Chapitre 35



Ils quittèrent le bureau ensemble, Hannah prit soin de mettre une certaine distance. Elle ne désirait pas que les mauvaises langues se mettent à parler, bien qu'elle pouvait déjà entendre des petits chuchotements inaudibles. Pour couronner le tout, Silas combla cette distance pour glisser sa main contre son dos. Elle frissonna, cherchant en vain de réprimer ce feu d'une rare violence qui s'insinuait en elle. L'ascenseur s'ouvrit, ils étaient seuls à l'intérieur.

- Ne tiens pas compte de leurs regards, l'entendit-elle lui dire contre son oreille.

- Pourquoi cela t'est si indifférent ? Demanda Hannah en plongeant son regard dans le sien.

- J'ai passé des années à faire attention à ce genre de regard, aujourd'hui je les ignore.

Ses doigts se refermèrent au creux de sa taille tout en se redressant de toute sa hauteur. Hannah aurait tout donné pour savoir comment il voyait le monde de sa hauteur vertigineuse. Il le dominait avec une telle prestance qu'elle en restait sidérée.

Il émergea de l'ascenseur en l'entraînant avec lui.

- Où veux-tu manger ? Demanda-t-il en lui passant sa veste d'hiver sur ses épaules.

Hannah rit doucement.

- Ta question est-elle rhétorique ?

Il tiqua puis son expression se détendit en un sourire lent.

- J'ai encore l'impression d'être à New-York, dit-il en enfilant son long manteau noir.

Cette fois-ci il lui prit la main, enlaça ses doigts aux siens pour traverser le hall gigantesque sans se soucier des regards portés sur eux. Moscou était un endroit magnifique. Hannah ne bouda pas son plaisir de marcher sur la neige et de tendre sa main pour que les flocons se posent sur sa main avant de fondre contre sa paume.

Il l'emmena dans un restaurant situé juste devant le building.

Installée en face de lui au milieu du brouhaha, Hannah ne put s'empêcher de se demander si son conte de fée moderne allait perdurer encore longtemps. Elle restait sur ses gardes en réprimant cette envie de laisser son cœur parler pour elle. Silas était certes un homme très bienveillant et protecteur mais elle n'en demeurait pas moins stupide pour autant.

Hannah consulta la carte des menus en réprimant un soupir de désespoir.

- As-tu aimé cette matinée ? Demanda-t-il en se passant une main dans les cheveux.

Hannah reposa son verre de vin blanc en acquiesçant.

- J'adore travaillé avec un ordinateur, vendre des parfums ne me manque pas du tout.

- Tu es douée, c'est incontestable.

- Merci.

Il resta silencieux en la dévisageant les paupières plissés.

- As-tu des rêves Hannah ?

Surprise et un peu déstabilisée par cette subite question elle haussa des épaules.

- Comme tout le monde je suppose, pourquoi ?

Hannah se raidit en attendant sa réponse. Elle se voulait prudente sur la conversation qu'il s'apprêtait à entamer.

- Je ne sais pas, j'avais envie de connaître tes rêves, tes projets.

- Je n'ai pas de projets, lâcha-t-elle un peu sèchement, sans pouvoir réprimer son irritation.

- Tout le monde a des projets, répliqua l'homme en levant un sourcil interrogateur.

- Alors quels sont les tiens ? Demanda t-elle à brûle-pourpoint.

- Je veux me venger de Gabe pour commencer.

Hannah frémit.

- Je croyais que tu avais abandonné.

- Je n'abandonnerais jamais cette guerre, dit-il en grinçant des dents, les yeux obscurcis.

- Tu n'as pas de preuves, par ma faute...

Il but une gorgée de vin et le reposa avec délicatesse sur la table.

- Ce n'était pas ta faute Hannah, et j'ai d'autres solutions pour le faire tomber, même à distance.

Hannah l'observa sans cacher son scepticisme.

- J'ai passé six ans en prison, autant dire une décennie, reprit-il sombrement. On me regarde encore comme un monstre car je ne suis pas totalement lavé de ce crime que l'on me reproche. Crois-tu sincèrement que je vais laissé cet enflure s'en tirer comme ça ?

Hannah déglutit péniblement.

- Non, bien sûr que non...

Comment avait-elle pu croire qu'il laisserait Gabe s'en tirer aussi facilement ? Elle ne pouvait imaginer sa peine et la douleur qu'elle avait pu ressentir pendant des années.

- Ensuite, poursuivit-il. Je partirais sans doute faire une tour du monde en bateau comme j'ai toujours rêvé de faire.

Hannah avait l'impression d'avoir été poignardée en plein cœur. Évidemment, elle ne faisait pas partie de ses projets. Comment avait-elle pu être aussi idiote ? Cette liaison se terminerait tôt ou tard. Elle dut combattre ses larmes de colère mêlés à la douleur qui lui nouait le ventre.

- C'est un magnifique projet ! S'exclama-t-elle d'une voix chevrotante.

- Oui, il l'est, murmura-t-il sans la quitter des yeux.

Elle baissa la tête vers son assiette et le déjeuné lui parut une éternité.

De retour dans sa maison, l'ambiance était devenue froide et tout était de sa faute. Elle retira ses chaussures avec un sentiment inexplicable au fond du cœur.

- J'ai menti tout à l'heure.

À cette voix, Hannah se retourna pour le confronter.

- Pour quel sujet ? Demanda-t-elle prudemment en croisant les bras contre sa poitrine.

Il se tenait devant la porte, bras croisés avec un petit air moqueur affiché sur le sillon de ses traits.

- Espèce d'idiote, dit-il en s'avançant vers elle d'une démarche nonchalante.

Elle retint sa respiration.

Il lui prit le menton avec autorité et l'obligea à le regarder, pour qu'elle voie à quel point il la désirait.

- Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un qui va partir faire le tour du monde sur un voilier ?

Hannah cilla bouche bée.

- Tu as...menti mais pourquoi ?

- Pour connaître ta réaction afin qu'elle me parle plus que cette bouche délicieuse, avoua-t-il sans l'ombre d'un regret.

Il glissa son pouce sur ses lèvres entrouvertes.

Hannah ne savait pas si elle devait sauter de joie ou le frapper.

- Tu es fier de toi je suppose ? Demanda t-elle sur un ton qui laissait deviner qu'elle était fâchée.

- On peut dire sa comme ça, affirma-t-il en dardant sur elle un regard affamé.

Hannah ne voulait pas qu'il s'en sorte aussi facilement. Même si ses craintes venaient de s'envoler, elle n'en oubliait pas pour autant ce petit piège qu'il venait de lui tendre.

Et alors qu'un brasier était en train de la ravager intérieurement, elle s'écarta de lui et se détourna.

- Nous ne ferons pas l'amour cela t'apprendra !

Un rire puissant résonna dans toute la chambre. Hannah demeura toujours le dos tourné à lui, espérant pouvoir gagner la partie. Seulement, avec une lenteur effroyable, il se mit à parler en russe comme s'il était en train de la vénérer. Cela dura une bonne minute alors qu'elle sentit un long frisson parcourir son échine.

- C'est ce que nous allons voir ma douce, dit-il enfin en écartant ses cheveux de sa nuque.

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