Chapitre 20
Hannah sursauta violemment.
Son souffle se coupa lorsqu'elle le vit, là, à plusieurs mètres d'elle, mains dans les poches d'un élégant pantalon noir, vêtu d'une chemise immaculée de blanc ouverte de quelques boutons, laissant entrevoir une peau brune légèrement toisonnée.
- Je suis désolé, je voulais simplement...
- Allons, coupa-t-il en s'approchant d'une démarche lente : Ne vous excusez pas Hannah, au contraire.
Elle s'empourpra.
- Vous jouez ? Questionna-t-elle, alors qu'il avait son regard planté dans le sien, sourcils légèrement plissés, l'air songeur.
- Non, je ne sais pas jouer...dit-il simplement en posant un regard furtif au piano : Je l'ai acheté seulement pour mettre un peu de classe dans la pièce.
Hannah ramena ses mains contre son ventre et inspira imperceptiblement. Maintenant qu'ils s'étaient embrassé comme deux amants passionnés, elle ne parvenait plus à le voir comme avant.
- Mais vous par contre...où avez-vous appris à jouer ? Demanda-t-il en posant le plat de sa main sur le piano.
- Oh...j'ai pris des cours quand j'étais plus jeune, je voulais seulement savoir si je savais toujours jouer.
Il la considéra avec une lueur indéchiffrable puis se redressa en la contournant pour se mettre derrière elle.
- Ce piano a passé neuf ans ici sans prendre une seule fois vie, ne vous excuser pas. Donnez-moi plutôt votre manteau.
Hannah dénoua la ceinture de son manteau et le laissa le lui retirer avec galanterie.
Son parfum musqué flottait dans les airs, elle pouvait entendre sa respiration, son souffle.
Elle ferma les yeux pour se reprendre et le suivit du regard alors qu'il s'éloignait dans l'immense pièce à vivre.
- Votre appartement est magnifique. Commenta-t-elle d'une voix qu'elle voulait détendue.
Il revint tel un prédateur, arborant un sourire neutre.
- Merci.
- J'ai une question à vous poser monsieur Poloskhïa.
- Je l'a connais déjà. Dit-il en inclinant sa tête, amusé de la voir étonnée.
Il disparut derrière un mur de pierre.
- Vraiment ?
Elle suivit le chemin qu'il venait d'emprunter. Là, elle se retrouva dans une belle cuisine moderne de la même couleur massif que le reste du salon.
- Vous vous demandez où j'ai bien pu vous emmener le jour où je vous ai enlevé c'est ça ?
- C'est exactement ça, dit-elle aucunement surprise qu'il lise aussi facilement en elle.
- J'avais loué un maison en dehors de la ville, je ne voulais pas prendre de risque.
Que voulait-il dire par " risque " ? Avait-il eu des doutes sur sa promesse ?
Hannah se racla la gorge.
- Vous pensiez que j'allais vous dénoncer ?
Il suspendit son geste et releva un regard sur elle qui trahissait la colère qu'elle lut dans ses yeux.
- Non, à aucun moment j'ai douté de votre parole Hannah, déclara-t-il enfin, seulement de la mienne...
Interloquée par la fin de sa phrase, elle fronça légèrement les sourcils alors qu'il avait reprit sa tâche en détournant le regard.
Résolue à ne pas connaître la suite de cette phrase qu'il avait coupé volontairement, Hannah se dispensa de tout commentaire et monta sur le tabouret.
De délicieuses odeurs lui indiquèrent que le repas était prêt. Et le plus surprenant, c'est que c'était lui qui semblait l'avoir préparé. Un souvenir très évasif mais bien ancré en elle lui remonta en mémoire.
Ce n'est pas la première fois qu'elle se retrouvait devant un délicieux repas préparé de ses mains. Sauf que la dernière fois, il l'avait drogué pour l'endormir.
- C'est vous qui avez cuisiné ?
- Pourquoi je sens de l'étonnement dans votre voix mademoiselle Stewart ?
- Ça me surprend, je pensais que les hommes riches se dispensaient de toutes ces tâches avec un personnel privé.
Il lent sourire se dessina sur sa bouche qu'elle avait eu le bonheur de sentir sur la sienne.
- Je n'aime pas que l'on se mêle de ma vie quotidienne, j'aime faire tout de moi-même, je déteste avoir quelqu'un dans mes pattes.
Hannah ravala la déception qui était sur le point de la trahir et s'efforça de contrôler l'immensité des émotions contradictoires qui se bousculaient en elle.
Il n'aimait pas avoir une femme dans les pattes, ce qui avait le mérite d'être clair.
Idiote ! S'admonesta Hannah profitant qu'il ait le dos tourné pour secouer la tête afin de remette de l'ordre dans ses pensées.
Que s'imaginait-elle ?
C'était un homme riche qui pouvait aller de pays en pays, voyager à sa guise, obtenir toutes les femmes qu'il voulait. C'était un russe puissant, de plus récemment sortit de prison.
