Chapitre 2
Un an plus tard
Je n'ai jamais revu Mason et j'en suis soulagée, car j'en rougis encore d'embarras en songeant à cette mésaventure pour le moins inopinée. Le policer est disparu immédiatement après que soit venue au monde la plus magnifique des petites filles que j'ai appelée Victoire. Les premiers temps ont été difficiles, mais ma famille m'a beaucoup aidée et m'a apporté son soutien. Heureusement, Victoire est un bébé calme et ne pleure pas souvent. Toutefois, lorsqu'elle était un nourrisson, elle buvait très fréquemment et j'avais à peine le temps de manger. Ma mère est souvent venue m'aider à faire du ménage, du lavage et me cuisinait des plats. Mon frère et sa femme sont devenus le parrain et la marraine de ma fille et venaient temps à autre me donner un coup de main. Je suis somme toute bien entourée depuis sa naissance.
Quant à Jimmy, mon infidèle ex petit-ami, je ne l'ai jamais revu et c'est tant mieux. Il est sans doute reparti en mission dans un pays arabe et j'espère qu'il y restera.
Ma vie a complètement changé depuis que Victoire est née, mais j'en suis fort heureuse. Mon congé de maternité vient de se terminer et j'ai repris mon emploi d'enseignante à plein temps. Puisque je gagne bien ma vie, je peux me permettre d'élever seule mon enfant sans problème financier. Elle vient d'avoir un an et c'est la plus jolie des petites princesses avec sa chevelure rousse, ses petites taches de rousseurs au nez et ses yeux vert émeraude. Des inconnus m'arrêtent parfois dans la rue et s'extasient devant son petit air mignon. Depuis qu'elle marche, c'est encore plus trognon, mais également plus de surveillance. Ma maison ressemble à une forteresse puisque j'ai dû installer des barrières et des systèmes de sécurité sur les portes, tiroirs et tout ce qui est dangereux pour les enfants.
Mes journées ne sont pas de tout repos. J'enseigne et, le soir, je m'occupe de Victoire, qui est souvent fatiguée de sa journée à la garderie. Je le suis également, et je dois en plus, planifier mes cours pour le lendemain, laver ma fille, passer un peu de temps avec elle, la coucher, bref, je ne vois pas le temps filer.
Toutefois, après un an de célibat, je suis désormais prête à rencontrer quelqu'un. Malgré le fait que je sois une jeune mère monoparentale, j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose. Victoire remplit ma vie, mais j'aimerais échanger avec quelqu'un qui partage les mêmes valeurs que moi, qui saura m'aimer telle que je suis avec toutes mes qualités et mes défauts et qui acceptera ma fille. Je me suis donc inscrite sur Tinder*** et, ce soir, je rencontre pour la première fois un homme âgé dans le début trentaine, qui est entrepreneur en construction, qui aime les voyages, la pêche et qui est prêt à s'engager, du moins, à ce qu'il m'a dit. Il ne semble pas non plus embêté par ma vie familiale. Je lui ai parlé quelques fois au téléphone et il a l'air charmant et intéressé.
Je suis excitée à l'idée de le rencontrer et j'ai hâte à notre rendez-vous, qui doit se faire au restaurant japonais à trois rues de chez moi. Je me dépêche donc de partir de l'école après les cours et me rend à la crèche récupérer ma fille. Je vais la faire manger en attendant ma mère, qui doit s'en occuper jusqu'à mon retour.
Je suis en train de calculer mentalement tout de que je dois faire avant mon rendez-vous : le lavage, le repas, me doucher, enfiler ma nouvelle robe noire et...
Mince ! Je suis tellement distraite que je viens de rater l'arrêt. Tant pis ! De toute façon, il n'y avait personne. Je dois être plus concentrée, sinon je pourrais causer un accident.
Un son de sirène me fait sursauter et mon cœur fait un piqué lorsque je me rends compte, qu'en fait, il y avait bel et bien quelqu'un au coin de la rue et que c'était malheureusement une voiture de patrouille. Deux fois en moins d'un an ! C'est bien ma veine !
Cette fois-ci, je m'arrête immédiatement et sors mon permis de conduire. J'espère que ce ne sera pas trop long. Je m'attends à une belle petite contravention, surtout dans ce quartier résidentiel où il y a normalement des enfants.
J'attends quelques minutes, puis le policier sort de sa voiture et s'avance vers la mienne tandis que je baisse la fenêtre.
- Vos papiers, madame, me dit l'agent en se baissant vers moi.
J'écarquille les yeux de stupeur en reconnaissant l'homme. Lui ne semble guère étonné, probablement parce qu'il a reconnu ma plaque d'immatriculation. Il est toujours aussi séduisant avec ses grands yeux bleus saisissants et ses cils fournis qui lui concèdent un charme particulier. Ses sourcils sombres sont froncés et lui donne une allure strict ; probablement est-ce un rôle qu'il s'attribue pour se faire respecter par la population.
- C'est toujours mademoiselle, lui réponds-je avec un petit air impertinent.
C'est plus fort que moi. J'ai seulement envie de lui faire ravaler sa langue à cet officier implacable. Il pourrait au moins être poli et dire bonjour. S'il n'aime pas son travail, alors pourquoi continuer ?
- Êtes-vous encore en train d'accoucher ? me demande-t-il sèchement. Ou avez-vous pris l'habitude de rouler aussi mal ?
Je grince des dents et prends sur moi pour ne pas l'envoyer balader.
- J'étais distraite, lui avoué-je. Ça arrive à tout le monde.
- Ça aurait pu coûter la vie d'un enfant et vous conduire en prison.
Je lève les yeux au ciel ou, plutôt, au plafond de ma voiture, mais ça n'a pas l'air de lui plaire.
