Chapitre 15
Ce soir, nous sommes tous réunis chez Alice, qui prépare un anniversaire surprise pour son chéri Apollon et par la même occasion pour sa jumelle, Fleur. J'ai de suite été enthousiasmé par l'idée de cette fête qui devrait mettre entre parenthèses les rancunes des derniers jours et je me suis beaucoup investi dans l'organisation, en espérant séduire enfin, l'inaccessible Fleur. Toute la classe est présente, même Ken qui a accepté de passer un moment avec nous. Alice a également fini par convaincre romane, en lui adressant un courrier de soutien signé de tous les élèves ainsi qu'une lettre d'excuses que Maxence a consenti à rédiger sur ordre de ses parents. Les deux adolescents s'ignorent et cela semble bien fonctionner.
L'immense villa de bord de mer en briquette rouge est en ébullition et embaume la pizza qui cuit dans le four. Nous sommes entassés les uns sur les autres dans la cuisine équipée de mobilier gris, dont le frigo américain regorge de vivres et où les bouteilles d'alcool sont plus nombreuses que les sodas. Comprimé contre mon meilleur ami qui grignote les chips laissées sur l'îlot central, j'écoute Alice nous donner les dernières recommandations, lorsque la mère des jumeaux les dépose enfin devant la maison. L'organisatrice pousse un petit cri de satisfaction et coupe brutalement la lumière, tandis que des murmures et des ricanements continuent de filtrer. Dans l'obscurité, malgré les supplications de la belle brune, il y a toujours quelqu'un pour sortir une vanne et faire marrer les autres, comme Benjamin qui demande suffisamment fort pour que tout le monde entende :
— Alice, tu m'autorises à les arroser de champagne quand ils entrent ?
Nous éclatons tous de rire pendant que notre hôtesse se fâche :
— Non, mais où t'as vu qu'il y avait du champagne ? Et ferme-la !
Alice a raconté aux jumeaux qu'elle les attendait pour une soirée McDo/ciné. La sonnerie crée une tension supplémentaire, mais le silence est enfin présent quand les deux adolescents ouvrent la porte. Nous ne résistons pas longtemps avant de sortir en hurlant :
— Bon anniversaire !
Tandis que les lumières réapparaissent, tous les gars de l'équipe de rugby se ruent sur le capitaine ahuri. Avec les événements des derniers jours, je ne partage pas l'euphorie ambiante de mes collègues, tout comme Romane assise à l'écart, et qui semble être encore un brin perturbée. Avec Benjamin, je demeure légèrement en retrait dans le salon, un peu largué au milieu d'hypocrites qui font mine de s'apprécier. Alors que son frère se fait chahuter par ses amis, Fleur affiche une moue craintive et reste figée dans l'encoignure de l'entrée. La blonde aux cheveux très longs m'apparaît si douce et si fragile, que j'ai envie de pousser tous les gars pour qu'ils la laissent passer sans la bousculer. Abasourdie par les embrassades, elle tire désespérément sur sa robe pull noire pour cacher son collant maillé, la couleur sombre de ses vêtements souligne la blancheur de sa peau. Une décharge électrique me donne la chair de poule lorsque, l'espace d'un instant, l'adolescente au corps svelte pose son regard bleu sur moi.
Les accolades terminées, les gars envahissent la cuisine pour trinquer.
— Que la fête commence ! crie Alice en mettant de la musique.
Les rugbymen ont la boisson facile, c'est bien connu, et notre équipe confirme la règle. Benjamin et moi les rejoignons, nous ne comptons pas être les derniers à picoler. Nous avons besoin de nous détendre à cause des tensions des jours passés et l'alcool est une échappatoire à portée de mains.
Comme les autres, nous avalons notre premier verre de vodka cul sec. Une fois largement abreuvés, les mecs se dispersent dans la maison. Pendant que Benjamin s'occupe de nous servir à nouveau, Clémence s'approche de moi. Toujours aussi sensuelle, et délicate, je ne suis pas insensible à sa démarche féline. Son legging déchiré aux genoux moule son corps fin et son maquillage souligne ses lèvres charnues. Je me reprends très vite en pensant à Fleur qui est dans la pièce d'à côté, je ne tiens pas à perdre mes chances dès le début des festivités.
— J'ai un truc pour passer la nuit, me susurre Clem à l'oreille en se frottant à moi.