Il n'était le genre d'homme à s'enticher d'une pauvre fille comme elle et encore moins vivre au milieu de nulle part entouré d'enfants et d'un chien.
- Hannah ?
Armé d'un couteau qu'il tenait dans sa paume il courba son index, le posa sur son menton pour lui faire relever la tête.
- Vous êtes pâle, tout va bien ?
- Oui ! S'écria Hannah en riant avec fausseté.
Peu convaincu, Silas lâcha son menton et s'ordonna de réfléchir. Comment pouvait-il s'approcher d'elle sans vouloir capturer ses lèvres ?
Il darda son regard sur elle avec une telle intensité qu'elle baissa instantanément les yeux.
Silas lâcha une imprécation en russe et lui servit une assiette de pâtes fraîches.
Au bout de ses lèvres un ordre cinglant manqua de les franchir. Il se ravisa lorsqu'elle prit la fourchette en murmurant un merci aussi doux que l'était son teint diaphane.
Malgré le flot d'émotions qui lui donnait le vertige Hannah dégusta l'assiette de pâtes avec entrain. C'était délicieux. Exquis.
Il monta sur le deuxième tabouret, ne perdant pas de sa hauteur vertigineuse et commença à manger.
Hannah sentit son cœur se serrer. Il mangeait vite, presque comme un automatisme.
- Je peux vous poser une question ? Demanda-t-elle prudemment.
- Allez-y, l'encouragea ce dernier après avoir avaler sa bouchée.
- Pourquoi vous mangez si vite ?
Sa question était pourtant simple, mais pourtant, elle éveilla en lui un accès de tristesses qui se peignit sur ses traits.
- En prison nous n'avons pas le temps de s'attarder, j'ai pris l'habitude de manger en cinq minutes, expliqua l'homme d'une voix désincarnée : J'ai beaucoup de mal à me détacher de cette habitude, je...
Il s'interrompit en errant son regard un peu partout devant lui comme si des flashs lui brouillaient la vision.
Hannah se sentit coupable et tenta de poser sa main sur son avant-bras pour le ramener.
Presque aussitôt il tourna sa tête vers elle et plongea son regard dans le sien, comme si rien ne c'était passé.
- Je compte sur vous ce soir pour me rappeler à l'ordre si jamais j'ai l'air d'un homme des cavernes. Plaisanta-t-il d'une voix plus amène.
- Comptez sur moi, je vous le promet.
Leurs yeux ne se quittèrent pas, elle vit ses mâchoires se contracter faisant tressauter ses muscles. Sa main de fer se posa d'une lenteur délibérée sur sa joue. Hannah frémit sous le contact de ses doigts rêches.
- Hannah je...
L'ascenseur annonça l'arrivé imminente d'un visiteur. Silas crispa ses doigts involontairement sur sa joue et se leva brusquement.
- Je crois que c'est pour vous, dit-il en s'éloignant.
Hannah cligna des paupières, et sauta du tabouret.
- Comment ça pour moi ? Se mit-elle à paniquer en le suivant alors qu'il se pressait d'accueillir le visiteur.
Les portes s'ouvrirent sur une femme dont l'élégance était frappante au premier coup d'œil. Telle une féline prête à se fondre sur sa proie elle se dirigea vers eux. Une jalousie flagrante se peignit sur le visage d'Hannah.
- Hannah je vous présente Miranda Warren.
Elle n'avait pas la moindre envie de savoir comment s'appelait cette femme qui lançait des œillades des plus révélatrices sur ses attentions vers Silas.
- Je suis enchantée mademoiselle Stewart, dit-elle lui tendant sa main.
Hannah lui serra la main à contrecœur.
- Miranda est chargé de faire sortir la beauté qui se cache derrière...ceci.
Silas lui ôta ses lunettes et remarqua avec inquiétude qu'elle n'était pas très réceptive à l'idée que Miranda s'occupe d'elle.
En russe, Silas ordonna à la styliste de reculer. Elle le fit, non sans lui témoigner le désir impétueux qu'elle avait dans les yeux.
Il se retourna, prit la main de la jeune femme.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Je ne suis pas pour l'idée qu'elle s'occupe de moi, murmura-t-elle les yeux remplis d'angoisses.
- Je serais là, ne vous inquiétez pas.
Elle se renfrogna.
Silas comprit alors que ce n'était pas tant le fait de se faire relooké qui lui posait problème mais celle qui allait s'en occuper.
Alors il ramena sa main contre son torse et la sentit frémir.
- Hannah, murmura-t-il à voix basse, aussi bizarre que cela puisse paraître, Miranda est la meilleure styliste et coiffeuse des alentours. Mais il faut que vous sachiez quelque chose.
- Quoi donc ? Demanda-t-elle d'une voix voilée.
- Il n'y a qu'une seule femme dans cette pièce qui m'intéresse et c'est vous.
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