- J'ai été indulgent à votre égard la dernière fois à cause de votre état, mais je ne me laisserai pas insulter une fois de plus, s'insurge-t-il. Descendez de votre voiture. Je crois qu'un petit tour au poste de police va vous éclaircir l'esprit.
Euh...est-ce qu'il a le droit de faire ça ? Jamais je n'ai entendu quelqu'un raconter qu'il avait fait un tour au poste pour impolitesse envers un agent de police.
- Contentez-vous de me donner un Ticket, grogné-je. Je suis pressée et j'ai un dîner, ce soir.
- Sortez, répète-t-il, ou je vous passe les menottes.
Je ricane alors que des pensées loin d'être catholiques envahissent mon esprit. Après plus d'un an d'abstinence, je commence à avoir les hormones en ébullition.
Alors que je ne bronche pas, il passe sa tête et une partie de son bras par la vitre, saisit mes clés, déverrouille la portière, puis me tire sans ménagement hors de mon auto.
- Hey ! m'écrié-je, scandalisée. C'est de l'abus de pouvoir !
- C'était mon dernier avertissement. Je vous emmène au poste et vous devrez attendre dans une cellule pendant que je remplis votre constat d'infraction.
- Seulement parce que j'ai raté un stop ?
- Pour impolitesse envers un agent, refus de coopérer et vos feux arrière qui ne fonctionnent pas.
Mince ! Je suis vraiment dans le pétrin.
- Je dois aller chercher ma fille à la crèche, tenté-je une dernière fois. Elle n'a que moi...je ne peux pas la laisser seule là-bas.
Mon visage devient si mélancolique et ma lèvre se met à trembler. J'exagère peut-être puisque je pourrais facilement appeler ma mère pour qu'elle aille la récupérer, mais j'aimerais qu'il éprouve un tant soit peu d'indulgence.
Il me fixe de son regard pénétrant pendant quelques secondes comme s'il essayait de décrypter mes pensées, puis finit par dire :
- Nous passerons la chercher et l'emmènerons avec nous au poste.
- Pardon ?
- Il est trop tard pour vous excuser. Suivez-moi.
- Mais vous n'avez pas de siège pour bébé !
Il ouvre la portière arrière de ma voiture, détache le siège de Victoire et le sort.
- Voilà ! me dit-il. Suivez-moi.
- Et ma voiture ?
Il hausse les épaules comme s'il s'en balançait. La dernière fois, c'est-à-dire lors de mon accouchement, on a remorqué mon véhicule et j'ai dû aller le chercher à la fourrière. J'espère que, cette fois-ci, j'aurai plus de chance.
Il me fait monter à l'arrière de sa voiture et, comme dans les films, il appuie sur ma tête pour me forcer à me pencher. Au moins, je ne suis pas menottée.
L'agent installe correctement le siège de bébé à côté de moi et démarre la voiture. Je lui explique la route vers la crèche et il insiste pour m'accompagner jusqu'à l'entrée. L'éducatrice, Pascale, avec qui je discute comme avec une amie, nous fixe d'un air ébahi.
- Wow ! siffle-t-elle. Alors, c'est lui ton beau mec de Tinder ?
Je sens mes joues s'empourprer de gêne.
- Euh...balbutié-je
- Je suis Mason, se présente-t-il en lui serrant la main. Enchanté !
Pourquoi est-il aussi sympathique avec elle ? M'en veut-il encore pour l'épisode de l'accouchement ? Probablement. Sa fierté a dû en prendre un coup. Peut-être que ses collègues de travail se sont moqués de lui pendant des jours...Je le suspecte de faire tout cela pour se venger. M'a-t-il suivie afin d'attendre que je commette une infraction ? Qui sait ?
- Victoire est un ange, me répète Pascale pour la millionième fois. Ton bébé est la plus gentille de toutes.
Un sourire éclaire mon visage. Même cet abruti de Mason ne parviendra pas à assombrir ma journée. L'éducatrice s'éloigne pour aider un autre enfant à s'habiller et ma petite poupée arrive en trottinant. Je la prends dans mes bras en l'embrassant.
- Ce que tu m'as manqué ! m'exclamé-je à l'adresse de ma fille.
Elle me répond en gazouillant.
- Elle a grandi, remarque l'agent de police à mes côtés.
- Bien sûr, rétorqué-je en plissant le nez avec dédain. Elle a un an.
- Elle est mignonne, elle a vos yeux.
Vient-il de me faire un compliment ? Victoire a en effet hérité de mes yeux, mais des cheveux de Jimmy. Autant ça donnait un air minable à ce connard, autant ma fille les porte comme une parure cuivrée.
Avec du recul, j'ignore ce qui m'a vraiment attiré chez ce stupide soldat. J'ai pris de la maturité depuis que je suis devenue mère et je sais maintenant ce que je veux : de la stabilité. Cependant, ce flic vient de briser ma petite routine.
- À cause de vous, je vais manquer mon rendez-vous, grondé-je en habillant Victoire.
- C'est ce que j'ai cru comprendre, me répond-il d'un ail railleur.
Et ça l'amuse ?
Pascale revient pendant ce temps et fait un bisou à ma fille, puis nous saluent en nous souhaitant une bonne soirée d'un air taquin. Tu parles ? Je vais passer les prochaines heures enfermée dans un commissariat de police. Quel plaisir y a-t-il à cela ?
- Bonne soirée à vous également, lui répond avec amabilité Mason.
J'ai envie de lever les yeux au ciel, mais je m'abstiens et sourit faussement.
Une fois dans la voiture, l'agent attache ma fille dans son siège pendant que je le fixe, d'un air bougon, les bras croisés.
C'est ainsi que nous roulons vers le poste de police en silence et que je me demande ce que cet imbécile va encore me réserver.
**** Tinder est une application de réseautage social.
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