Chapitre 7

     Victoire est malade. Elle n'avait pas l'air dans son assiette lorsque je suis allée la récupérer à la garderie et faisait même un peu de fièvre. Je me doutais un peu que son rhume allait la rendre ainsi puisque ce n'est pas la première fois qu'elle l'attrape.

Du coup, le dîner et le bain se déroulent sous les pleurs de ma fille, qui est fatiguée et qui ne va pas bien. Elle me hurle dans mes oreilles avec sa petite voix aigue et je jure que je dois prendre sur moi pour garder le contrôle. J'ai envie de hurler à mon tour, mais ça ne servirait à rien. Puisqu'elle ne parle pas encore, je sais que c'est sa façon de communiquer, d'exprimer son inconfort. J'essaie de l'habiller, mais elle ne veut pas rester couchée, alors je peine à lui enfiler sa couche et son pyjama. Elle se tortille comme un vers de terre. J'ai beau chanter, lui mettre quelque chose entre les mains, ce soir, rien ne fonctionne.

Je lâche donc un long soupir ; j'ai l'impression de me battre avec un dragon.

Lorsque je termine enfin ce terrible périple ( je n'exagère même pas), elle continue de pleurer. Je vois bien qu'elle est épuisée de sa journée, tout comme moi, mais son rhume empire son état.

Au même moment, on sonne à la porte. J'ai envie de laisser le visiteur dehors, mais c'est peut-être important, alors je vais ouvrir, Victoire dans les bras qui hurle toujours.

Je suis à peine surprise de découvrir l'agent Mason devant moi, vêtu de son habituel uniforme. Dieu qu'il est beau ! Sa barbe a légèrement poussé, lui donnant un air encore plus viril, et ses yeux sont encore plus lumineux grâce à l'éclairage sous le porche de ma maison. Ils brillent comme les étoiles de la nuit.

Il semble légèrement déstabilisé par mon accueil, ou plutôt, par celui de ma fille.

— Bonsoir, me dit-il, qu'est-ce qu'elle a ?

— Elle est malade, lui réponds-je seulement.

— Je peux ? me demande-t-il en ouvrant ses bras.

S'il insiste. Il verra bien qu'un enfant n'arrête pas de pleurer à cause des beaux yeux d'un policier. Je tiens peut-être ma petite revanche. J'espère qu'elle lui vomira dessus. De cette façon, peut-être qu'il va y penser à deux fois avant de remettre les pieds ici.

Je place Victoire dans ces bras et elle cesse presqu'instantanément de pleurer. J'en reste stupéfiée.

— Que...qu'avez-vous fait ? balbutié-je.

— Les enfants ressentent l'épuisement et la nervosité de leurs parents, alors ça les rend encore plus agités. Juste le fait de changer de bras peut être apaisant pour eux.

Eh bien ! Pour un mec qui n'a pas d'enfant, il a l'air de s'y connaître tout de même un peu.

— J'ai parfois aidé ma sœur lorsque Gabriel était malade, m'explique le policier. Est-ce que je peux entrer ?

Il tient ma fille dans ses bras et celle-ci a posé la tête sur son épaule, apaisée. Je ne peux tout de même pas le laisser dehors. De plus, pendant ce temps-là, mes pauvres oreilles peuvent se reposer.

— Bien sûr, réponds-je avec politesse. Entrez.

Je l'invite au salon et il s'installe dans le fauteuil berçant, toujours avec Victoire.

— Elle semble vous apprécier, remarqué-je avec une pointe d'amertume.

Se pourrait-il qu'il ait tissé un lien avec elle lors de mon accouchement ? J'en doute, puisqu'il est parti aussitôt qu'elle est née. Toutefois, elle a peut-être entendu sa voix et le reconnaît. Ça m'étonnerait également. Ou alors, il est vraiment à l'aise avec les enfants. Je trouve que ça ne coïncide pas du tout avec son air autoritaire et antipathique de policier.

Ce dernier hausse les épaules comme s'il ignorait lui aussi la raison de ce lien inopiné entre eux.

— J'espère que vous n'avez pas peur des microbes, lui dis-je. Elle a attrapé le rhume à la garderie.

— J'ai un bon système immunitaire, me répond-il seulement.

Je passe ma main dans mes cheveux emmêlés et c'est là que je me rends compte à quel point je dois être dans un état épouvantable. J'écarquille les yeux d'horreur en remarquant que de la purée de carotte séché recouvre mon chandail et que j'ai du yaourt dans les cheveux.

Mason semble amusé par mon air catastrophé.

— La bataille a été rude, plaisante-t-il à moitié.

S'il savait...

— Je crois que je vais aller me débarbouiller, dis-je, embarrassée.

— Pas de problème. Prends ton temps.

Sûrement pas. S'il n'était pas un agent de police, je ne le laisserais certainement pas seul avec ma fille. Je suppose qu'il doit être quelqu'un de confiance. En fait, je suis pas mal certaine qu'il l'est. Sous son petit air supérieur et pas toujours aimable, il cache certainement un peu de gentillesse. Peut-être même un cœur, qui sait ?

