Chapitre 31
J'ai horreur de me déguiser. Déjà enfant pour le carnaval, j'étais le seul à me pointer sans costume au bal de l'école. Je ne sais pas pourquoi, je me serais senti terriblement ridicule affublé d'une panoplie de super héros ou enduit de maquillage. Alors quand Fleur me découvre devant la porte de chez elle en jean et baskets, elle affiche une mine plutôt surprise avant de m'inviter à entrer.
— Je t'imaginais en mort-vivant ! me reproche-t-elle sur un ton espiègle.
En la suivant jusqu'à sa chambre, je balbutie une excuse minable, pour expliquer que je trouve grotesque ce genre de soirée et lui indique que j'ai tout de même fait l'effort de me raser pour l'occasion.
Pour sa part, Fleur est revêtue d'une longue robe noire qui ne la change pas vraiment de d'habitude, elle porte toujours la même couleur. Seul le voile en tulle qui traîne derrière elle et vole au moindre de ses mouvements marque un point d'originalité.
— Et toi ?
— Bah, je mettrai juste mon masque ! Je te maquille pour foncer ton regard ? me propose-t-elle pour me taquiner.
Tandis qu'elle pointe vers moi son mascara, je recule d'un pas et me passe la main dans les cheveux en pensant au masque posé sur son bureau. C'est donc ça qu'elle compte porter ?
Fleur lâche l'affaire et se penche sur son miroir pour souligner ses grands yeux bleus. Je me sens un peu con à côté d'elle sans parement particulier pour marquer l'occasion. Je m'en veux, j'aurais dû faire un effort, cela lui aurait certainement fait plaisir...
— Le maquillage, c'est pas mon truc ! tenté-je de me justifier.
Pendant qu'elle s'applique devant sa glace, je ne la quitte pas des yeux et la trouve encore plus jolie que d'habitude. Elle n'a pas le regard triste qu'elle arborait ces dernières semaines.
— Je ne sais pas d'où tu sors Paul. Et je voudrais bien savoir pourquoi tu tiens tant à te pointer à une soirée d'Halloween sans déguisement et par-dessus le marché avec moi...
— Figure-toi que je me demande exactement la même chose à ton sujet...
Une fois prête, les parents de Fleur nous déposent à proximité du lycée. Alice et Apollon partent de leur côté rejoindre l'équipe de rugby pour peaufiner leurs costumes ensemble. Je ne souhaite pas m'associer à eux, malgré l'insistante de mon capitaine. Je préfère rester avec ma cavalière qui ne semble pas pressée de se rendre au bal. Cela m'arrange, car je n'aime pas arriver le premier aux festivités, c'est toujours emmerdant les débuts de fête ! Nous marchons lentement sur le trottoir, dans la rue sombre, pour nous diriger vers l'établissement, quand mon amie sort de son sac un petit flacon qu'elle me tend. Intrigué, je lui demande ce dont il s'agit.
— Un cocktail maison... m'avoue-t-elle naturellement.
— Tu bois, toi ?
J'ai beaucoup observé Fleur et à aucun moment, je ne l'ai aperçue ivre ou défoncée. Je suis donc un peu dérouté par ce qu'elle me propose. D'autant plus, que vu le contexte inquiétant de la soirée, je me méfie de tout. Je repense aussitôt à Devil et à ses intentions mauvaises, un frisson parcourt mon dos lorsque mes yeux se posent sur le masque de Démon que la jolie blonde porte enfilé à son bras.
— Non, mais je me suis dit que j'allais passer pour une conne devant le grand Paul, roi des fiestas...
Elle marque un temps d'arrêt sous un lampadaire et me tend la fiole en verre. J'hésite à goûter ce qu'elle m'offre, mais je suis tout de même très intrigué. Je débouche la petite bouteille pour renifler et essayer de reconnaître l'odeur du liquide. Des arômes de fleurs, comme de l'alcool de rose, envahissent mes narines. Je connais ce parfum. J'en suis certain ! Je cherche où j'ai bien pu sentir cet effluve envoûtant. J'ai envie de goûter ce qu'elle a préparé et dans d'autres circonstances, j'aurais sauté sur l'occasion. Cependant, je veux rester lucide et maître de mon corps ce soir, d'abord parce que Fleur a accepté de m'accompagner et aussi à cause de l'invitation. Je souhaite pouvoir détailler les moindres faits et gestes de chacun.
