Bonsoir, 

J'espère que vous allez bien ? 

Voici la robe que porte Hannah pour le bal, je voulais que vous ayez une idée.

Gros bisous !

Au bout du troisième essai, Silas réussit enfin à rectifier son nœud papillon. Voilà trois heures qu'elles étaient enfermés dans la salle de bains du bas. Silas se sentit devenir légèrement nerveux. Près du piano, il fit passer le temps en observant la ville s'éteindre peu à peu sous un coucher de soleil rougeoyant. Il consulta sa montre une bonne dizaine de fois. Enfonça ses mains dans ses poches plus de quatre fois. Enfin, il déboucha une bouteille de champagne millésimé en espérant qu'elle sorte de là avant qu'il perde ses bulles.

Enfin, alors qu'il ne s'y attendait plus, Louane sortit du couloir avec son sac noir.

Silas posa sa flûte, traversa les cinq bon mètres qui les séparés et accueillit le sourire de la jeune femme comme un début de victoire.

- Elle est absolument magnifique !

Silas sentit son sang fuser dans son corps comme une comète dévastant le ciel.

- Vraiment ? Où est-elle ? S'enquit-il vivement.

Elle grimaça.

- Elle a juste besoin de quelques minutes.

Il refoula son impatience et hocha de la tête.

- Je comprends.

- Bon ! J'y vais maintenant parce que c'est moi qui vais finir par rater ma soirée.

Silas se dirigea vers la table basse et revint avec un paquet qu'il lui tendit.

- C'est pour vous miss Jemena.

- Oh mais...qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-elle d'un souffle.

- Un robe de soirée pour vous remercier, dit-il en esquissant un mince sourire. Elle faisait partie de celles que j'ai acheté pour Hannah mais la couleur ne l'aurait pas sied.

Louane lui lança une petite moue vexée. Alors il fit mine de reprendre la boite tout en ajoutant :

- C'est une Chanel mais si vous n'en voulez pas alors....

- Hé ! Non ! Je la veux ! S'écria-t-elle les yeux pétillants.

Silas leva un sourcil qui en disait long sur l'amusement qui pouvait se lire dans ses yeux. Le jeune femme prit le précieux paquet avec un sourire large de bonheur puis rougit en s'effaçant jusqu'à l'ascenseur comme si elle avait peur qui la lui reprenne.

- Bonne soirée Louane.

- Prenez soin d'elle ! Dit-elle avant que les portes ne se referment sur elle.

Silas perdit sa bonne humeur aussitôt seul. Elle avait besoin de quelques minutes et lui avait besoin de la voir sur-le-champ.

Il se renfonça dans le salon et se posta devant les baies vitrées en prenant son mal en patience. Il avait passé six ans à attendre sa liberté, ce n'est certainement pas cinq minutes qui allait le tuer.

Soudain, alors qu'il avait fermé les yeux, il entendit le bruissement d'étoffe de sa traine.

Lentement, il se retourna.

De loin, aussi loin qu'elle pouvait être de lui, sur une distance qui lui parut infinie, Silas en eut le souffle coupé. Ce n'était plus la Hannah qu'il connaissait. Non. La jeune femme timidement plantée devant les marches ressemblait à un ange. Ses cheveux tombaient en cascade le long de ses épaules, ils encadraient son visage de magnifique boucles virevoltant comme si une brise d'air s'était volontairement mise à souffler à l'endroit où elle se tenait.

Silas reprit une infime partie de ses esprits pour trouver la force d'avancer. Mais il s'arrêta à mi-chemin. Il voulait la voir avancer jusqu'à lui.

- Approchez Hannah.

Son regard erra partout sauf sur lui.

Mais elle avança, levant la traîne en dentelles brodée de magnifiques dessins.

- Je crois que l'on a un problème monsieur Poloskhïa, annonça-t-elle d'une voix voilée.

