Chapitre 6



Zakhar reprit la route en ralentissant son allure avec beaucoup de regrets. Il se détestait d'avoir été si imprudent seulement pour soulager son égo.

Lorsqu'il se gara devant le tribunal, il décida que quelques recommandations s'imposaient.

- Vous restez discrète, je vous veux toute petite dans la salle.

Ses yeux verts prirent une expression interloquée.

- Puis-je au moins savoir qui vous allez défendre ?

Il grimaça.

- Une connaissance que j'avais prévenue et qui ne m'a pas écouté.

Il quitta la voiture et fit le tour pour lui ouvrir sa portière. Sa main chaude se glissa dans la sienne. Inutile de lire davantage dans son regard pour connaître ses pensées. Elle mourait d'envie d'en savoir plus. Et elle ne serait certainement pas déçu du voyage.

Ils pénétrèrent dans le tribunal ensemble mais Zakhar mit une distance entre eux.

- Attendez-moi ici.

Louane hocha de la tête et lui suivit des yeux quand il passa les portes d'une salle accompagné d'un autre homme. Quelque part en elle, Louane se sentait soulagée d'avoir pu se confier à lui. Elle espérait seulement que l'histoire de son père ne lui fasse pas défaut. Elle n'avait aucune envie qu'il la traite avec plus de bienveillance. Cela voudrait seulement dire qu'il avait pitié d'elle.

Il réapparut dans l'encadrement de la porte et lui fit signe de venir. Son cœur s'emballa avec toujours autant d'intensité lorsqu'il pressa sa main sur son avant-bras.

- Asseyez-vous sur l'un des bancs et demeurez muette jusqu'à la fin de l'audience, lui murmura-t-il à l'oreille en laissant son souffle chaud dévaster sa chaire.

- Très bien, je reste silencieuse.

Louane mima de se coudre la bouche et s'installa sur le banc derrière lui.

Elle sortit ses affaires puis observa attentivement l'homme à ses côtés. À première vu, l'homme semblait avoir été tiré du lit de force et légèrement en état de d'ébriété. De l'autre coté, une femme vêtue d'une robe...presque transparente fixait le coupable avec un regard insolent. Étudiant le profil de cette femme avec plus d'attention, Louane remarqua que sa main tremblait ainsi que sa jambe droite.

Elle tira son calepin de son sac à main et dégaina son stylo favori pour noter ce que le grand Slovovitsh allait dire pour innocenté son client.

Excitée, elle en oubliait même les recommandations de son professeur et se mit à se parler à elle-même avant de poser sa main sur sa bouche.

Il se retourna légèrement pour lui adresser un regard des plus sérieux. Louane lui adressa un sourire timide et replongea son nez sur son calepin.

- Maître Slovovitsh, salua le juge en s'installant.

Louane retint son souffle et serra son stylo dans sa main.

- Alors nous pouvons commencer ? Demanda t-il en ôtant ses lunettes.

Elle vit la nuque de son professeur se courber en avant. Fascinée elle porta son stylo à ses lèvres entrouvertes.

- Si vous le voulez bien j'aimerai commencer, intervint l'avocat de la femme qui accusait le client de Zakhar, d'un fait qu'elle avait hâte de connaître.

- Allez-y, dit le juge d'une main leste.

Louane retira son stylo de sa bouche et se passa la langue sur ses lèvres sèches.

- Ma cliente accuse ici présent Diego Fernandez de viol et...

- C'est faux ! S'écria l'accusé.

Louane sursauta légèrement.

D'une main ferme, Zakhar imposa le silence et invita son concurrent à reprendre.

- Comme je le disais, ma cliente accuse Diego Fernandez de viol et de menaces de mort.

- Développez je vous prie ! Non j'ai mieux, dit le juge en étudiant le dossier : Silvia Catapova venez donc à la barre.

Louane se redressa comme si une montée d'adrénaline venait de lui monter à la tête. Elle adorait ce moment.

La fameuse Silvia alla s'installer à la barre en tremblant toujours autant des mains.

Son maquillage avait coulé, son regard était bordé de noir.

- Que s'est-il passé cette nuit mademoiselle Catapova ?

- Eh...bien...nous étions à l'hôtel, nous avons passé la soirée à boire du champagne puis tout à coup il est devenu complètement fou et je....

- Fou ? À cause du champagne ? Coupa le juge sans la regarder.

Louane déporta son attention sur Zakhar qui se tenait assis près de son client en lui chuchotant à l'oreille.

Lui qui détestait défendre l'indéfendable comment pouvait-il défendre un violeur ?

Elle se racla la gorge en décidant de ne pas sceller le sort de cet homme trop hâtivement.

- Non...enfin je ne pense pas, balbutia-t-elle en crispant ses mains sur la barre.

Louane plissa son front devant cette hésitation flagrante.

- Vous pensez ou vous ne pensez pas ? Insista le juge en remettant ses lunettes.

- Depuis quelques temps il me traitait mal, il m'insultait.

- C'est faux...non d'un chien ! S'écria Diego : Je ne l'ai pas violé, tout ceci est faux ! On a juste....bais...

Le juge mit fin à cette phrase d'un coup de marteau.

Louane pouffa de rire, le dos voûté pour se cacher. Mais un silence des plus inquiétant s'installa dans l'immense salle. Deux grandes chaussures apparurent devant elle. Louane releva les yeux et se retrouva dans une position délicate. Zakhar venait de se pencher vers elle en posant sa main sur dossier du banc.

- Une suggestion mademoiselle Jemena ?

Louane déglutit péniblement et secoua de la tête.

- Aucune qui puisse susciter l'attention, bredouilla-t-elle en portant son stylo à sa bouche.

Ses yeux la transpercèrent du regard. Louane suivit la trajectoire de son regard vers ses lèvres. Aussitôt, elle retira son stylo de sa bouche en esquissant un mince sourire.

Il se redressa et se tourna pour se réinstaller a côté de son client.

Louane expira imperceptiblement et ferma brièvement les yeux. Une seconde de plus et elle aurait pu fondre comme de la neige au soleil.

- Reprenons je vous prie ! Ordonna-t-il en peinant à contrôler la gravité dans sa voix.

L'audience reprit avec beaucoup tensions. Cette femme ne voulait pas lâcher le morceau et semblait se confondre en excuse. Mais Louane retenait une chose. Le calme exemplaire de Zakhar. Il faisait preuve d'un tel self-control qu'elle en oubliait de noter l'essentiel sur son calepin.

Quelques fois, elle sentait son regard sur elle et détourna immédiatement le regard par peur qu'il lise dans son regard le trouble qui la gagnait.

- Maitre Slovovitsh ? Êtes-vous prêt pour la défense.

Louane se redressa de nouveau et sentit des frissons parcourir sa nuque puis son dos.

- Absolument prêt, je me languissais de ce moment.

Louane frémit.

" Je me languissais de vous revoir "

Elle n'oublierait sans doute jamais cette phrase qui avait scellée son destin au sien. Un silence des plus glacial résonna dans la salle comme dans une église. Louane serra son stylo d'une pression nerveuse. Elle rêvait de l'entendre enfin parler.

- Mon client est totalement innocent, déclara-t-il enfin d'une voix déterminée.

Le juge haussa un sourcil septique.

- Avez-vous des preuves maître Slovovitsh ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top