Chapitre 4
Le policier se retourne au même moment et me surprend en train de le reluquer. Je vois apparaître un rictus amusé sur ses lèvres et détourne les yeux, aussitôt, gênée.
- Tu devrais peut-être aller te changer, me suggère Mason en désignant ma blouse déchirée. La vue est plutôt sympa, mais c'est un peu déconcentrant et j'aimerais garder mon doigt intact.
Mince ! J'avais totalement oublié ce détail. On voit presqu'entièrement mon soutien-gorge pigeonnant en dentelle noir. Je fais demi-tour pendant que l'agent entreprend de hacher un avocat et me rends dans ma chambre afin d'enlever mon haut détruit. Il est bon pour la poubelle.
Mon regard s'attarde sur la petite robe noire que je devais porter ce soir pour mon rendez-vous. Je soupire en songeant que ma rendez-vous a dû songer que je lui avais fait une mauvaise farce. Je jette un coup d'œil à mes messages ; peut-être qu'en m'excusant, il va vouloir remettre notre rendez-vous. Hélas, il m'a envoyé un texto pas très gentil et semble m'avoir bloquée.
Je laisse ma robe où elle est et enfile un débardeur et des leggings. J'adore être à l'aise et ce n'est pas un policier sans gêne qui va me changer de mes habitudes.
Je prends soin de vérifier si ma fille dort, puis retourne dans la cuisine.
- C'est prêt, m'annonce Mason. Ça te dérange si je dîne avec toi ?
Et c'est maintenant qu'il me le demande ?
Oui, ça me dérange, mais puisqu'il a préparé l'intégralité du repas, je ne peux pas le jeter dehors. J'ai tout de même un peu de savoir-vivre.
Je secoue la tête de gauche à droite et m'assois à table. Le policier prend place devant moi et nous mangeons en silence. Je suis mal à l'aise et quelque peu intimidée par sa présence, alors je ne dis rien. Je dois avouer que sa concoction de fruits de mer est succulente.
- C'est très bon, le complimenté-je avec politesse.
- Merci, me répond-il. Je n'ai pas souvent le temps de cuisiner, mais j'aime bien préparer ce plat.
Je hoche la tête. Personnellement, je préfère les coquilles Saint-Jacques, mais c'est différent de ce que je mange habituellement et c'est un peu moins gras. Je ne cuisine pas de la haute gastronomie, mais je m'applique et varie les plats. Chaque jour de la semaine, je prépare quelque chose de différent, un gratin de légumes, une casserole de pâtes ou de la viande avec des patates pilées.
- Que mangez-vous lorsque vous êtes pressé ? lui demandé-je, curieuse.
- Je t'ai déjà dis d'arrêter de me tutoyer lorsque nous sommes seuls, me réprimande l'homme.
Croit-il que cela va arriver à nouveau ? Dès maintenant, je ne commettrai plus jamais aucune faute sur la route, alors il n'aura plus de raison de m'arrêter.
- Je fais affaire avec un traiteur, répond Mason. Ça me permet de manger autre chose que du surgelé et du fast-food.
- Et vous cuisinez uniquement lors de vos jours de congé ? questionné-je en ignorant sa requête de tutoiement.
Il me jette un regard désapprobateur que j'ignore ; hors de question qu'il y ait quelque rapprochements que ce soit, verbaux ou autres, entre nous.
Cette soirée confirme quelque chose : je déteste les policiers.
Surtout ceux dans son genre qui abusent de leur pouvoir.
- J'ai vingt-huit ans, me dit-il tout d'un coup, et toi ?
- Vingt-cinq.
- Alors, nous pouvons nous permettre un peu de familiarité entre personnes du presque même âge.
- On m'a appris à vouvoyer les plus vieux, rétorqué-je.
Il grimace, puis éclate de rire. C'est étrange de le voir rigoler, surtout parce que je me suis habituée à son allure stricte et autoritaire.
J'ai envie de tester son sens de l'humour.
- J'ignorais que les policiers savaient rire, dis-je pour le provoquer.
- Et j'ignorais que des leggings pouvaient être aussi sexy, réplique-t-il en esquissant un petit sourire moqueur.
Je pique un fard en réalisant qu'il parle de mon habillement. J'aurais peut-être dû mettre des jeans, mais j'ai plutôt opté pour le confort.
- Tu habites ici depuis longtemps ? me demande Mason.
- Quelques années.
- Ta maison est vraiment jolie. C'est chaleureux et l'agencement des couleurs est superbe.
- Merci. Habitez-vous dans le coin ?
- Non, je vis à l'autre bout de la ville, pour l'instant en colocation. J'aimerais bien m'acheter une maison de campagne un jour. J'aime bien les grands espaces et les sports de plein air.
- Comme quoi ?
- J'aime bien faire du kayak, de l'escalade et du vélo.
Lorsque j'étais plus jeune, j'aimais également faire du vélo, mais mes priorités ont changé. Je ne pratique plus aucun sport, à l'exception d'élever seule mon enfant. Je trouve que c'est déjà assez extrême comme cela.
- Et toi, que fais-tu de tes temps libres ? me demande-t-il.
- Quels temps libres ?