— À toi l'honneur !
Je décide finalement de la tester. J'imagine que si elle boit sa liqueur, je ne risque rien...
Elle récupère la petite bouteille et s'enfile trois ou quatre gorgées en me regardant dans les yeux. Il semblerait que je devienne vraiment parano. Lorsque ma crush me tend à nouveau le flacon, j'avale sans me poser de question le liquide sucré et délicieux. Je me sens vite très détendu. Je n'ai strictement rien mangé depuis ce matin et forcément, l'alcool et tous les ingrédients de la recette maison ont un effet rapide sur moi. Je décompresse petit à petit et mon esprit plane avec légèreté.
Le vent se lève brutalement et arrache des mains le masque de Fleur qui s'envole. Je n'ai pas envie qu'elle porte cette chose affreuse, Fleur est beaucoup trop jolie pour enfiler cette horreur. Pourtant par réflexe et galanterie, je m'empresse de courir pour le lui rattraper.
Lorsque je lui rends son déguisement, je remarque le rouge brillant de ses lèvres grâce à la lumière du réverbère qui nous éclaire. Je ne résiste pas à l'embrasser, il y a bien trop longtemps que je me retiens. J'évite de la brusquer et même de la toucher. Je m'incline juste délicatement pour me mettre à sa hauteur et effleurer sa bouche avec douceur. Elle ne bouge pas et je prends ça pour une approbation. Je ne fais rien de plus, parce que ce baiser que je lui offre me suffit à être heureux.
Je suce sur mes lèvres le goût de framboise que son gloss a laissé, puis je saisis sa main pour me diriger vers le portail du lycée.
En nous approchant, nous entendons la musique qui provient du self où la soirée se déroule. Je distingue quelques adolescents dans l'obscurité qui, comme nous, s'orientent vers l'entrée. Fleur serre mes doigts un peu plus fort et quand je me tourne vers elle pour la dévisager, je la découvre pâle et angoissée.
— Ça va pas ?
— Si.
Je me penche vers elle pour lui chuchoter à l'oreille que cela va bien se passer tandis que je me trouve de plus en plus léger, pas comme lorsque je suis ivre, non, je me sens porté par un souffle.
À quelques mètres devant nous, je reconnais Clémence, malgré son déguisement de sorcière, qui arrive débraillée et probablement déjà saoule. Ses yeux fixent la main que je tiens. Alors qu'elle éclate de rire en toisant ma cavalière, je serre un peu plus les doigts fins de mon amie.
— T'as trouvé de quoi te consoler, c'est bien ! me lance-t-elle.
— Ta gueule, Clem !
Je suis contrarié par sa réflexion, non pas qu'elle m'ait blessé, mais je ne veux pas qu'elle s'en prenne ainsi à Fleur. Je la sens si vulnérable et tout ce qui l'égratigne me meurtrit.
Sans nous quitter des yeux, Clémence nous fonce dessus, m'obligeant à lâcher la main de ma copine pour la laisser passer. Au passage, elle met un coup d'épaule à ma petite amie, la bousculant violemment. Je l'interpelle aussitôt avec agressivité.
— Paul ! me supplie Fleur en tirant sur mon bras.
Celle-ci n'a pas envie que je prenne sa défense, elle préfère me tendre à nouveau sa fiole que j'accepte cette fois-ci sans hésitation.
Après avoir bu plusieurs gorgées, je jette un œil dans la direction de Clémence pour découvrir qu'elle vient de rejoindre son acolyte Gabriel. Je suppose qu'ils vont se défoncer avant de se pointer à la soirée.
Un vigile est posté devant le lycée afin de surveiller les entrées et sorties de chaque individu. Ça me rassure, aucun étranger ne s'incrustera, mais cela signifie aussi que Devil est forcément un de mes proches.
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