34. Salut, papa

Je suis dans le bus avec Samy, et je vois bien que depuis qu'on est parti, il n'est pas très à l'aise.

- T'es sûr que t'es prêt à le voir ?

- Je... Oui, bien sûr. Pourquoi ?

- Parce que t'es pas bien. Je le vois.

Il roule des yeux, et pose sa tête sur mon épaule.

- C'est que... Ça fait déjà deux ans que je ne l'ai pas vu, et... J'ai un peu peur de sa réaction...

- Ah... Et pourquoi vous ne vous parlez plus ?

- Il n'a pas très bien pris mon coming out, alors j'ai décidé de couper les ponts avec lui.

Je hoche la tête, ne sachant pas trop quoi répondre. N'ayant jamais connu mon père biologique, je n'ai jamais été dans ce cas.

Je caresse les cheveux de mon petit ami, et je souris en le faisant. D'habitude, c'est plutôt lui qui doit me réconforter.

On reste un moment dans cette position. A vrai dire, on reste comme ça jusqu'à la fin du trajet. Le père de Samy habite à une bonne demi-heure en bus de chez nous.

- Aller, on y est presque.

- C'est super rassurant...

On descend du bus, et Samy attrape ma main. Il me guide dans la ville, jusqu'à la maison de son paternel. Et plus on s'en approche, plus il serre ma main.

Je caresse le dos de sa main avec mon pouce, en essayant de l'apaiser. Je sais que ça marche, quand il me le fait, alors je me dis que ça va aussi fonctionner sur lui.

- C'est là...

Je hausse les sourcils face à la taille de la maison. Elle est gigantesque. Il doit y avoir deux étages, et plusieurs voitures de collection sont garées devant le portail.

Mon petit copain appuie sur l'interphone, et on doit attendre quelques minutes, avant qu'une voix de femme ne décroche.

- Allô ?

- Bonjour, j'aimerais parler à Victor...

- Qui le demande ?

- Son fils.

- S... Samy ?!

On n'entend plus aucuns bruits, puis le portail se met à bouger, nous faisant sursauter. On se regarde, avant de pénétrer dans le jardin. On suit le chemin jusqu'à la porte d'entrée, où une jeune femme nous attend. Un grand sourire illumine son visage en nous voyant, et elle nous tend sa main pour nous dire bonjour.

- Enchanté ! Je m'appelle Angelina. Entrez, entrez !

Samy entre dans la maison, et je le suis de près. Angelina referme la porte derrière nous, et elle nous conduit jusqu'à un immense salon. Les murs et les meubles sont blancs, et la décoration de la maison est d'un style plutôt moderne.

- Allez y, asseyez vous.

On prend tout les trois place dans le canapé, et Angelina envoie rapidement un message au père de mon copain pour le prévenir qu'il a de la visite.

- Victor travaille, mais il va rentrer pour le déjeuner. Vous voulez manger avec nous ? Je suis sûr que ça lui fera plaisir.

- Je ne pense pas qu'il en ait envie.

- Crois moi, il t'aime beaucoup... Il parle souvent de toi, tu sais.

Elle lui sourit, puis me regarde en fronçant les sourcils. Elle doit se demander ce que je fais là. Je suis sur le point d'ouvrir la bouche, mais Samy est plus rapide que moi.

- C'est Amadéo, mon petit ami.

- Oh. Vous êtes ensemble depuis combien de temps ?

- Un peu plus d'un mois.

- Et vous vous êtes connu comment ?

On parle avec Angelina pendant un long moment. Cette femme est vraiment très gentille. En plus, elle nous a dit que son petit frère était gay, et qu'elle n'avait aucun problème avec ça.

Au bout d'une heure passée à discuter, on entend un bruit de clef, puis une voix masculine résonne dans la maison.

- Angel, c'est moi, désolé pour le retard, mais ce con de Jordan a encore oublié de...

En arrivant dans la pièce, le père de mon petit ami se fige, et se met à fixer son fils pendant un moment. Les deux garçons se fixent du regard, et je commence à trouver ça gênant.

- S... Samy...?

- Salut, papa.

- Je... Je ne savais pas que tu comptais venir...

- Rassure toi, c'était pas prévu. Je voudrais pas te déranger trop longtemps.

- Quoi ? Mais tu ne me déranges pas ! Je suis juste... Surpris, de te voir. Depuis le temps que j'essaie de reprendre contact avec toi, il était temps que tu te manifestes.

- Bon, et si on allait manger ?

***

On est tout les quatre attablés, une assiette de purée en face de nous. Apparemment, on est venu le seul jour où les cuisiniers ne sont pas là.

Je m'amuse à faire tourner la purée dans mon assiette, un peu intimidé par la tension qui règne dans la pièce. Seule Angelina essaie de faire la conversation.

- Alors, du coup... Vous êtes en terminale, c'est ça ?

- Oui.

Voyant que mon petit copain ne rajoute rien, je prends la parole.

- Je suis en terminale ES, mais Samy est en S.

- Oh ! Mon petit frère aussi, était en ES. Tu ne trouves pas ça trop dur ?

- Si, un peu...

Samt soupire assez bruyamment, avant de nous couper dans notre conversation.

- Bon, on ne va pas tourner autour du pot pendant treize ans. Papa, j'ai besoin que tu me prêtes de l'argent.

- Ah... Donc c'est pour ça que tu es revenu. J'aurais dû m'en douter. Tu pars pendant deux ans, sans me donner aucune nouvelle, et tu reviens d'un coup me demander de l'argent.

- Je ne serai jamais parti si t'étais pas un connard d'homophobe.

Son père serre les poings, ce qui me fait déglutir. Je pose ma main sur la cuisse de mon petit ami, et je prends la parole.

- Écoutez... C'est de ma faute si Samy est revenu dans votre vie sans prévenir. C'est moi qui ai besoin d'argent. Et... Samy stressait vraiment, avant de venir. C'est un signe qui montre qu'il tient à vous.

Je lui souris, mais il ne répond pas, et se contente de me fixer.

- Je... Je suis vraiment désolé de vous demander de l'argent, mais je n'ai vraiment pas le choix... Je vis avec ma mère, et elle a du mal à joindre les deux bouts, a payer la maison et le procès, donc...

- J'accepte.

Je m'arrête de parler, et le regarde, en attendant de voir si j'ai bien entendu ou pas.

- Vous... Vous êtes d'accord ?

- Oui. Je veux bien te prêter l'argent qu'il te faut, mais à une condition.

Il marque un petit temps de pause, et avance ses coudes sur la table, avant de reprendre.

- Je veux que vous reveniez dîner tout les deux, avec mon fils. J'aimerais... J'aimerais reprendre contact avec toi, Samy. S'il te plaît.

Mon petit ami soupire, et s'affaisse sur sa chaise.

- D'accord...

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