Chapitre 17
— Pauline ! PAULINE !
La porte est repoussée si vite que je sursaute quand elle se referme.
— C'est Sarah ! Elle... Elle perd beaucoup de sang ! La femme... Elle... elle avait un cintre et... ! J'ai essayé de l'en empêcher, mais... !
— C'est pas vrai ! Je t'avais dit de ne pas faire appel à ses services !
L'autre éclate en sanglots tandis que Pauline peste entre ses dents. Des pas précipités et des éclats de voix m'apprennent que toutes courent vers la maison.
Je prends soudainement conscience que je tremble de tous mes membres. Je suis incapable de bouger. J'ai des fourmillements dans mes bras et mes jambes. Si je me lève tout de suite, je vais être prise de vertige. Je me force donc à me calmer. Dès que mon pouls et ma respiration ont repris un rythme normal, je tâche d'évaluer la situation au mieux et aussi vite que possible.
Je dois savoir ce qu'il y a dans ce trou. Même si je suis terrifiée, je suis incapable d'oublier qu'une arme est braquée sur Pierre et Emma.
Pauline est occupée. Nazaire et Vivien ne reviendront que dans la soirée. Est-ce que j'ai le temps de prendre une lampe, descendre dans le sous-sol, le fouiller et remonter sans que quiconque s'en aperçoive ? C'est risqué. Beaucoup trop risqué ! Je pourrais me contenter de livrer l'existence de cette cachette. Sauf que si je me trompe et que les Veilleurs ne trouvent rien à l'intérieur, je préfère ne pas songer à ce qui pourrait arriver. Par ailleurs, savoir que les femmes du village veulent ma peau ne m'aide pas à reporter mon excursion jusqu'à cette nuit. Si Pauline semble avoir assez d'autorité dans ce village pour me promettre une protection dans la journée, elle ne pourra rien faire face à des hommes en colère. Quant à Nazaire et Vivien, rien ne me dit qu'ils se rallieront à son avis. Mon cher époux pourrait bien profiter de cet événement pour exiger mon reniement. Si cette demande est refusée par les Veilleurs, les soupçons des villageoises sauront confirmés. En revanche, si elle est acceptée, mon séjour dans le Troisième Quartier sera difficile et bref.
Je dépose doucement la plaque contre le mur puis je quitte les toilettes en catimini. Des voix lointaines s'entendent au-delà des murs qui clôturent la cour.
Aubry a trouvé de quoi occuper les villageoises pour me permettre d'agir à ma guise. Deuxième conséquence directe : il est inutile dorénavant de songer à demander l'aide de l'une d'entre elles. Cet homme sait parfaitement ce qu'il fait. Si les villageoises ne me détestent pas, elles ne m'apprécient pas pour autant à cause des problèmes que je viens de leur créer. En plus d'être une étrangère indésirable. Du côté de Pierre, ce n'est pas mieux. Il a refusé de me confier ses méthodes de travail ou ses tentatives pour approcher Nazaire afin d'obtenir des renseignements sur son réseau. Je sais juste qu'il ne pouvait opérer davantage sans risquer sa couverture.
Hum. Quelque chose m'échappe dans cette histoire. Mon frère est ouvrier en usine. En ville. J'ai beau retourner la question dans tous les sens, il lui est impossible de quitter son travail, de prendre le bus et de venir jusqu'ici sans se faire remarquer. Même si les Veilleurs le protègent, à un certain niveau, je ne peux pas croire que personne – pas même ses collègues – n'ait jamais remarqué ses absences. Les rumeurs vont bon train, surtout quand il s'agit de traîtres potentiels. Or, cela fait onze ans que Pierre joue un double-jeu.
Il faut croire qu'il a appris des erreurs de nos parents.
Ne te fais pas tuer et retrouve-moi dès que tu peux.
C'est plutôt maigre comme conseil !
J'avance dans le noir complet sur un chemin qu'on me force à emprunter. Je n'ai pas la moindre idée de ce qui m'attend au bout, si ce n'est une mort certaine dans le cas où je me plante.
D'une manière ou d'une autre, je dois trouver la preuve que cherche Aubry et fuir ce village.
Avant ce soir.
Ma porte de chambre est toujours fermée. Rien ne semble avoir bougé. Pas de visiteur imprévu non plus. Il n'y a aucun bruit dans le couloir, ni ailleurs dans la maison. Pauline peut revenir à tout moment, je dois me dépêcher. La lampe se trouve dans un des tiroirs de la cuisine.
Je fais un pas en dehors de la pièce pour me cogner contre une forte poitrine. J'ai à peine le temps de réaliser que je ne suis pas toute seule qu'on m'attrape et que des ongles s'enfoncent dans mon épaule droite.
