tempête prête à éclater.
Je sens une odeur âcre de fumée qui envahit mes narines, me tirant brutalement de ma rêverie. La douce musique qui m'enveloppait se tait soudainement, remplacée par des pleurs déchirants, un cri de désespoir qui résonne dans le silence oppressant. C'est un son qui me fait frémir, une mélodie tragique qui semble provenir de tout près, comme si la souffrance se tenait à mes côtés. Mon instinct me dit que je dois agir, que je ne peux pas rester ici.
Autour de moi, les murs commencent à se matérialiser, mais ce ne sont pas des murs accueillants. Horrifiée, je réalise que je suis dans une maison en flammes. Le feu crépite, ses langues ardentes léchant le plafond, et la chaleur intense se transforme en une douleur insupportable, comme si le monde entier se consumait autour de moi. Les flammes dansent dans un ballet macabre, projetant des ombres sinistres sur les murs qui se rétractent, comme si la maison elle-même se fermait sur moi.
Les pleurs s'intensifient, et je reconnais enfin la source de ce désespoir : c'est la petite fille, celle qui m'avait captivée quelques instants plus tôt. Ses pleurs sont déchirants, emplis d'une souffrance que je ne peux pas ignorer. Je cherche désespérément à la trouver, mais tout ce que je vois, ce sont les flammes qui se déchaînent, engloutissant la pièce dans un enfer de chaleur et de lumière.
Je me sens prise de panique, mes jambes deviennent lourdes, paralysées par la peur. Je crie son nom, mais ma voix se perd dans le tumulte, noyée par les crépitements du feu et les sanglots. Alors que je tente de faire un pas en avant, le sol sous mes pieds se dérobe, et je suis confrontée à un tableau d'horreur. La chaleur devient insupportable, et je sens ma propre terreur s'amplifier.
Chaque fois que je m'approche, je sens la petite fille m'échapper, ses pleurs résonnant autour de moi, mêlés aux bruits des flammes qui engloutissent tout. La vision est cauchemardesque, et je me sens piégée, emportée par cette tempête de désespoir. Je cherche à la sauver, à comprendre pourquoi elle pleure, mais tout semble se confondre dans cette atmosphère suffocante, jusqu'à ce que, dans un dernier cri de terreur, tout bascule.
Je me réveille brusquement, haletante, les draps enroulés autour de moi comme des chaînes. La froideur de ma chambre m'accueille avec une brutalité déconcertante, et je suis de nouveau confrontée à cette réalité implacable, où les rêves s'évanouissent aussi rapidement qu'ils sont venus. Mon souffle se fait irrégulier, comme si je sortais d'un abîme, la peur encore ancrée dans ma poitrine.
Je reste allongée un moment, le regard rivé au plafond, cherchant des réponses dans les fissures du plâtre. La petite fille, ses yeux bleus qui semblaient lire en moi, sa robe brûlée... ces images ne me quittent pas. Elles sont gravées dans ma mémoire, des fragments d'un mystère que je ne parviens pas à déchiffrer. Ce rêve était différent, plus palpable, plus chargé d'émotions, comme s'il renfermait un message secret, un appel de quelque chose que je ne comprends pas encore.
Et bien que je sois revenue à la réalité, une petite voix au fond de moi murmure que ce n'était pas simplement un rêve. Non, c'était bien plus que cela. Mais quoi ? Pourquoi cette rencontre m'a-t-elle tant marquée ? Les questions tourbillonnent dans mon esprit, laissant un écho troublant dans le silence de ma chambre. La nuit est tombée, mais je sais déjà que je ne pourrai pas trouver le sommeil de sitôt.
Avec une détermination vacillante, je me lève. Une nouvelle journée s'annonce, et j'espère qu'elle sera au moins meilleure que la précédente. La pensée du harcèlement scolaire me pèse comme une lourde couverture, mais la présence de mes amis, en particulier Rose et sa meilleure amie Erika, me réchauffe un peu le cœur.
Je me dirige vers la salle de bain, et mon reflet me renvoie l'image d'une jeune fille épuisée, les cernes sous mes yeux trahissant mes nuits agitées. En m'observant de plus près, je remarque des rougeurs sur ma peau. Elles sont étranges, comme si j'avais subi des brûlures. Je fronce les sourcils, le souvenir du rêve me frappant en plein cœur. La petite fille aux yeux bleus, entourée de flammes... C'était sans doute ça, un écho de mes cauchemars. Mais je me ressaisis, balayant cette idée avec force : c'est impossible. Je ne peux pas me laisser emporter par mes propres démons. Peut-être est-ce simplement le stress qui me joue des tours, ou une réaction allergique à une nouvelle lessive.
Je m'applique une crème apaisante sur les rougeurs, ma main tremblant légèrement. Chaque geste est une tentative de rétablir un semblant de normalité. Je suis déterminée à affronter cette journée, même si l'angoisse me serre le ventre.
En descendant les escaliers, je me fige un instant dans l'entrée. À ma grande habitude, la maison est vide. La solitude fait partie intégrante de ma vie, mes parents, toujours absorbés par leur travail, ne sont jamais là. Le silence résonne dans les murs comme une mélodie familière, mais aujourd'hui, il semble plus pesant que jamais. Je m'arrête un instant dans la cuisine, mes pensées tourbillonnant, et je remarque deux mots laissés sur la table.
Le premier vient de Rose. "Iris, je dors chez une amie. Quand je suis rentrée, Violette dormait déjà, je l'ai laissée dormir." Sa note, bien que courte, m'apporte une lueur de chaleur. La pensée qu'elle a pris le temps de m'écrire, même dans sa précipitation, me réconforte.
L'autre message est de ma grande sœur, Iris. "Bonjour ma chérie, Rose dort chez une amie et j'ai dû aller tôt à l'université. Mange un peu ce matin et surtout couvre-toi bien. Ta grande sœur qui t'aime, Iris." En lisant ces mots, je sens une vague d'émotion m'envahir. C'est doux et réconfortant, un rappel que, même dans cette maison vide, je ne suis pas totalement seule. L'amour de ma sœur, bien que souvent distrait par ses études, brille à travers ces lignes.
Je prends une grande inspiration, une chaleur douce m'envahit à la lecture de ces messages. Même si la maison est silencieuse, il y a une forme de réconfort dans ces mots. Je me dirige vers le réfrigérateur, déterminée à préparer un petit déjeuner qui me donnera de l'énergie avant d'affronter la journée. En remplissant une tasse de lait et en sortant quelques tranches de pain, je me laisse emporter par un espoir fragile. Peut-être qu'aujourd'hui, je trouverai un moyen de rendre cette solitude un peu moins lourde à porter.
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