Happy New Year ?

— Ariane ? Où vas-tu, chérie ?

La grande petite brune de taille moyenne qu'est Ariane se retourne, une main sur la poignée de la porte, l'autre tenant son blouson d'aviateur hérité de papy Olivier qu'elle a fini par envahir de badges et autres bricoles.

— Me promener, répond l'adolescente en penchant la tête, ses boucles brunes lui obstruant légèrement la vue.

— Ne rentre pas trop tard, tu sais bien qu'on attend la famille ce soir, pour le réveillon du nouvel an, reprend la mère, un pli de stress entre les sourcils à cause de ce dîner de famille.

— I know, I know.

Et Ariane se précipite dehors, marchant dans l'allée de cailloux pour s'éloigner de la maisonnée remplie de gens stressés qui finissent par être aussi rigides que s'ils avaient un balai dans le cul. La brune fouille les poches de son blouson et trouve enfin son briquet et son paquet de cigarettes.

— Tu devrais pas fumer, c'est pas bon pour les poumons, lâche une voix masculine dans le dos de la jeune fille.

— Ta gueule, Carl.

— Tu m'en passes une ?

Haussement de sourcils de l'ainée qui dévisage son frangin qui a trop vite grandi selon elle. Ariane claque sa langue contre son palais, contrariée.

— Depuis quand tu fumes ?

— Depuis que tu ramènes des clopes à la maison.

Carl ne se démonte pas et, de ses grands yeux verts, fixe sa sœur avec intensité jusqu'à ce qu'elle cède. C'est toujours comme ça, que ce soit quand l'un ramène quelqu'un en douce à la maison, quand l'un boit comme un trou ou quand l'un fume à s'en encrasser les poumons pour crever, l'autre utilise ses yeux verts pour que le coupable accède à la demande sous peine d'être balancé. Green Power.

— Si maman crame que t'as fumé et que tu me balances, je raconte la visite d'Alice et les bruits chelous qui venaient de ta chambre, lâche Ariane en rangeant ses bricoles pendant que Carl fixe la grille au bout de l'allée en fumant.

— Fais ça, et je raconte ce que j'ai vu quand y a eu Margot, le mois dernier, rétorque le petit frère.

— T'oserais vraiment dire à la mère que je suis lesbienne ?

— En vrai de vrai ? Nan, je tiens à mes couilles.

La fratrie éclate de rire et Ariane finit sa clope avant de sortir du jardin, laissant Carl derrière elle avec le stress du réveillon. La brune déambule dans les rues, les yeux rivés sur son téléphone et les messages des potes qui sont probablement tous bourrés, plus les messages de Margot qui racontent des mots d'amour dans toutes les langues, surtout en allemand - la langue maternelle de l'amoureuse d'Ariane, adieu Thésée !

L'adolescente laisse ses bottines claquer contre les dalles des rues commerçantes qui mènent toutes à la mer baignée par la lune. Ça caille, un frisson parcourt Ariane qui s'installe sur le muret. L'Allemande appelle, à moitié bourrée, Ariane décroche, amusée.

— T'es où, prinzessin ? gueule Margot à cause de la musique en fond sonore.

— A la mer, je rassemble le courage pour le réveillon.

— Du willst, dass ich komme ? (Tu veux que je vienne ?)

C'est reparti pour l'allemand, heureusement qu'Ariane a choisi cette langue durant son parcours scolaire sinon elle aurait du mal avec sa copine qui, bourrée, retourne à l'allemand sans prévenir.

— Comme tu veux, mais je veux pas te gâcher le réveillon.

— Je viens. De toute façon, le champagne me dégoûte.

— Musste wein haben. (Fallait prendre du vin)

— Bestellen sie essen, anstatt dume dinge zu reden. (Va commander à manger au lieu de dire des conneries)

— Je t'aime aussi, Margot.

— Ariane ?

La brune émet un "hm" sans répondre, fixant le ressac des vagues en attendant que Margot développe. Faut dire qu'Ariane n'est pas aussi bavarde que le présage son apparence : elle préfère écrire, lire, écouter de la musique et embrasser Margot pour faire taire son allemand de bourrée ou son allemand tout court. Et parce qu'elle en a envie, aussi.

— Ich liebe dich.

Puis Margot coupe pour se concentrer sur sa mission : arriver entière jusqu'à sa princesse grecque pour le réveillon au bord de la mer. Cette dernière réfléchit, oubliant la nourriture demandée par sa princesse allemande qui va de toute façon la vomir à cause du champagne ingurgité.

Elle se rend compte que ce n'est pas pour elle les fêtes de réveillon, sauf avec les potes pour rigoler et allumer les petits feux d'artifice qu'on voit dans les k-dramas et autres machins asiatiques quand les héros en allument sur les plages, en été. Et si les potes sont absents, ce sera avec Margot et son allemand qu'elle déchiffre avec autant de facilité que la jeune femme déchiffre l'espagnol d'Ariane. Pour le grec, Margot a abandonné.

En parlant de la louve, cette dernière arrive, pieds nus et en robe avec un décolleté presque indécent. Margot passe une main dans ses cheveux blonds, fière de ses paillettes sur les joues et la robe noire qu'elle porte. Elle s'est changée pour la brune qui sourit et s'approche pour respirer son parfum mêlé aux effluves de l'alcool. Ariane pose ses mains sur la taille de Margot qui se laisse faire, ça l'aide à tenir debout.

— Merde, Margot, t'es belle ! jure la brune en plongeant son regard vert dans les yeux bleus de sa princesse.

— Et toi, t'es à croquer ! Comme cette nourriture que t'as pas achetée ! rigole la blonde en embrassant furtivement le nez de sa princesse grecque.

— Je préfère te manger toi.

— Je vais finir par boire toutes tes belles paroles.

Et au milieu de la rue, devant la mer et pendant que les feux d'artifice colorent le ciel nocturne, Ariane embrasse son Allemande qui lui rend son baiser, laissant tomber les chaussures à talon qu'elle se trimballe depuis chez elle.

Après baisers et caresses entre deux câlins au milieu de cette rue où ça en devenait presque indécent, la brune pose sa tête sur l'épaule de la blonde pour un ultime câlin.

— Corazoncita ?

— Ya ?

— Tu veux rencontrer ma famille ? Ils font le nouvel an, et j'aimerais te garder pour moi, mais je veux te présenter officiellement comme ma copine et non comme ma pote, et puis... puis...

Ariane se perd dans ses mots, ils bousculent ses lèvres, sa langue, son corps que Margot finit par la rassurer par un sourire.

— Let's go, ma belle ! Et puis après, promis, on revient ici pour notre petit réveillon de pauvres ! Mais après avoir volé quelques chips ou que sais-je encore, hein !

Ariane rit et envoie un message à sa mère pour la prévenir un peu à l'avance, Margot sourit et câline sa petite brune. Elles aiment bien cette soirée de réveillon.

Sur le chemin, l'Allemande ne peut s'empêcher de rouspéter :
— Tu sens la fumée !

— Parce que je suis en feu ! rétorque Ariane en riant, pourchassée par Margot qui râle encore parce qu'elle va se faire mal sans chaussure.

Happy New Year, dear friends.

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