Chapitre 13

Le jeudi suivant, je n'ai pas complètement perdu espoir en la venue de Mason, alors que je prépare ma fille pour qu'elle aille au lit. Je la lave, l'habille avec son beau petit pyjama rose, puis la câline et la laisse jouer dans le salon tandis que je lui prépare un petit goûter, c'est-à-dire, des morceaux de raisin et de fromage.

     Il est environ dix-neuf heures lorsqu'on frappe à la porte et mon cœur bondit de joie à l'idée que Mason ait décidé de venir. J'espère que Victoire m'aidera à amadouer Mason, alors je la prends dans mes bras et me dépêche à aller ouvrir. Il ne pourra pas résister à sa petite frimousse.

     J'ai l'impression de recevoir un coup de poing en plein ventre lorsque la porte s'ouvre sur...Jimmy.

—    Bonsoir, Laurel, me dit-il en me souriant.

     Je suis incapable de répondre, consternée. Pendant ce temps, il fixe ma fille d'un regard interrogateur. Il détaille ses cheveux roux, son petit nez pointu, ses pommettes rosées et son charmant sourire. Elle n'est pas du tout timide, même lorsqu'il s'agit d'étranger. Au contraire, elle babille comme si elle voulait entreprendre une longue conversation avec l'interlocuteur. En ce moment, elle gazouille tandis qu'un silence de mort plane entre mon ex-copain et moi.

—    Qu'est-ce que tu veux ? lui demandé-je brusquement. Tu n'es pas le bienvenu.

—    Juste discuter. Je peux entrer ?

—    Non, vas-t-en.

—    Écoute, je suis venu m'excuser pour mon comportement. J'ai mal réagi lorsque tu m'as annoncé que tu étais enceinte. J'ai vraiment cru que tu me menais en bateau.

—    Mal réagi ? Tu m'as trompée, puis tu m'as chassée pour batifoler avec ton amant.

—    C'était une erreur. J'ai merdé et je suis venue m'excuser.

     Il fait cet air apitoyé que je lui connais si bien, mais mon cœur est aussi fermé qu'une huître. Il m'a tant blessée que j'ai juré ne plus jamais tomber dans ses filets.

—    D'accord, maintenant tu peux partir, dis-je en tentant de refermer la porte.

     Il m'en empêche en appuyant sa main sur le battant.

—    Nous devons discuter. C'est primordial pour l'avenir de notre fille.

—    Notre fille ? m'écrié-je, mon ton augmentant d'une octave. Tu l'as abandonné. Tu n'es pas son père.

—    Bien sûr que si, elle me ressemble. Elle a mes cheveux.

—    Ma grand-mère était rousse. Ça ne veut rien dire, rétorqué-je avec hargne.

—    Elle a la même fossette que moi sur le menton.

—    Comme bien des gens...

     Il lève les yeux au ciel, ce qui le fait paraître encore plus idiot qu'il ne l'est déjà.

—    Je suis revenu, car je veux que tu me donnes une seconde chance, m'assure Jimmy d'un air décidé. Je t'aime...

     J'éclate de rire. Ce connard ose me dire qu'il m'aime alors qu'il m'a rejetée sans aucun remord. Il m'a laissée accoucher seule, bien que Mason était présent, et m'a abandonnée pendant le moment le plus important de ma vie. Jamais je ne lui pardonnerai.

—    Ton nom n'est pas inscrit sur l'acte de naissance, affirmé-je, alors tu n'es pas reconnu comme le père. Sommes toutes, je te prierais de dégager avant que j'appelle la police.

—    Écoute-moi, Laurel...

—    Non, le coupé-je. Tu n'as pas voulu assumer ton rôle de père le moment venu, alors tant pis pour toi. J'ai refais ma vie sans toi et c'est la meilleure décision que j'aie prise.

     Il prend un air irrité et son visage de transforme, devenant menaçant.

—    Tu ne pourras pas m'empêcher de voir ma fille, compris ? éclate-t-il en faisant un pas vers moi.

     Je recule, apeurée. Victoire se rend compte qu'il y a une menace puisqu'elle arrête de sourire et se met à pleurnicher.

—    Il y a un problème ? s'enquiert une voix qui fait bondir mon cœur de soulagement.

     Mason se tient derrière l'abruti. Nous ne l'avons pas entendu arriver. Il nous fixe avec incompréhension.

—    Oui, réponds-je en essayant de prendre un air assuré. De toute façon, il s'en allait.

     Jimmy fixe le policier, qui a revêtu son uniforme, puis pose à nouveau ses yeux sur moi. Il doit se demander comment j'ai bien pu l'appeler puisque je n'ai pas sorti mon téléphone de ma poche. J'ai envie de rire devant son air ahuri. Il fait moins le fier, maintenant.

     Cependant, avant de partir, il m'assure :

—    Je reviendrai, Laurel, et nous discuterons de ce...sujet.

—    Repose les pieds ici et ce n'est pas un officier qui débarquera, mais tous le bataillon, le menacé-je.

—    C'est ce qu'on verra, ajoute-t-il pour avoir le dernier mot.

     Sur ce, il nous tourne le dos et repart.

     Je pousse une longue expiration, soulagée que ce sale con soit parti. Néanmoins, je sais qu'il ne me fichera pas la paix aussi facilement. Je le connais et je sais que, lorsqu'il a une idée en tête, il ira jusqu'au bout. Et son intention de s'impliquer dans la vie de ma fille me déplaît fortement.

—    Tout va bien ? me demande le policier. Il semblait un peu trop insistant.

—    Pourquoi es-tu venu ? lui demandé-je.

