Chapitre 11




  - Vous voulez dire à pied ? S'étonna Louane.

Le ventre plein à deux reprises, incapable de faire un pas devant l'autre, elle espérait qu'après le déjeuné elle aurait eu une chance de s'éclipser dans sa chambre pour se remettre de ses émotions. Hélas, Savana semblait vouloir plus et encore plus.

- C'est un merveilleux village juste en bas à quelques kilomètres.

Kilomètres ? Avait-elle bien entendu ?

- Vous voulez dire mètres, à quelques mètres, rectifia Louane d'un rire jaune.

- Non, il est à 5 kilomètres, affirma le maître des lieux. Nous avons pour habitude de y aller lorsque ma sœur me rend visite.

Louane les regarda tour à tour.

- Oh alors je pense que ça sera sans moi, je tombe de fatigue, j'ai trop mangé.

- Vous rigolez ! S'écria Savana, j'ai tellement envie de vous montrez le village, vous ne pouvez pas refuser.

Savana fit la moue comme une enfant. Trois ans d'écart les séparaient. Alors soit Savana avait encore une âme d'enfant, soit elle avait pour habitude que l'on cède à ses envies soit c'est elle qui était trop vieille dans sa tête. Dans les trois cas, Louane ne se voyait pas marcher sur des kilomètres.

- Je ne pense pas réussir à marcher cinq bon kilomètres.

- Vous n'êtes pas sportive miss Jemena ? Demanda-t-il sur un ton moqueur.

Elle riva son regard au sien avec le désir impétueux de le rebuter là tout de suite.

- Si, seulement...

- Alors qu'attendez-vous pour enfiler une paire de bottes ?

Savana se leva d'un bond tout sourire comme si elle avait d'or et déjà accepté.

- Mais !

- Si vous refusez elle sera anéanti, dit-il d'un soupir exagéré quand Savana disparut.

Anéantie ? C'est lui qu'elle allait anéantir !

- Inutile de vous exprimer sur un ton dithyrambique ! Elle ne va pas en mourir si ?

Louane vit son regard se fissurer. Elle en frissonna.

- Nous avons tous nos fantômes et nos douleurs mademoiselle Jemena, les douleurs de ma sœur viennent seulement de disparaître.

Alors qu'elle s'apprêtait à lui demander de quoi il parlait, ce dernier reprit sur un ton plus dur :

- Il y trois ans, ma sœur s'est mariée à un salaud qui la battait, il la défenestrait après une violente dispute.

- Mon dieu....je suis désolé.

- Les médecins se demandent encore par quel miracle elle a survécu à une telle chute.

Honteuse, Louane déglutit sans pouvoir contenir sa peine.

- J'étais en Russie à cette époque, mes parents m'ont caché la vérité sur Max et Savana s'est noyée dans le silence. Elle était beaucoup trop jeune et si insouciante.

Sans le vouloir, l'homme lui exposait une autre facette de lui. Son visage était peint de tristesses.

- Enfin, tout ça pour dire qu'elle sort de deux ans en fauteuil roulant et que la marche lui fait du bien, le contact des gens lui fait du bien.

- Je comprends, je vais mettre mes bottes.

Elle se leva mais sa main se referma presque aussitôt sur son bras.

- Vous n'êtes pas obligé de faire ça uniquement par pitié, lâcha-t-il froidement en basculent son corps robuste au-dessus de la table qui les séparait.

- Je ne fais pas ça par pitié mais parce que je refuse de faire de la peine à votre sœur.

Sans un mot, il relâcha son bras avec toujours cette même expression de froideur. Elle en profita pour partir et regagner sa chambre pour s'habiller chaudement. Elle y trouva Savana en train de se chausser. Une émotion intense lui serra le cœur. Comment une petite poupée aussi belle avait pu souffrir autant. Même si elle ne la connaissait pas, Louane sentit les larmes lui monter aux yeux.

- Alors ? Vous venez ? Demanda-t-elle en baissant l'ourlet de son pantalon.

Faisant mine d'ignorer la déchirante cicatrice sur son mollet, Louane esquissa un sourire et entra dans la chambre.

- Oui, je me suis dit qu'une bonne marche m'aiderait à éliminer le déjeuné.

- Vous allez voir, ce village est fabuleux.

- Je n'en doute pas une seule seconde.

Louane enfila ses bottes et son manteau. Si elle faisait l'effort de sortir c'était bien pour elle. Car même si l'émotion qu'elle avait lu sur le visage de Zakhar elle n'en oubliait pas autant leur baiser qui la mettait dans une situation mal à l'aise.

Une fois dehors, ils empruntèrent un chemin de terre recouvert de neige. C'était agréable d'entendre le silence et profiter de ce petit coin de nature absolument charmant.

Savana s'éloignait d'eux au fur et à mesure de leur distance parcourue. Mains dans les poches, Zakhar ne semblait pas vouloir parler. Mais Louane tenait absolument à s'excuser.

- Pardonnez-moi pour tout à l'heure.

- Ne le soyez pas, répondit-il en continuant de regarder sa sœur. Nous sommes quitte maintenant.

Louane lui rendit le fin sourire qui venait de lui donner puis demeura muette avant qu'il ne reprenne :

- Vous êtes intelligente.

Elle fronça des sourcils sous la surprise.

- Merci, mais pourquoi me dire ça ?

- Parce que je ne veux pas que notre...baiser cause en vous un sentiment de ne pas avoir votre place ici.

- C'est vrai qu'à un moment j'ai  cru...

- Je n'étais pas le seul à vous avoir choisi, nous étions cinq dans le jury.

Louane se pinça les lèvres.

- Et notre baiser n'affectera pas ma façon de vous apprendre, rajouta-t-il en daignant enfin la regarder.

Zakhar fut surpris de la voir perdue, d'une innocente beauté naturelle.

- Nous étions deux à....

Elle s'interrompit et semblait chercher comment formuler la fin de sa phrase.

- .....Le vouloir ? Suggéra Zakhar en leva un sourcil.

- C'est ça ! Le vouloir, bredouilla-t-elle en tentant de lui cacher les délicieuses rougeurs qui lui apparurent sur ses joues.

Alors il reporta son attention sur sa sœur. Un cri d'oiseau troua le ciel gris. Il inspira profondément. La nature lui faisait un bien fou. C'est pour cette raison qu'il avait choisi cet endroit pour être loin du trafic et de cette sensation d'étouffer.

- C'est vraiment magnifique, lança-t-elle au bout du chemin.

- N'est-ce pas ? Attention aux marches elles sont glissantes.

Zakhar lui tendit sa main pour qu'elle s'en saisisse mais elle n'en fit rien. Des ses yeux, il perçut de la timidité mêlée à de la résistance. Oh oui elle résistait autant qu'il résistait de la reprendre dans ses bras et de poser sa bouche sur la sienne.

- Votre sœur est en difficulté, fit-elle remarquer en la pointant du doigt : Allez-y je vais me débrouiller.

Ne sachant plus qui aider en premier, Zakhar maudit sa sœur d'avoir eu cette envie de se balader en plein milieu d'un parterre de verglas. - Vous êtes sûre ?

- Absolument, affirma le jeune femme en progressant par petit pas dans les marches.

Zakhar descendit les marches pour atteindre sa sœur et la soutint par le bras.

- Ça va ne t'inquiète pas.

- Tu vas te rompre le cou, laisse-moi t'aider.

Savana se cramponna à lui jusqu'à la dernière marche. Et à peine eut-il le temps de se retourner qu'un cri aiguë perça la nature.

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