— Qu'est-ce que tu fais debout, toi ?!
Je ne reconnais pas la voix. En revanche, je reconnais son visage : c'est la femme qui m'a empêché d'aborder ma proie à l'arrêt de bus. Elle tient dans ses mains une corde et un ruban adhésif. Elle me pousse dans la chambre si sauvagement que je m'écroule en arrière. La chute et mon corps encore douloureux me fait pousser un cri de plainte.
— Sale petite vermine ! Pauline m'a dit qu'elle t'avait donné quelque chose pour te faire dormir ! Comment ça se fait que tu es débout ? Tu ne devrais pas être réveillée ! rugit-elle. (Elle inspecte la chambre d'un regard soupçonneux.) Où est-ce que tu allais ? Qu'est-ce que tu comptais faire, hein ? Tu voulais nous espionner et tout aller baver aux Veilleurs, c'est bien ça, hein ?
Je suis incapable de répondre et trouver de quoi me défendre en même temps. Alors, je me concentre sur la deuxième tâche. Je me jette sur la commode et je tire un des tiroirs. Je le vide sans me soucier des affaires de Vivien qui chutent par terre. Puis je le brandis devant moi en espérant trouver un autre moyen de défense plus intimidant. À mes pieds, gisent des chaussettes et des sous-vêtements. Je n'ai pas la moindre chance contre elle si elle décide de m'attaquer. Elle est plus grande, plus lourde et plus forte que moi. Comme toutes les natives d'ici, elle n'a jamais connu la faim. Ou pas comme ceux de la ville. Contrairement aux miens, ses os sont solides. Elle sait qu'elle a le dessus sur moi. Je ne l'effraye pas. J'ai beau agiter le tiroir pour l'intimider, elle s'avance sans la moindre hésitation.
Je recule d'un pas. Puis d'un autre. Mes mollets heurtent le lit.
Je suis coincée.
Ses lèvres s'étirent en un sourire empli de mépris. Rien de ce que je pourrai dire ne la convaincra d'abandonner son plan. Pourtant, j'essaye. Je fais l'innocente. Je ne comprends pas pourquoi elle est là et ce qu'elle me veut. Je lui ordonne de partir, je la préviens que je vais en parler à Pauline sitôt qu'elle reviendra. Je crie son nom dans l'espoir qu'elle puisse m'entendre. L'autre rigole. Son rire me fait froid dans le dos. Elle me prévient que Pauline ne viendra pas, qu'elle s'est bien assurée que ma protectrice soit loin quand on se débarrassera de moi.
La terreur m'envahit.
Peu importe que cette femme ne me croie pas. Peu importe qu'elle me traite de menteuse ou qu'elle jure de me le faire payer, je continue de me défendre.
Je lui explique que les Veilleurs ont glissé le couteau dans mon cadi, ce que j'ai subi - mon corps et mon visage le prouvent. J'ajoute que j'ai tout raconté à Pauline, que je suis de son côté. Du côté de tout le monde ! Que ce village est désormais ma nouvelle famille et que je ferai tout pour les protéger. J'ai perdu des êtres chers moi aussi, à cause des Veilleurs. Je les déteste, je ferai tout pour les voir disparaître jusqu'au dernier. Plus je parle et plus j'angoisse : cette femme m'écoute mais n'entends rien. Elle se jette sur moi si vite que je bascule sur le lit. Elle m'arrache des mains le tiroir et le balance à travers la fenêtre. La vitre explose. Alors, je fais la seule chose qui peut encore me sauver : je hurle. Je hurle de toutes mes forces pour qu'on vienne m'aider. La femme tente de me faire taire. Je mords tout ce qui effleure mes dents. Une joue, un bras, des doigts. Jusqu'au sang. Elle me gifle si fort que je manque de m'évanouir.
— MARIE ? crie une voix dans le couloir.
— JE SUIS LÀ, VITE, VIENS M'AIDER !
Très vite, d'autres mains tentent de me maîtriser. Je me débats, je mords, je griffe. Je me prends gifle sur gifle, mes joues me brûlent, des cheveux me sont arrachés, pourtant je lutte. Et je hurle. Un ruban adhésif scelle finalement mes lèvres. Un coup de poing me fait vaciller et je m'écroule tête la première sur le lit. J'ai vaguement conscience qu'on m'attache les chevilles et les poignets puis qu'on me traîne hors de la maison.
Le sol glacé me réanime, mais je ne peux plus faire le moindre geste. Des femmes s'arrêtent pour nous observer. J'implore leur aide, mais ma gorge est si irritée que je n'arrive plus à prononcer le moindre son. Je m'étouffe.