— Pas ce soir ! '
Je recule d'un pas pour signifier à ma sex-friend que je ne suis pas intéressé en ce moment. Benjamin fait mine de ne pas écouter et s'équipe d'un gant pour retirer la pizza du four avant qu'elle ne soit trop cuite. Je saisis le verre qu'il a préparé pour moi sur la table, mais Clémence arrête mon geste en posant sa main sur la mienne.
— J'ai mieux que l'alcool ! insiste-elle en ouvrant ses doigts pour me montrer quelques minuscules pilules.
Je suis surpris par sa proposition, mais en examinant ses yeux et son comportement, je comprends qu'elle a déjà commencé la fête sans moi. Je la soupçonne d'être saoule.
— Je ne touche pas aux drogues dures, et tu devrais en faire autant ! Donne-moi cette merde, Clem !
J'essaie de lui retirer sa dope, mais elle se défile et range le tout dans la poche de sa veste. Puis elle hausse les épaules et soupire avant d'ajouter :
— Ça va, détends-toi ! C'est juste un peu d'exta !
— Qui t'as fourni ça ?
— Va te faire voir, Paul !
Elle prend un air renfrogné et me fait un doigt d'honneur avant de s'enfiler cul sec un verre plein oublié sur le comptoir.
— C'est Ken, je suis sûr ! intervient Benji en terminant sa vodka.
— T'es bien renseigné, toi !
Je ne suis pas surpris par ce qu'avance mon pote et jette un coup d'œil par la fenêtre. J'aperçois Ken seul sous le perron en train de fumer tranquillement une cigarette, ou peut-être un pétard, de là où je suis, je n'en suis pas certain. Même si je décide de ne pas relever l'affirmation de Benji, pour ne pas perdre de temps, je me souviens de l'altercation entre le prétendu dealer et Clem. Finalement, elle n'avait peut-être rien de sexuel.
Clem se tourne soudain vers mon ami qui saute sur l'occasion pour lui proposer un verre.
— Vodka ? Mais tu remballes ta pharmacie !
Cela me donne l'opportunité de les abandonner. Je n'imagine pas Benjamin assez fou pour se laisser influencer par Clémence. Il ne fume pas, et lorsque je m'allume un pétard, c'est tout juste s'il accepte de tirer une latte dessus. S'ils pouvaient s'occuper ensemble pour la soirée, cela me rendrait bien service, j'aurais le champ libre avec Fleur. L'heure tourne et je chasse toutes ces histoires de ma tête pour me lancer à la recherche de la blonde qui envahit mes pensées. La fête bat son plein et j'estime qu'il est largement temps pour moi de passer à l'action. Je m'éclipse de la cuisine pour trouver rapidement celle que je convoite, assise dans le canapé du salon à discuter avec Alice. Elle a son air triste et rêveur, complètement à côté de la plaque, comme si elle n'avait pas conscience d'être à une fiesta de lycéens bourrés. Cette fille pourrait lire un bouquin durant la fête sans que nous la dérangions. Elle est d'ailleurs surnommée "mamie", car elle a la réputation de s'endormir très tôt et avale des gouttes quand elle est stressée, en plus de parler quelquefois un langage d'avant-guerre.
En m'avançant, je croise Apollon et lui souhaite un excellent anniversaire pour ses dix-sept ans.
— Prends un verre, on trinque ensemble ! dit-il en me tendant une vodka pure.
— Si tu veux, mais juste un !
J'essaie de rester discret et de ne pas trop regarder en direction de sa jumelle. Je ne suis pas sûr que mon capitaine d'équipe apprécierait mes intentions, s'il les connaissait.
— J'espère que la soirée va contribuer à calmer les animosités de chacun ! Je compte sur toi pour m'aider, Paul !
Je recule aussitôt d'un pas pour marquer mon refus et lâche avec amertume :
— M'oblige pas à lécher le cul de Maxence, tu sais bien que je ne suis pas ce genre de gars !
Apollon, dont les capacités de manager une équipe ne sont pas à remettre en doute, me rattrape et répond sur un ton autoritaire :
— Je te demande juste de la fermer quand il faut !
— Je ne suis pas ce genre de gars non plus !
— Putain, Arand ! Le CPE, les profs et l'entraîneur t'ont tous dans le collimateur ! Alors, arrête de faire le malin !
Il m'énerve à vouloir toujours aplanir les conflits au profit de l'ambiance. Dans certains cas, j'aimerais qu'il prenne position pour la bonne cause et fasse preuve de bon sens. Je termine mon verre cul sec et lui tourne le dos pour retrouver Fleur. Cette fois, je suis bien décidé à ne pas me laisser distraire par qui ce soit, et pourtant, je ne sais absolument pas comment l'aborder.
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