Chapitre 37
Trois semaines plus tard, Hannah prit conscience que sa vie prenait un sens des plus inattendu. Silas avait réussi des prouesses avec le contrat du cheikh et ses investissements en Russie. D'une autre part, elle avait enfin pu faire ses preuves devant un grand professionnel. Il ne l'avait pas traité comme sa petite amie mais comme une collaboratrice. Bien sûr, ils avaient eu leurs moments rien qu'à deux, à l'abris des regards indiscrets. Hannah nageait en plein bonheur. Mais quelque chose lui manquait. Elle se projetait dans un avenir fictif qui ne se réaliserait sans doute jamais. Elle ne se voyait pas travailler dans un bureau toute sa vie peu importe où.
Louane avait des rêves, des objectifs qu'elle parvenait à réussir. Pourquoi pas elle ?
N'avait-elle pas toujours rêvé d'ouvrir sa propre boutique de pâtisseries comme sa mère ? Elle était douée. Hannah le savait.
Et pour être sûre de n'avoir rien perdu de son talent, Hannah avait investie la cuisine de Silas. Elle avait certes réduit la cuisine en champ de bataille mais cela en valait la peine songea-t-elle en recouvrant son gâteau aux poires d'un nappage au chocolat noir. Travailler pour Silas lui avait permis de comprendre que lui aussi avait des objectifs, et elle s'était rendu compte qu'elle aussi en voulait. Personne ne pouvait prévoir l'avenir, personne ne pouvait lui certifier qu'elle resterait pour l'éternité avec lui.
Hannah était éperdument amoureuse de lui. Fidèle à sa parole, Silas lui avait donné tout ce dont une femme rêverait d'avoir. Il lui avait fait découvrir son monde, il lui avait offert le plus merveilleux des anniversaires et elle portait ce souvenir autour de son cou. Hannah sentit les larmes monter mais dut les réprimer quand elle entendit la sonnette retentir. Elle fronça des sourcils en se demandant bien de qui il pouvait s'agir et traversa la maison pour ouvrir au visiteur.
Un homme en costume cravate se tenait devant l'entrée, chevaux grisonnant. Hannah se recula d'instinct lorsqu'il posa sur elle un regard incandescent.
- Je peux vous aider ? Demanda-t-elle dans sa langue en espérant qu'il la comprenne.
- Américaine ? Éluda l'homme en levant un sourcil inquisiteur.
Hannah posa sa main sur la porte afin de la ramener vers elle.
- Qui êtes-vous ?
- Je cherche mon fils.
Sonné par le vide sourd qui l'entourait lorsqu'elle n'était pas avec lui, Silas entra dans la boutique. Les trois belles semaines qu'il venait de vivre avec Hannah lui avait permis de se rendre compte qu'un jour sans elle serait pour lui une véritable torture. Bientôt, ils devraient rentrer à New-York. Silas s'imaginait déjà la ramener chez elle. Une moue de dégoût traversa ses lèvres. Était-ce ça l'amour ? Être incapable de s'imaginer sans l'autre ?
Silas s'avança jusqu'au comptoir d'un pas décidé.
La vendeuse l'accueillit avec un sourire béat aux lèvres.
- Puis-je vous aider ? Demanda-t-elle avec chaleur.
Silas n'avait jamais fait ça de sa vie. Il se sentit soudain nerveux mais déterminé.
- J'aimerais acheter une bague de fiançailles.
La vendeuse perdit l'éclat de son sourire, mais en grande professionnelle se redressa en ouvrant la vitrine.
- Quel modèle désirez-vous ?
- Je pourrais tuer pour elle, quel modèle correspond à ce sentiment ? Demanda-t-il d'une voix sombre.
Hannah coinça au mieux la porte avec sa main et considéra le père de Silas avec prudence.
- Il n'est pas ici, je regrette.
- Je peux l'attendre, proposa-t-il avec un sourire en coin.
- Je ne pense pas que ce soit...
