Chapitre 24
À l'arrivé imminente des serveurs, Silas étudia les couverts disposés sur la table. Habitué à ce genre de disposition à l'anglaise, Silas serra ses doigts entre les siens pour la rassurer lorsqu'elle s'y perdit. Un accès de désir embrasa littéralement son intérieur. Maintenant libérée de son fardeau mental, Hannah était encore plus magnifique. Plus désirable.
- Couteau pour l'entrée, dit-il en se penchant vers elle.
Trop occupé à l'admirer, Silas découvrit seulement maintenant qu'elle portait le parfum qu'il lui avait offert. Complètement enivré par la subtilité de cette fragrance fruitée, Silas ne put s'empêcher de gémir intérieurement.
- Ensuite ? Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-elle en désignant l'autre couteau.
Conscient d'être beaucoup trop près de la tentation et qu'à tout moment il pouvait vriller, Silas se redressa légèrement en serrant les mâchoires pour éteindre les pulsions extrêmement dangereuses qui le mettaient à l'épreuve.
- Celui-ci c'est le couteau et viande et ça....
- Oh non attendez, laissez-moi deviner ! S'exclama-t-elle en détachant sa main de la sienne.
Silas ravala la fugace déception qui le traversa quand il ne sentit plus sa main dans la sienne.
- Trois dents donc je dirais....la fourchette à poisson !
- Bravo Hannah.
Les yeux étincelants, elle tapota légèrement des mains dans un silence absolue et dévisagea les autres couverts.
- Fourchette à desserts, cuillère à desserts, couteau à fromage, énuméra Silas en laissant son côté sombre reprendre le dessus.
Il lui reprit sa main qui trainait sur la table et la remit sur sa cuisse. La jeune femme tourna sa tête vers lui, manifestement inconsciente de ce qu'elle provoquait en lui. Son regard ambré comme le miel suffit à éveiller en lui ce qu'il tentait de vaincre en vain depuis le début de la soirée.
- Je suis vraiment....
Hannah s'interrompit quand une femme se mit entre le sénateur et Silas, le regard rivé sur lui.
- Silas ?
En découvrant la mystérieuse femme qui semblait le connaître, il siffla un juron, un éclat d'agacement dans les yeux.
- Angie, la salua-t-il sans se donner la peine de se lever.
La grande blonde cilla en la découvrant, puis sur un ton hautain s'écria :
- Je peux savoir qui c'est ?
Hannah chercha désespérément à récupérer sa main. Mais la poigne de Silas se resserra davantage.
- Hannah je vous présente ma maîtresse de l'époque, Angie Freeman.
Stupéfaite qu'il se montre aussi franc que glacial, Hannah détourna la tête en espérant que personne n'ai vu la jalousie qui venait de la transpercer de part et d'autre.
- Que veux-tu Angie ? Dit-il d'une voix acerbe.
Angie Freeman se redressa pour se donner de la hauteur et répondit :
- Je ne pensais pas que tu viendrais à ce bal je suis surprise que tu ne m'aies pas appelé.
Silas esquissa son premier sourire diabolique depuis longtemps.
- Parce que je n'ai pas pensé à toi un seul instant depuis six ans alors....comment aurais-je pu penser à toi pour un simple bal ? Tu dois connaître ça Angie non ? Oublier ?
Hannah se mit à gratter la nappe avec son index sans oser tourner la tête en direction de la grande blonde. Elle sut qu'elle était partie quand il pivota sur sa chaise pour se remettre droit.
- Je suis navré pour cette scène déplorable, s'excusa-t-il en cherchant son regard.
Hannah inspira profondément avant de répondre sans le regarder :
- Pitié, ne me dîtes pas que toutes vos maîtresses sont ici ?
- Aussi surprenant que cela puisse paraître, Angie est la seule maîtresse que j'ai eu, répondit-il d'une voix altérée par la contrariété.