Silas était trop occupé à l'admirer pour répondre. Ses yeux ambrés lui apparurent enfin, embelli d'un fard clair. Ses cils étaient déployés comme les ailes d'un aigle. Quant à sa bouche....Il s'imprégna de la splendeur de ses lèvres rehaussées d'une couleur rouge vif.

La fièvre au corps, Silas déglutit pour retrouver l'usage de la parole.

- Qu'avez-vous dit ? Demanda-t-il d'une voix puissamment rauque.

- Je n'ai pas de chaussures, dit-elle en daignant enfin le regarder, laissant des boucles brillantes venir caresser ses joues.

Silas inspira si bruyamment qu'elle tressauta légèrement.

La table en verre s'était transformée en un véritable champ de bataille. Après avoir ouvert quelques boîtes restées encore fermé jusqu'ici et les trouva enfin. Elles étaient parfaites, légèrement rehaussées de quelques centimètres, tissées avec de la dentelles.

Silas revint vers elle, les sens littéralement enflammés et lui mit en soulevant le tissu de la robe.

Hannah crut s'évanouir lorsqu'il s'agenouilla tel un prince pour lui mettre les chaussures.

Son cœur palpitait si vite qu'elle s'efforçait en vain de trouver la force de respirer.

Il se releva, si proche d'elle qu'elle sentit les fragrances de son parfum aussi sauvage que l'était ses yeux.

- Vous êtes absolument magnifique Hannah.

- Merci, tout le mérite revient à Louane.

- Vous êtes trop modeste...je suis ravie de faire enfin votre connaissance mademoiselle Stewart.

Les yeux riant, elle baissa la tête.

- Enfin je peux vous voir dans toute votre splendeur...

Elle suffoqua sous cette pluie de compliments.

- Une coupe de champagne avant de partir ? Proposa-t-il en lui prenant la main pour l'emmener avec lui vers le piano.

- Même deux ! Ou trois !

Il lui tendit une coupe puis se dirigea vers un meuble pour prendre un écrin en velours large.

Non ! Pas ça !

Hannah se mit à prier dans sa tête. Si jamais il l'ornait d'un bijou inestimable elle....

- J'ai failli oublier de vous donner ceci.

Lorsqu'il ouvrit l'écrin, Hannah retint son souffle.

- J'ai pensé qu'elle serait parfaite pour vos cheveux.

Il lui présenta une demie couronne fine et poétique composé d'un fins feuillages en argents incrustés perles blanches.

Il la sortit en la glissa grâce aux peignes qu'il y avait à chaque extrémité.

- Elle est magnifique.

- C'est vous qui êtes magnifique.

Hannah releva la tête pour arrimer son regard au sien. Son souffle effleura son visage.

- Il est tempe de partir, annonça-t-il en lui prenant sa coupe de champagne pour la reposer sur le piano.

Elle n'avait plus le choix. Hannah ne pouvait plus reculer. Alors elle le suivit jusqu'à l'ascenseur. Les lumières de l'appartement s'éteignirent. Dans sa main, il lui tendit étole pour qu'elle se couvre les épaules.

Dehors, le froid lui parut peu glacial. Pour cause, Hannah avait les joues en feu.

Il l'aida à grimper dans la voiture noire et le chauffeur se mit en route seulement quand il lui donna le feu vert.

- Tout va bien se passer Hannah.

Sa voix rassurante eut bon de lui donner la force de sourire. Mais au cours du trajet, elle se rendit compte qu'elle n'avait ni son sac à main ni ses affaires.

Lui qui n'oubliait rien, qui ne laissait aucun détail lui échapper...avait-il délibérément oublié de lui rappeler ?

Se pouvait-il qu'il veuille qu'elle reste pour la nuit ?

Son cœur rata un battement lorsqu'il tourna son visage vers elle, un sourire attentif aux lèvres...l'enveloppant d'un regard que seul lui en connaissait tous les secrets.