—    Je t'apporte ton constat d'infraction, me dit-il en me tendant le papier.

     Tiens ! Je l'avais presqu'oublié.

—    Je pensais que tu étais en congé, remarqué-je.

—    Je viens de terminer.

—    Ah, d'accord.

     Victoire commence à gigoter, alors je suis sur le point de lui dire au revoir, mais, comme à son habitude, l'homme entre dans la maison sans y être invité. Je laisse échapper un soupir, mais, cette fois-ci, je suis amusée ; il ne changera jamais sur ce point.

     Mason dépose le document sur ma table de cuisine et se tourne vers moi.

—    C'était...commence-t-il.

—    Le père de ma fille, oui, finis-je à sa place.

—    Pourquoi était-il là ?

—    Parce qu'il se retrouve à nouveau seul et qu'il a réalisé à quel point il a foiré. Seulement, je ne retournerai jamais avec cet abruti. Il a voulu me remplacer, alors tant pis pour lui.

     Mason hoche la tête.

—    Il a l'air déterminé à revenir, m'assure-t-il.

     En effet, et cette idée m'horripile.

—    Il n'est inscrit nulle part que c'est lui le père, l'informé-je. Crois-tu qu'il peut tout de même obtenir le droit de la voir ?

—    Avec un test, il pourra confirmer sa paternité, mais il devra entamer de longues procédures et c'est coûteux. Malgré cela, s'il veut vraiment obtenir son statut de père, il se pourrait qu'il y parvienne.

     Mon cœur s'accélère à cette pensée. Je ne veux pas qu'il me la vole. Cet idiot ne mérite pas de devenir père, pas après le sale tour qu'il m'a joué ni après nous avoir abandonnées pendant ce moment crucial de ma vie.

—    Je ne veux pas que cet enfoiré la voie, craché-je, mécontente.

—     Si Victoire se révèle vraiment sa fille, il en aura le droit.

—    Si ? éclaté-je. Pour qui me prends-tu ? Une salope ? Il EST le père.

     Mason garde son calme malgré le fait que je le houspille. Ce type a vraiment un étonnant contrôle de lui-même.

—    Je voulais seulement dire qu'il pourra s'en occuper, mais il n'en aura jamais la garde à temps plein. Probablement une fin de semaine sur deux. Tu pourras en profiter pour te reposer pendant ce temps-là.

—    Je ne veux pas me reposer, rétorqué-je. Je veux ma fille !

     Celle-ci commence justement à pleurnicher et je réalise que c'est l'heure de la coucher.

—    Je devrais y aller, annonce Mason en regardant sa montre.

—    Et si mon ex revient ?

     J'ai peur que Jimmy ne mette sa menace à exécution et qu'il me prenne Victoire. C'est probablement une crainte non fondée, mais je ne peux m'empêcher d'envisager cette possibilité.

—    En effet, cela risque d'arriver, répond le policier.

—    Pourrais-tu...euh...rester ? lui demandé-je, gênée d'avoir osé lui faire cette proposition.

     Il me fixe de ses yeux outremer que je ne peux m'empêcher de contempler, fascinée par les nuances marines que j'y décèle. J'ai l'impression de plonger dans un océan déchaîné et de m'y noyer. Les yeux de Mason sont les seuls à exprimer un tant soit peu d'expression. Le reste de son visage reste stoïque malgré, j'en suis certaine, une multitude d'émotions qui le traverse en cet instant.

—    Tu veux que je couche chez toi ? reformule-t-il.

     Mes joues s'empourprent. Je ne veux pas qu'il pense que je veux profiter de la situation pour obtenir ses faveurs, mais je suis quelque peu perturbée par cette rencontre importune avec Jimmy et je suis effrayée à l'idée qu'il puisse revenir.

—    Euh...oui, réponds-je en voulant disparaître dans le plancher.

     Pendant que les minutes les plus interminables de ma vie défilent, le policier reste silencieux. Probablement analyse-t-il les différentes façons de refuser.

—    Ce n'est pas grave, finis-je par dire. Je vais verrouiller et....

—    Je peux rester, me coupe-t-il. Mon chiffre est terminé. Je suppose que si ton ex revient et qu'il aperçoit ma voiture de police devant ta porte, il va décamper immédiatement.

—    Je ne veux pas te déranger si tu as autre chose à faire, m'empressé-je de lui dire.

—    Absolument pas. J'étais libre, affirme Mason en enlevant sa veste.

     Mes yeux manquent sortir de leurs orbites lorsque j'aperçois le fin polo gris que porte le policier. Ce type est un fantasme ambulant. J'ai l'impression qu'il est né pour porter ce type de costume. Il détache son ceinturon avec son arme et la range dans le haut de mon garde-robe où, même moi, je n'ai pas accès, du moins, pas sans une chaise. Je hausse un sourcil, perplexe.

—    Il n'est pas chargé, m'assure-t-il, mais je préfère que personne n'y ait accès.

     Je laisse tomber et hausse les épaules. Voilà Mason en uniforme devant moi et je me mords la lèvre inférieure en le détaillant. Son pantalon indigo lui va comme un gant. Je me demande s'il va dormir avec ou si...

—    Tu devrais aller coucher ta fille, me propose Mason, ce qui me fait revenir à la réalité.

     Un petit rictus étire sa bouche et je réalise qu'il m'a surprise en flagrant délit de matage.

—    Oui, je reviens.

—    Pas de problème. Je t'attends.

     J'ai envie de lui lancer un « Fais comme chez toi », mais puisque je sais qu'il n'a pas l'habitude de se gêner, ce serait inutile.

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