Il lui libéra sa main. Hannah se risqua un coup d'œil dans sa direction et comprit qu'elle venait de le vexer. Ses mâchoires étaient serrées comme étau tranchant. Un sentiment de culpabilité lui saisit la gorge au point de ne plus pouvoir parler.
- Ce n'est pas exactement comme ça que je voulais le formuler, murmura-t-elle en espérant rattraper son manque de discernement.
Lorsque le murmure de la jeune femme lui parvint comme ruissellement de désespoir, Silas ravala son orgueil mal placé. Quand sa question avait franchie ses lèvres, Silas avait presque oublié qui était en train de la lui poser. Ce n'était pas de la jalousie qu'il percevait dans ses yeux, mais la peur flagrante d'être humiliée.
- Je sais, murmura-t-il d'une voix douce, vous avez totalement raison de vous informer sur la question.
Il marqua une pause avant de reprendre :
- À l'époque j'étais impétueux, j'essayais à tout prix de m'associer au monde dans lequel j'étais plongé. Angie s'est présenté à moi comme une tentatrice prête à tout pour obtenir une nuit avec moi. Puis j'ai tenté de chercher quelque chose en elle qui puisse me prouver qu'une femme comme elle aspirait à autre chose qu'une rivière de diamants, hélas, j'ai vite compris que ce n'était pas le cas.
Attentive, Hannah se détendit peu à peu. Ses yeux noirs se perdirent un instant sur la table.
- Mais j'ai mûri maintenant, l'âge, la détention, la solitude m'ont appris beaucoup sur moi-même et sur le monde qui m'entourait et j'en suis arrivé à plusieurs conclusions dont une que j'aimerais vous faire partager.
- Laquelle ? Demanda-t-elle en fronçant des sourcils.
- Tenter d'aimer Angie Freeman s'est avéré la pire expérience de ma vie.
Hannah rit doucement sous l'éclat d'amusement qu'elle lut dans ses yeux. Il rit à son tour d'une voix gutturale.
Une armada de serveurs entra dans la salle. Devant l'assiette qui lui fut présenté, un trio de foie gras, Hannah se passa la langue sur ses lèvres.
Seulement, après les émotions qui s'étaient succédés les une après les autres, Hannah ne se souvenait plus quel couteau utiliser. Dans l'embarras le plus total, elle chercha le regard de Silas. Hélas, ce dernier discutait avec le sénateur.
Alors au pif, elle posa avec hésitation sa main sur le dernier couteau sur sa droite. Une main solide et carré emprisonna la sienne ce qui ne manqua pas de la faire frissonner. Lentement, il dirigea sa main vers le couteau du milieu. Il ne la regardait même pas, toujours concentré sur sa conversation avec le sénateur. Il retira sa main. Elle prit le couteau et s'appliqua à imiter la femme du sénateur. Le repas prit des allures chaleureuses, conviviale.
- Et vous Hannah ? Que faites-vous dans la vie ? Demanda l'homme d'affaire et ami du sénateur.
Hannah déglutit péniblement. Que répondre à ça ? Entre un sénateur, des hommes d'affaires internationaux et elle qui enchaînait des petits boulots...
- Elle a été la secrétaire de Slander et maintenant elle travaille dans l'élégante parfumerie juste en face de l'hôtel.
L'intervention de Silas lui insuffla un regain d'énergie.
- Slander ? N'est-ce pas l'homme qui a abusé de ta bonne foi ? Questionna l'épouse de l'un d'entre eux à l'adresse de Silas.
- Effectivement, acquiesça-t-il en inclinant faiblement de la tête.
Embarrassée quand les regards se tournèrent vers elle, Hannah priait silencieusement qu'il la dépossède des soupçons évidents qui pesaient sur elle.
- Il a tenté de ce servir d'Hannah pour falsifier un contrat en utilisant sa signature, grâce au ciel j'ai pu intervenir attend.
Les soupçons se transformèrent en de la compassion.