Une fois dans la salle de bain, je pénètre dans la douche et, en trois minutes top chrono, je suis propre. Il ne me reste qu'à laver mes cheveux, qui sont mi-longs. Je les portais auparavant dans le bas de dos, mais j'ai dû les couper par faute de temps. Ils m'arrivent un peu en bas des épaules et bouclent naturellement, surtout lorsque je les laisse sécher à l'air libre. Ils sont de couleur caramel et, l'été, ils tirent vers le miel. Ils font ressortir mes yeux verts.

Je m'observe dans le miroir. J'ai encore un petit ventre dû à ma grossesse, que j'ai bien du mal à perdre. Depuis que j'ai arrêté l'activité physique par manque de temps, je suis incapable de perdre les derniers dix livres que j'ai amassés. Heureusement, j'étais assez mince avant de tomber enceinte, alors je suis la seule à le remarquer, probablement parce que personne ne me voit nue.

Je m'enveloppe dans un grand drap de bain pourpre, puis regagne ma chambre, là où j'ai laissé mes vêtements. J'hésite entre enfiler un jeans ou un jogging. Pourquoi faut-il toujours que ce type me voit toujours dans mes mauvais jours ? Soit en train d'accoucher, soit complètement dépassée par des événements ou soit sale et mal fagotée. Même Jimmy ne m'a jamais vue ainsi. Quoiqu'il n'était pas souvent là.

Je secoue la tête en le chassant de mes pensées.

— Je suis allée la coucher, m'informe la voix de Mason, ce qui me fait bondir de plusieurs centimètres.

J'ai laissé la porte de ma chambre entrouverte, probablement par habitude. Après tout, je vis seule.

Mason me fixe d'un air surpris. Il ne devait pas s'attendre à me trouver ainsi découverte. Nos regards se croisent et je m'empourpre automatiquement, créant un agencement parfait avec la serviette qui couvre à peine mon corps. Elle m'arrive en haut des cuisses et je l'ai nouée autour de mon buste. Par chance, ma poitrine bien galbée la retient afin qu'elle n'échoue pas malencontreusement par terre.

Je sens son regard parcourir mon corps, partant mes jambes, longeant mes cuisses, mon ventre, heureusement caché, en passant par le renflement de ma poitrine, que la serviette dénude partiellement et s'arrêtant sur mon visage effaré. J'aperçois une brève lueur de convoitise éclairer ses pupilles. Je serre les cuisses alors qu'une douce excitation envahit cette région. On ne m'avait jamais fixé ainsi auparavant ; comme si j'étais une femme séduisante.

Le policier se racle la gorge.

— Je vais t'attendre au salon, dit-il en tournant les talons.

Je préfèrerais qu'il parte. Je suis tellement distraite par ce moment inattendu que je remarque à peine le pyjama avec des nounours que j'enfile. J'oublie même de mettre un soutien-gorge sous le fin débardeur en polyester.

Je regagne le salon le visage en feu.

— Beau pyjama, me lance-t-il alors que je viens de me rendre compte de ma bourde.

Terminées les robes de nuit en dentelles et bonjour le confort ! Telle est ma devise.

— Vous n'aviez pas un constat pour moi ? lui demandé-je en changeant de sujet.

— Je l'ai oublié, me répond-il en se frottant le menton.

Quoi ? Comment a-t-il pu l'oublier ? Pourtant, c'était la raison principale de sa venue.

— Je repasserai une autre fois, me dit-il en haussant les épaules.

Je commence à croire qu'il le fait exprès uniquement pour m'embêter.

— Votre petite amie n'est pas offusquée que vous vous rendiez chez les jeunes femmes célibataires ? le questionné-je.

— Ma petite amie ? répète-t-il en fronçant ses sourcils.

— Oui, celle qui vous a téléphoné l'autre jour lorsque vous avez mangé chez moi.

Il éclate de rire, ce qui me laisse pantoise. Qu'y a-t-il de si drôle ?

— C'était ma sœur, précise-t-il en reprenant un air sérieux. Elle habite chez moi à court terme. Elle a perdu son emploi récemment et je lui ai proposé mon aide.

Oh ! La première chose à laquelle je songe c'est : oublions la journée des exposés sur le métier des mamans !

— Ah bon, réponds-je seulement tandis que je jubile intérieurement. J'aurais cru qu'un policier comme vous aurait été en couple.

— Comme moi ?

Ma réponse ne semble pas lui plaire.

— Euh...je...je veux dire que vous êtes plutôt beau gosse, musclé à souhait et sûr de lui. Il y a de nombreuses femmes qui recherchent ces traits chez les hommes.

— Bien sûr, celles qui sont superficielles, rétorque-t-il d'un ton qui s'est refroidi.

Qu'ai-je dis de mal ? C'est vrai qu'il est super sexy.

Il se lève et enfile remet ses chaussures.

— Au fait, merci d'avoir couché Victoire, lui dis-je alors.

Il me fait un signe de tête, puis sort dans la nuit fraîche.

— À ce vendredi, me répond-il. J'ai hâte d'y être.

Et moi, je suis plus fébrile à cette idée que je ne devrais l'être.

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