Autour de moi, il n'y a que colère, mépris et indifférence. Je suis légère, pourtant elles doivent s'y reprendre à plusieurs reprises pour progresser. Mon dos heurte violemment le sol à chaque fois qu'elles me lâchent. Un caillou me frappe la tête. Puis un deuxième. Deux jeunes enfants me prennent pour cible. Ils ne me connaissent pas, mais ils me haïssent. Ils me tiennent pour responsable de tous les malheurs qui se sont abattus sur ce village. Mes porteuses m'insultent. Quand je crois qu'une villageoise est enfin décidée à m'aider, elle me crache dessus.
Mes ravisseuses me transportent au centre d'un atelier. L'ordre est donné de verrouiller les grandes portes. Certains objets me sont familiers pour les avoir déjà vus en ville : des enclumes, un soufflet de forge. Des outils de toutes sortes sont suspendus au plafond ou accrochés aux murs. D'autres femmes sont présentes. Leurs mots ont le même effet que des coups.
Traître.
Espionne.
Débarrassez-vous d'elle !
Je me secoue dans tous les sens. Mes mouvements sont limités. Je teste à nouveau les liens qui m'entravent. Ils sont trop serrés pour espérer faire quoi que ce soit. On m'agrippe les chevilles puis on me tire jusqu'au milieu de l'atelier.
Une corde avec un nœud coulant est pendue à une poutre. Je projette ma tête dans tous les sens dans l'espoir de cogner un nez, un crâne. Je ne rencontre que le vide.
La corde est passée autour de mon cou. Son contact m'étrangle.
Puis mes pieds quittent le sol.
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🤠🤠 Intervention de l'autrice 🤠🤠
😅 Tâchez de pas trop m'en vouloir pour cette fin de chapitre ❣️ Promis, je ne le fais pas exprès (ou peut-être un peu en fait 😈).
Okay, je l'admets, c'est pas cool de ma part de laisser Mélanie dans cette situation, mais ne vous inquiétez, la suite revient bientôt ‼️
▶️ Le 14 août, plus précisément !
Comme tout le monde, j'ai besoin de vacances pour revenir en forme et vous offrir un récit le plus soigné possible. 💝 Cette aventure a débuté début mai 2019 et elle est intense, tant niveau travail à donner que d'émotions.
J'ai conscience qu'il reste peut-être quelques fautes par-ci par-là, croyez-moi j'en suis la première désolée. Je fais en sorte de les éradiquer, mais avec le timing serré et à force de lire et relire le texte, je ne vois plus rien. 😭 Je ne sais pas comment font ceux qui parviennent à publier un chapitre par jour, ce n'est pas possible pour moi, j'ai besoin de travailler le texte sans précipitation. C'est toutefois un excellent exercice ! Avoir vos retours immédiats donnent envie de continuer cette méthode de travail. 😜
❤️🧡💛💜 Remerciements ❤️🧡💛💜
J'aime croire que si vous lisez ces lignes, c'est que vous n'avez pas abandonné la lecture en cours de route. 🥰 Je tiens à vous remercier (une nouvelle fois) pour votre fidélité. 😽 Vous avez entre les mains la première version corrigée après celle "au kilomètre".
Une fois le premier tome terminé et publié, il va faire l'objet d'une relecture intensive afin de le soumettre à des éditeurs. C'est la première fois que je m'essaye à un texte de ce genre et je dois bien l'avouer j'y prends beaucoup de plaisir !
Je ne le cache pas, c'est grâce à vous. ❤️
Depuis le début, je reçois pleins de messages : des encouragements, des compliments. ❤️❤️❤️
Un texte ne peut vivre qu'avec le soutien de lecteurs. ❤️❤️❤️
🌟🌟🌟 Si vous souhaitez me soutenir et/ou suivre les coulisses de l'écriture, n'hésitez pas à vous abonner à mon compte Wattpad 🌟🌟🌟
Je suis également sur Twitter : https://twitter.com/ShirleyJOwens
👀 👀 👀 Suite des aventures de Mélanie 🧐 👀 👀 👀
Et sinon, les ami.e.s, je suis curieuse... Avez-vous des hypothèses sur ce que fait Nazaire en douce ? Que va-t-il arriver à Mélanie suite à "ses pieds quittent le sol" ?
N'hésitez pas à me soumettre vos propositions. 🤠
En tout cas, je vous souhaite à tous de très joyeuses vacances pour ceux qui en ont et bon courage pour ceux qui bossent ! ❤️❤️❤️
PS : Le temps de mon absence 🏖, un recueil de mes nouvelles publiées entre 2006 et 2008 sera mis à jour tous les deux jours ! 😎 Bref, on reste en contact ! 😀😘
Des bisous.
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