- Allons, allons mon enfant, coupa-t-il en forçant la porte d'un coup d'épaule pour entrer.
Hannah déglutit péniblement en essayant de se rappeler où elle avait posé son téléphone pour dernière fois.
- Je suis persuadé qu'il ne vous en voudra pas de m'avoir accueilli, reprit-il avec condescendance. Après tout je suis son père non ?
Son père ? Hannah se retint de répliquer et ferma la porte à contrecœur. Prudemment, elle mit de la distance entre eux et tortilla ses doigts nerveusement tandis qu'il examinait la maison avec un regard appréciateur.
- Je suis certaine qu'il ne va plus tarder.
Il se retourna pour darder ses yeux sur elle puis lui tandis sa main.
- Je ne me suis pas présenté, Yegor Poloskhïa.
- Hannah Stewart.
Forcée de lui serrer la main, Hannah sentit sa main se refermer sur la sienne pour la ramener à ses lèvres.
- Quel merveilleux prénom, commenta-t-il en lui baisant la main.
Elle la récupéra en parvenant à ne pas éveiller le moindre dégoût sur son visage. Son rythme cardiaque s'accéléra.
- Vous désirez boire un café ? Proposa-t-elle sur un ton qui se voulait polis.
- Je suis sûr que mon fils a quelque chose de plus fort que du café, dit-il d'une voix caressante.
Hannah frémit d'inquiétude et s'avança d'un pas résigné jusqu'au bar de Silas pour en sortir une bouteille de whisky. Elle remarqua que ses mains tremblaient. La présence du père de Silas la rendait nerveuse. Elle posa le verre sur la table en bois et se recula à hauteur de la chaise qui avait pour habitude d'accueillir la présence de son amant. Elle profita d'un moment d'absence de Yegor pour jeter un coup d'œil à la pendule. En règle générale, Silas appelait toujours à dix-sept heures tapante pour lui indiquer qu'il arriverait dans l'heure. C'était une habitude qu'ils avaient prise ensemble et Hannah n'avait jamais été aussi heureuse de voir la pendule afficher seize heures et cinquante-cinq minutes.
- C'est Silas, annonça-t-elle en se dirigeant vers le téléphone.
Hannah marcha avec un air détendu. Elle prit le combiné mais une mains se referma sur son poignet.
Elle hoqueta en fermant le poing sous la violence de sa poigne.
- Je suis persuadé qu'il peut attendre d'être là pour découvrir que je suis ici.
Hannah réprima une grimace.
- C'est notre habitude, il aime m'entendre avant de rentrer, laissez-moi répondre ! Dit-elle en se dégageant violemment.
Les traits tirés, Yegor la menaça du regard.
Hannah attrapa le combiné et répondit après s'être frottée le poignet.
- Allô ? Dit-elle d'une voix altérée par la douleur.
- Tu en a mis du temps à répondre, dit-il vivement, Hannah ? Est-ce que tout va bien ?
- Je...j'étais dans la cuisine, je n'ai pas entendu le téléphone.
D'instinct, Silas appuya sur l'accélérateur. Il n'aimait pas cette voix qu'elle prenait lorsque quelque chose n'allait pas.
- Tout va bien Hannah ? Répéta-t-il plus fort.
- Absolument.
- Hannah, s'il y a quelqu'un avec toi réponds-moi un non.
- Non.
Silas accéléra et prit un virage si rapidement qu'il effleura le faussé.
- Est-ce ma mère ?
- Pas le moins du monde ! S'exclama-t-elle en feignant de rire.
Silas serra le volant.
- Gabe ? Grogna-t-il.
- Tu te trompes encore c'est le gâteau au poire que je t'ai fait.
Silas doubla deux voitures en manquant de rentrer de plein fouet avec celle d'en face et comprit que c'était son père.
- Je suis là dans dix minutes, reste calme.
- À très vite, l'entendit-elle souffler d'une voix tremblante.
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