Janvier 1990 :

Yûkichi a seize ans, un regard ayant perdu toute lumière, des cheveux sales, et un kimono en sang. Du sang qui l’accompagne souvent depuis quelques années.

L’homme venu le chercher le jour de son huitième anniversaire était un membre du gouvernement. Il l’avait appris une fois dans les locaux du Ministère de surveillance des superpouvoirs, peu de temps avant que l’on commence à lui faire passer des tests d’aptitudes. Combat au corps à corps, réactions biologiques de son corps face à l’inconnu, tir,... Tout cela pour rien. Aucun adulte n’avait été capable de le renseigner sur le soi-disant pouvoir qu’il aurait qui justifierait sa présence ici. Tout ce qu’il pouvait retenir de ce triste évènement était le fait qu’il était seul aux crochets du gouvernement qui avait décidé de le garder. Était-ce pour le surveiller ou pour se servir de son remarquable talent à l’épée ? Les deux, d’après lui. On lui avait offert une possibilité d’emploi. Assassin. Est-ce une bonne situation pour un adolescent ? N’importe quel pédiatre aurait hurlé en l’apprenant. Yûkichi ne s’était jamais plaint. Il n’avait pas de tristesse dans son regard, ou d’ennui. Il n’avait aucune raison valable pour partir. Et pourtant, il sait que cette place ne lui convient pas. Son ancienne vie lui manque, mais il se sait portant sur ses épaules de grandes responsabilités. Yûkichi a une mission, un devoir qu’il ne peut pas accomplir dans l’immédiat. Alors il attend son heure. Il attend de pouvoir sortir de cette impasse. Avec le peu d’éducation qu’il a reçu et ses grandes capacités d’analyse, il se terre dans un coin, étudie les évènements pour choisir le meilleur moment pour passer à l’action.  Certains diraient que c’est dans le noir de la nuit que le loup argenté attend. Attend ses victimes. Pour les tuer. La pègre avoisinante le connaît bien. Un de leur membre a été tué dans une ruelle le soir de Noël 1989. Un ordre du département, encore une fois. Fukuzawa avait obéi sans sourciller, gardant toutefois en mémoire les informations alors échangées avec ses supérieurs. Car c’est cela que le jeune homme attend. Des informations, pour structurer un plan efficace. Des alliés, pour l’entourer, pour pouvoir réussir. Des personnes de confiance qui ne le trahiront pas, chose difficile à trouver dans le milieu. Et il attend de prouver à tous qu’il peut prendre ses propres décisions. Qu’il est adulte. C’est en se remémorant toutes ses résolutions que l’adolescent rentre à l’appartement de fonction. Il se change, se prépare du thé et s’accoude à son balcon. Il n’a rien d’autre à faire, le jour de son anniversaire. Il regarde juste les étoiles, s’assoit et se sent lentement dériver vers le sommeil. Malgré l’horreur de la vie qu’il mène, il ne faut pas oublier que dans le repos, les hommes sont égaux. 

Et il s’endort avec un sourire inconscient aux lèvres.