Chapitre 27
Assis dans les tribunes entre Leila et Benjamin, je ne quitte pas des yeux le terrain sur lequel évolue Apollon. Comme les dix autres membres dont je connais les noms, je découvre que son attitude a bien changé. Il déverse sa rage dans ses foulées et devient plus rapide dans ses déplacements. En revanche, il manque de concentration et cela se ressent dans ses passes qui sont pour le coup moins franches et moins précises. Il n'arrête pas de se tourner vers les gradins, dans lesquels vient de s'installer Alice. Les cheveux remontés en chignon et emmitouflée dans un trench sobre, elle choisit Fleur pour discuter. Les deux adolescentes sont justes derrière moi, et en toute discrétion, j'arrive à capter quelques bribes de conversation au sujet d'un influenceur qu'elles suivent sur les réseaux sociaux. Je reste très attentif à leurs échanges, au cas où elles en viendraient à aborder Halloween. Mais Benjamin, qui est à ma droite, se penche pour interroger Leila, à ma gauche et sa question m'interpelle :
— T'en es où, toi avec Maxence ?
— Fini ! lui répond-elle sèchement sans s'étendre.
Je jette aussitôt un coup d'œil vers le molosse au nez enflé assis un peu plus loin. Il s'énerve et donne des ordres depuis les gradins à nos coéquipiers malmenés sur le stade.
— Fini, fini ? insiste Benjamin en plissant ses yeux bridés.
Je n'envisage pas le moins du monde que Leila puisse retourner avec ce type après tout le mal qu'il a causé autour de lui. Les sous-entendus de Benji m'agacent. Je ne me retiens plus d'intervenir :
— Mais t'es con ou quoi ? Laisse Leila tranquille !
Benjamin soupire, un peu déconcerté par ma réaction. Tandis que le ciel s'obscurcit annonçant une averse, une bourrasque balaie les tribunes et fait voler des feuilles mortes à nos pieds. Mon voisin, parcouru d'un long frisson, remonte la capuche de son sweat sur sa tête et tente de se justifier :
— Je ne sais pas, t'étais bien avec lui ce matin ?
Surpris par cette révélation, je me tourne vers mon amie pour comprendre ce qu'il se trame entre elle et son ex.
— Leila ? Tu foutais quoi avec lui ?
— Rien ! Je récupérerais des affaires et j'avais besoin de lui parler.
Leila est mal à l'aise, elle baisse la tête pour se ronger les ongles. Ses yeux noirs deviennent brillants et je sens qu'elle a le cœur gros. Je ne comprends pas ce qui a pu attirer l'adolescente dans les bras de Maxence. Avant lui, la charmante brune n'avait fréquenté personne, musulmane et très pieuse, elle a toujours défendu et respecté les valeurs inculquées par sa famille. Rapidement, l'invitation de mon rival me revient en tête. Trois filles ? Je souhaite juste que Leila ne soit pas la troisième !
Dans mon dos, Fleur et Alice ricanent alors Leila décide de fuir notre interrogatoire pour les rejoindre. Je file un coup de coude à Benjamin pour le questionner au sujet de notre voisine. Mais il hausse les épaules en guise de réponse.
— Il va falloir que nous nous parlions franchement Benji ! La soirée est dans...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que mon téléphone se met à vibrer. En quelques secondes, plusieurs portables émettent une sonnerie autour de moi. Notamment celui de Benji, mais aussi ceux de Fleur, Alice et Leila.
En baissant mes yeux sur l'écran, je comprends que nous avons tous reçule même message et j'ai bien noté que Leila est également concernée
Gabriel se lève des gradins, suivi de Clémence et Ken. Il semblerait que les trois adolescents ne se quittent plus. Ken les a pourtant bien torturés il y a quelques semaines. Je me souviens des poignets de mon ancienne sex-friend et de sa lèvre éclatée. J'ai la sensation de perdre le fil de l'histoire, de passer à côté de tout.
— Viens ! m'ordonne alors Benjamin.
Il se lève brusquement et me tire par la manche.
— Où ça ?
— Au vestiaire et propose à Fleur de nous accompagner ! Il n'y a qu'elle qui puisse connaître le code du portable d'Apollon ! J'ai déjà demandé à Alice, elle ne l'a pas !
Benjamin a raison, nous devons vérifier l'invitation du capitaine de l'équipe !
Alors que mon ami fait le guet à l'entrée, je me retrouve isolé avec la jolie blonde, dans le compartiment réservé aux garçons, à fouiller dans le sac de son frère. Elle remonte les manches trop longues de son pull noir puis coince les mèches de ses cheveux derrière ses oreilles pour se dégager le visage pendant que je l'interroge :
— Il ne t'a rien dit sur le contenu de son message ?
