Chapitre 9
Après quelques heures de route en autobus, nous arrivons finalement au Miller zoo, un jardin zoologique qui est aussi un centre de réhabilitation de la faune. Je viens chaque année avec mes élèves et je suis toujours aussi séduite par ces visites. Chacune d'entre elles est différente et je sens que celle-ci sera particulièrement mémorable, pas à cause des nouvelles installations du site, mais en raison d'un accompagnateur en particulier. Celui-ci s'est assis au fond du bus tandis que j'occupais le siège avant, alors je l'ai à peine vu puisque j'étais occupée à compter le nombre d'élèves présents. Durant le trajet qui a duré une grosse heure, les enfants ont beuglé des chansons, m'empêchant de penser à quoi que ce soit.
Nous entrons enfin sur le site. Je crée rapidement des petits groupes de six élèves accompagnés d'un parent. J'ai établi des règles bien précises et je compte sur ceux-ci pour les appliquer. Mason se retrouve dans un groupe de garçons, tous des amis de Gabriel qui tenaient absolument à être avec lui. Je devine que l'exposé du policier a fait bonne impression. Les enfants le voient comme un héros.
Toutefois, les amis de Gabriel sont turbulents et excités. J'ose croire que Mason sait faire preuve d'autorité, mais je préfère les suivre de près si toutefois les petits monstres décidaient d'en faire à leur tête.
Nous nous arrêtons devant chaque enclos ; les cygnes, les lions, la cage des chimpanzés, les chèvres, etc. Il fait soleil et c'est vraiment une magnifique journée pour ce genre d'activité.
Nous restons un long moment devant l'immense enclos de l'ours noir pour essayer de le repérer.
— Là-bas ! s'écrie Megan en le localisant enfin entre deux arbres.
Les enfants sont super contents de voir ce gros mammifère impressionnant. Il marche comme un lourdaud en se dandinant le popotin, ce qui en fait rire plusieurs.
— Où est Félix ? demande soudainement Gabriel.
J'ai l'impression que mon cœur vient de plonger dans ma poitrine. Je regarde autour de nous, mais aucun signe du petit, qui était dans le groupe de Mason. Celui-ci s'est figé. Ses yeux balaient les environs tout en restant impassible. Comment peut-il garder son sang froid pendant un moment pareil ? Nous venons de perdre un enfant dans un zoo !
— Félix ! je hurle. Reviens ici, ce n'est pas drôle.
Aucun signe de lui.
Je panique. S'est-il fait kidnappé ? A-t-il grimpé par-dessus une clôture ? Mon imagination se met à créer plein de scénarios. Et s'il était entré dans l'enclos des lions ?
Je me tourne vers Mason, folle de rage.
— Il était sous votre responsabilité ! m'écrié-je. Vous deviez garder un œil sur les enfants de votre groupe.
Ses yeux me lancent des éclairs et je m'aperçois qu'il est furieux que je l'aie réprimandé devant les autres parents. J'avoue que ce n'est pas très professionnel de ma part, mais c'est le moindre de mes soucis pour l'instant.
Mason prend cet air autoritaire que je lui connais si bien et une posture intimidante.
— Avant d'alerter tout le zoo, cherchons-le, ordonne-t-il d'un ton sans réplique. Il a peut-être marché jusqu'à la cage des cacatoès pendant que nous regardions l'ours.
Je déglutis pendant qu'il me lance un regard glacial qui signifie que je vais y gouter plus tard. Je suppose que les hommes de son genre possèdent certaines limites et que se faire admonester en public en fait partie.
Le policier demande aux autres parents de s'occuper de Gabriel et de son groupe et me fait signe de le suivre. Je marche donc devant lui tout en essayant de repérer le garçon. Je me souviens qu'il portait une casquette rouge en arrivant, alors j'essaie de le repérer dans la foule.
Il ne se trouve pas devant la cage de perroquets, ni devant l'enclos des renards.
— J'espère qu'il ne lui est rien arrivé, dis-je d'une voix tremblante.
Nous nous promenons sur un petit sentier boisé qui mène à la dernière section du zoo. Si je n'étais pas aussi inquiète et affolée, j'aurais pu profiter de cette immersion en nature, des chants des oiseaux, de l'odeur des petits fruits qui me parvient au nez ainsi que de l'unique spectacle des rayons du soleil traversant les branchages et créant des halos de lumières.
Je suis le genre de personne qui aime s'arrêter et admirer ce genre de spectacle. Je suis aussi le genre à angoisser pour un rien. Alors, en ce moment, la nervosité prend le dessus et je ne pense qu'à retrouver cette petite peste de Félix avant qu'un lion ne le mange.
Tout à coup, Mason m'agrippe et me tire vers lui. Je me retrouve adossée à un arbre et, en un clignement d'yeux, il a emprisonné mes lèvres des siennes. Sa main me tient par la taille et l'autre s'est glissée sous ma nuque, m'empêchant de bouger.