Il rit, puis dit :
- J'avoue qu'avoir un jeune enfant doit être assez prenant.
Je hoche la tête.
- Tu as très bien choisi le prénom de ta fille, me dit-il. Ça lui va comme un gant.
- Je sais. J'espère que ça lui portera chance.
Une sonnerie de téléphone interrompt notre discussion et Mason sort son portable de sa poche.
- Désolé, s'excuse-t-il. Je dois le prendre.
Il se lève et décroche en disant :
- Salut, beauté. Oui et toi ? Oh, pas grand-chose de spécial.
Mon cœur dégringole dans ma poitrine lorsque je comprends à qui il parle. Merde ! Il a une petite amie ! J'aurais dû m'y attendre. Après tout, il est flic, beau gosse et attirant. N'importe quelle fille se jetterait sur lui comme sur un cornet de crème glacée.
Pourtant, je sens une pointe de déception m'envahir. Je n'avais pas compris pourquoi il insistait pour me faire à dîner, mais je réalise que c'était parce qu'il se sentait mal après ce qui s'était passé dans la cellule avec le criminel. Il voulait seulement se montrer prévenant.
Je pousse un long soupir et me lève pour débarrasser la table.
- Excuse-moi, me dit-il en revenant.
- Pas de problème, m'empressé-je de répondre.
- Je vais t'aider à ranger.
- Non, merci.
Mon ton est un peu sec, mais je veux qu'il comprenne qu'il en a assez fait et que j'ai envie qu'il s'en aille.
- Ce n'est pas la peine, je rangerai demain matin, précisé-je. Je suis fatiguée de ma journée et j'aimerais bien aller me coucher.
Mason semble hésiter, puis finit par hoche la tête. Ses yeux me scrutent, encore une fois, comme s'ils voulaient me percer à jour. Il n'a pas l'air de me croire, mais il n'ose sans doute par s'interposer de peur que je pète les plombs. J'avoue que je n'en suis pas bien loin. J'espère qu'il n'est pas un détecteur de mensonge ambulant, car il se rendra compte que je veux seulement faire le point sur tout ça : mon arrestation, sa présence chez moi, son air condescendant suite à mon agression, si courte ait-elle été.
- Bien. Je te laisse te reposer, dans ce cas. Bonne nuit, Laurel.
Je le raccompagne jusqu'à la sortie.
- Bonne nuit. Tu n'auras qu'à m'envoyer mon constat d'effraction par la poste, lui dis-je en refermant la porte derrière lui.
Je me laisse choir au sol après avoir verrouillé la porte et éclate en sanglot. Cette journée a été chargée en émotions et j'espère fortement ne plus jamais en vivre une autre comme celle-ci.
Je vais prendre une douche chaude, puis me glisse dans mon grand lit froid.
Mon téléphone portable sonne au même instant, annonçant l'entrée d'un message. Je me hâte de vérifier si c'est mon rendez-vous manqué, mais c'est Kayra, mon amie d'enfance. Nous habitons loin l'une de l'autre, à environ trois heures de route, mais nous ne manquons pas une journée sans nous parler, soit par message texte, soit par téléphone. Elle est au courant de mes projets de rencontre, alors elle se hâte de me poser des questions.
Et puis, ce rendez-vous ? Avez-vous terminé au lit ? a-t-elle écrit.
Je lève les yeux au ciel, amusée.
Non, je n'ai pas pu m'y rendre.
Elle se met à me poser des tas de questions et je lui avoue mon petit tour au poste de police. Sa réaction me le fait regretter. Excitée comme une puce, elle se met à inventer une histoire sans queue ni tête entre Mason et moi. Toutefois, la seule histoire qu'il y ait entre l'agent et moi est loin de ressembler à de l'amour.
« Tu lis trop de romans à l'eau de rose », lui envoie-je.
« Non, c'est toi qui est frigide, ma chère, je suis sûre qu'il voulait coucher avec toi. »
« Tu divagues, il a une copine. »
« Il te l'a dit ? »
« Non, mais elle l'a appelé et c'est évident vu la façon dont il lui a répondu. Et il l'a appelé « beauté ». »
C'est peut-être une amie proche ?
Kayra a beau être une personne de nature optimiste, elle n'est toutefois pas réaliste.
« Une amie qu'il doit sauter », lui écris-je.
C'est vrai, ce mec est un fantasme ambulant. Et je ne parle pas de son uniforme de policier !
Elle m'envoie un émoticône qui lève les yeux au ciel, ce qui me fait rire. Par la suite, je suis de meilleure humeur. Que ferais-je sans elle ? Kayra est la seule et unique amie à qui je me confie et j'apprécie ses judicieux conseils, sauf sur les hommes. Elle est plus frivole que moi et moins terre-à-terre. Elle préfère les coups d'un soir et n'aime pas les liaisons sérieuses. Tout le contraire de moi.
Je réalise qu'elle et moi n'en sommes pas au même stade de notre vie. Parfois, je l'envie. Elle n'a pas les mêmes responsabilités que moi. Puis, je songe à ma fille et, finalement, je suis heureuse d'être là où je suis. Il faut seulement que je trouve un moyen de coordonner ma vie familiale, mon job et ma vie sentimentale....inexistante pour le moment.
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