Janvier 1983

Janvier 1983 :

Tous les hommes sont égaux, ne serait-ce pas un mensonge ?

Le petit Fukuzawa Yûkichi a neuf ans. Ses cheveux qu’il ne souhaite pas couper sont tirés en arrière pour former une queue de cheval haute. Il tient dans sa main une épée de bois, signe qu’il revient d’un entraînement de kendo. Sa main tremble. La sueur coule de son front alors que ses yeux d’habitude si inexpressifs sont écarquillés sous l’effet de la terreur. Le bas de son pantalon d’entraînement trempe dans un liquide carmin, et lui reste tétanisé à l’entrée de la pièce. Pièce au milieu de laquelle repose les corps de sa mère et de sa bonne. Les deux femmes qui illuminaient son existence. Un rapide coup d’oeil par une porte entrebâillée lui apprend que ses grands parents ne sont pas dans un meilleur état. Et les paroles de sa mère le hantent. Les hommes seraient égaux ? Les hommes ayant assassinés sa famille seraient ses égaux ? Qui peut se permettre de juger son égal ? De le tuer ? De faire justice soi même ?

Nous sommes le 10 janvier 1983. Et son anniversaire, Yûkichi sait qu’il ne le fêtera pas…

Il n’y aura plus de bol de soupe d’azuki. Plus de rires en compagnie de sa mère. Plus de caresses apaisantes dans les cheveux. Plus de sukiyaki l’attendant quand il rentre de l’entraînement. Plus les regards admiratifs de ses grands-parents quand il leur montrait ses premières calligraphie. En fait, il n’y aura plus rien.

Le petit tombe au sol. Un filtre noir semble s’être glissé devant ses yeux. Il se sentait plongé dans les ténèbres. 

Puis, soudain, il y a quelque chose. Il y a une main tendue devant lui. Un homme vêtu d’un costume était entré dans la pièce sans qu’il l’entende. La lumière revient. Quand il plonge ses yeux bleus dans les pupilles de son vis à vis, Yûkichi sait qu’il y a dorénavant un choix à faire.

Il se redresse, contourne les cadavres pour aller dans la chambre de sa mère. Il prend un carnet qui traînait sur le bureau, des livres de Confucius, la vieille trousse d’écriture, ainsi que la veste verte unie et longue de sa génitrice qu’il pose sur son épaule. Il laisse tomber l’épée d’entraînement, et se saisit d’une paire de baguettes à cheveux. Celles de sa bonne. Il enroule tout dans un tissu à fleurs qu’il noue autour de sa taille.

Quand il revient dans la pièce centrale, c’est un regard débordant de détermination qu’il lance au visiteur. Celui-ci sourit. Lui tend de nouveau une main que Fukuzawa n’attrape pas. Il préfère marcher seul. Car seul, il l’est désormais. Seul avec un inconnu. Seul avec sa conscience. Et la pensée que les paroles si souvent répétées par sa mère ne sont pas une vérité. Ou du moins pas totalement. Peut-être que quelque part, les hommes sont égaux. Mais dans quoi ? 

Il ne lui reste plus qu’à chercher la réponse à cette question noble, dans un paysage humain des plus cruels

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