Je suis si abasourdie que je ne réagis pas immédiatement. Les lèvres de l'homme sont douces, mais exigeantes. Elles appellent à une réponse immédiate, que je lui donne sans plus tarder. Si je n'avais pas été si déconcertée, j'aurais peut-être été en mesure de le repousser, mais j'ai besoin de soutien, de chaleur humaine, d'affection. J'ai besoin de lui.
Je ne me préoccupe pas des nœuds provenant du tronc de l'arbre dans mon dos, ni des branches qui égratignent mon épaules, uniquement de la chaleur des lippes de Mason. Elles bougent contre les miennes, mènent la danse, m'emmènent vers des lieux inconnus, vers des sensations disparues depuis trop longtemps. Mon visage s'échauffe, mes bras entourent le cou du policier. Je veux plus. Je le veux tout entier.
Sa langue rencontre la mienne, provoquant des milliers d'électrochocs qui longent mon corps. Je m'embrase, je fonds, je ne pense plus à....à quoi déjà ?
Je me concentre sur nos bouchent qui s'explorent, qui se découvrent. Jamais je n'aurais pensé qu'un baiser pouvait exprimer autant de non-dits. Du désir à l'état pur, de l'attirance et un soupçon de colère.
Mason mordille ma lèvre sans délicatesse. Je devine qu'elle sera rouge et gonflée. Je ne serais même pas surprise si elle saignait. Je réponds en aspirant sa lippe inférieure. J'empoigne sa chevelure courte et soyeuse et la tire légèrement vers moi en gémissant lorsque nos bouches se scellent une fois de plus.
J'ignore combien de temps s'écoulent pendant que nous nous embrassons passionnément. Une minute ? Une heure ? Je n'ai plus conscience de rien.
C'est finalement le policier qui met fin à notre baiser.
— J'espère que ça t'a calmée, me dit-il en reculant.
Ma bouche s'entrouvre de stupéfaction. Quoi ? Il m'a embrassée seulement pour me faire taire ? Je suis folle de rage ! Était-ce un jeu pour lui ? N'a-t-il pas ressenti cette symbiose commune ?
Son air posé ne laisse rien transparaître et je réalise que je me suis trop emballée. Comme toujours.
C'est un flic. Je déteste les flics. Je déteste qu'on joue avec moi, avec mes sentiments.
— Ne refaites plus jamais ça, craché-je en prenant un air dégoûté. C'était...
— Chérie, tu sais que tu peux me tutoyer, me répond-il d'un air insolent. Nous avons échangé bien plus que des paroles.
Mon bras part avant même que je ne puisse l'arrêter. Les réflexes du policier l'empêchent de recevoir un phénoménal coup de poing sur le nez.
— Gare à toi, me prévient-il, sérieux. Je ne travaille pas présentement, mais tu t'adresses tout de même à un agent.
— Comment l'oublier ? ironisé-je.
En réalité, vêtu de son jeans lui arrivant aux hanches et d'un sweater bleu marin, j'aurais pu le considérer comme un civil, mais il dégage toujours cette autorité propre à son job qui freine ma sympathie et qui me rappelle sans arrêt notre première rencontre...ainsi que notre deuxième.
J'entends tout d'un coup un cri qui me fait tressaillir. Merde ! J'avais oublié Félix. Je tourne la tête vers l'endroit d'où provient le cri et aperçoit quelque chose de rouge dans l'enclos des rennes. Je me mets à courir, Mason sur les talons, vers le petit garnement. Le flic ne tarde pas à me dépasser ; il est visiblement en meilleur forme que moi.
Félix nous aperçoit alors et je lui hurle de sortir de là.
— Mais ce sont les rennes du Père Noël, rétorque-t-il en essayant de s'approcher d'eux.
— Tu leur fais peur, lui dit Mason. Ils veulent manger tranquillement.
— Je veux les flatter, s'obstine-t-il.
Je pousse un long soupir. Il a grimpé par-dessus la clôture, qui est tout de même très haute. Il aurait pu se casser un bras ou une jambe, ou les deux.
— Félix, commencé-je prudemment. Il n'y a que le Père Noël qui est capable de les approcher.
— Pourquoi ?
— Parce qu'il connait la formule magique.
J'ai désormais l'attention de Félix.
— Je connais leurs noms, dit-il.
— Oui, tout le monde les connait (ce qui est faut puisque je connais seulement celui de Comète) mais il faut plus. Et si jamais le Père Noël apprend que tu leur as fait peur, il ne t'apportera pas de cadeaux l'an prochain.
C'est mal de se servir de ce prétexte, mais quand il le faut, il le faut.
Le gamin semble enfin comprendre. Mason est passé par-dessus le grillage et aide Félix à l'escalader. Ce qu'il est habile ! Un vrai chimpanzé. J'aurais peut-être dû le pousser dans leur cage...mais je n'aurais pas eu droit au baiser le plus extraordinaire de toute mon existence.
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