- Ma pauvre enfant ! S'exclama l'épouse du sénateur en posant une main sur sa poitrine.
Silas s'empressa de prendre sa main et lui offrit un sourire affectueux.
- Hannah est tellement généreuse, et d'une gentillesse incomparable qu'elle n'a pas comprit ce qui se joué derrière son dos.
- Mais alors cela signifie que vous avez perdu votre seule chance de le coincer pour elle ? Conclu le sénateur avec incrédulité et admiration.
- En effet...
Tous restèrent muet avant que Silas ne lève son verre pour porter un toast. Ce petit tour de passe-passe suffit à détourner très vite l'attention.
- Je dois aller aux toilettes, annonça-t-elle discrètement.
- Je vais vous accompagner, dit-il aussitôt en posant son verre.
- Oh non, ne vous dérangez pas pour moi je vais trouver le chemin toute seule.
Il repoussa son refus et se leva en s'excusant auprès des autres convives. Pendue à son bras, Hannah traversa la salle non sans sentir une décharge électrique courir le long de sa colonne vertébrale.
- Je ne veux pas prendre le risque que Slander ou n'importe qui d'autre trouve un moyen de vous coincer seule.
Hannah n'avait pas vu la situation sous cette angle. Mais tout bien réfléchi, il n'avait peut-être pas tord.
Il resta posté devant l'entrée comme un garde du corps. Hannah mit un temps infini à remonter la robe sans la froisser. Après s'être lavé les mains elle quitta les majestueuses toilettes et le retrouva toujours au même endroit, scrutant les alentours tel un chasseur à l'affût de la moindre menace.
- Ça y est monsieur Poloskhïa.
Il se tourna vers elle avec un sourire en coin.
- Il est peut-être temps de m'appeler Silas vous ne pensez pas ? Proposa-t-il en arquant un sourcil.
Une mélodie inspirant le temps d'une valse les interrompit. Farouchement, elle s'écarta de lui en décelant une demande imminente.
- Une petite valse Hannah ? S'enquit-il moqueur.
- Je ne sais pas danser la valse, je m'y refuse catégoriquement.
Ignorant délibérément son refus, il lui prit la main et sur un ton débonnaire lui expliqua ce que signifiait la valse jusqu'à la rendre folle et incapable d'en placer une. Sa tactique marcha à merveille. Hannah se retrouva au milieu de la piste seule vêtue d'une robe hivernale.
- Je vous guide, laissez-moi mener et suivez mes pas.
Hannah n'eut d'autre choix que de s'exécuter en plaçant sa main sur son épaule.
- Vous êtes trop grand, objecta-t-elle en espérant qu'il abdique.
- Que de compliments....merci mademoiselle Stewart.
Son souffle se coupa lorsqu'il se mêla aux danseurs, l'emportant avec lui. Crispée comme un bâton, Hannah le suivit dans cette danse à trois temps et peu à peu comprit où devait se placer ses jambes.
- Vous êtes doué, commenta-t-il de sa voix sombre.
Hannah n'osait relever les yeux, par peur de perdre le fil du tempo si jamais elle croisait ses yeux. Silas resserra son emprise sur ses reins et la rapprocha de lui sans jamais cesser de la faire tourner. Son sourire éclatant était pour lui un victoire. Son corps se tendit de fureur lorsqu'il croisa le regard de Slander. Silas pouvait sourire intérieurement car seul lui savait comment le faire tomber. Seulement, maintenant que la belle Hannah avait fait tomber son masque de transparence, Gabe glissait sans vergogne ses yeux sur les voiles transparents de sa robe, laissant entrevoir ses belles hanches. Silas interrompit la danse en lançant un éclair menaçant à son jeune rival assoiffé par ce monde qu'il ne maîtrisait pas encore. Lorsqu'il partit l'air de rien. Silas ne put laisser passer ça.
- Hannah, allez vous installer pour le dessert j'en ai pour une minute, annonça-t-il sans quitter Slander des yeux.
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