— Tu comprends bien que je ne lui ai pas montré le mien ! Du coup, il n'a pas voulu m'avouer le sien !
Tous les deux assis face à face, seul le sac de sport nous sépare tandis que nous agitons nos mains à l'intérieur, à la recherche du précieux smartphone.
— Est-ce que Leila t'as dit qu'elle avait reçu quelque chose ?
— Non !
Fleur secoue la tête négativement alors que je continue de réfléchir à voix haute.
— Je pense qu'elle est la douzième et que son message est en lien avec Maxence !
— Je l'ai !
La blonde brandit le portable de son jumeau et le déverrouille aussitôt. Lorsqu'elle me le tend, j'effleure ses doigts en l'attrapant. Je relève mes yeux vers elle. J'ai tellement envie de l'embrasser, mais encore une fois, elle me fuit et recule pour mettre de la distance entre nous.
— Est-ce que tu veux bien être ma cavalière pour la soirée d'Halloween ?
Je pense à l'inviter depuis plus d'un mois, mais je n'ai ni trouvé l'occasion ni osé le faire avant. Bien que ce ne soit pas le moment idéal, aujourd'hui c'est sorti tout seul. Je suis rongé par l'inquiétude de plus en plus grandissante et je ne connais personne, mis à part Fleur, avec qui partager cette angoisse. Et puis, en dehors de l'envie de passer cette nuit avec elle, je souhaite la protéger de Devil. Je ne voudrais pas qu'elle fasse partie des victimes, je ne le supporterai pas. Cette soirée qui aurait dû être une fête se transforme en cauchemar.
— Ne me demande pas ça, Paul !
Ma crush se lève brusquement. Elle est nerveuse, ses mains tremblent et son regard me fuit comme si elle était prise au piège. Je tente de demeurer calme et cherche un moyen de la rassurer :
— Et pourquoi pas ?
— Je ne suis pas prête !
— Mais tu crois quoi ? Je n'attends rien ! Je veux juste te récupérer chez toi pour être sûr que tout ira bien pour nous deux !
Fleur finit par revenir s'asseoir sur le banc du vestiaire, puis délicatement, elle appuie sa tête contre le mur froid. Elle réfléchit le regard dans le vide.
Nous n'avons pas beaucoup de temps avant que l'équipe ne quitte le stade, et le portable s'est éteint sans que j'aie pu y jeter un œil. Je le lui tends pour qu'elle me le déverrouille à nouveau et je trouve très rapidement le dernier message de Devil, ainsi que son invitation...
L'infidélité... Tout s'explique, même si désormais, je ne suis pas surpris !
Je range les affaires d'Apollon telles que nous les avons trouvées. Puis je tends une main vers Fleur pour l'aider à se lever. Après une longue hésitation, elle l'accepte, je referme mes doigts sur les siens pour ne plus les lâcher jusqu'à l'extérieur.
— Samedi soir, je te promets que je ne te demanderai rien de plus... lui murmuré-je à l'oreille en arrivant à la hauteur de Benjamin qui consulte son téléphone.
Sans me donner d'explication, Fleur s'échappe pour retrouver ses amies. Un pincement au cœur de ne pas avoir de réponse, je pars de mon côté avec Benji pour échanger sur nos différentes suppositions, sans laisser transparaître une quelconque émotion de ma part.
— J'ai toujours trouvé cette fille bizarre ! m'avoue-t-il en pointant son menton sur ma crush.
— Et encore, tu n'as pas vu sa chambre !
Nous sortons de l'enclos du stade pour rejoindre l'arrêt de bus à proximité du lycée. En pleine conversation, nous ne prêtons pas attention à ce qui se trame autour de nous.
Au moment où nous nous apprêtons à traverser la rue, une voiture passe un peu trop près de nous, manquant de nous écraser.
J'ai le temps de reconnaître Clémence au volant, avec le CPE à côté d'elle. La 3008 noire marque un à-coup devant le ralentisseur du lycée, avant de repartir en accélérant puissamment. Le véhicule laisse une traînée de fumée derrière lui et file à vive allure dans la ligne droite qui suit. Pendant que je détaille le macaron, conduite accompagnée collé sur le coffre, je me demande si la limitation de vitesse à cinquante kilomètres-heure est respectée.
— Ils étaient en train de s'engueuler ou j'ai rêvé ? me questionne Benjamin.
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