Chapitre 10
Heureusement, le reste de la journée se déroule sans anicroche. Les enfants finissent leur visite dans les jeux gonflables et, vers 14h, nous repartons. Les enfants sont enjoués et satisfaits de leur journée tandis que je suis épuisée. Devoir à tout bout de champ intervenir, ordonner à un élève de se calmer, à l'autre de ne pas s'éloigner ou même arrêter une dispute entre deux enfants, ça me puise mon énergie.
Mason ne m'a pas adressé la parole du reste de la journée. J'ignore si j'en suis heureuse ou déçue. Il ne m'a même pas jeté le moindre regard. Plus le temps avançait et plus j'en étais indignée. Ce rustre m'a embrassée et fait comme si de rien n'était. C'est fort impoli de sa part. Je suis donc rentrée dans son petit jeu et je l'ai également ignoré, me tenant le plus loin possible de lui. Je me suis même assise à son opposé dans l'autobus.
Quelques minutes avant d'arriver à l'école, je remercie tous les parents pour leur présence et nous arrivons alors même que les cours se terminent. Je vais récupérer mon sac dans ma classe, puis me mets en route vers la crèche, où je récupère Victoire.
Une fois à la maison, la routine commence et je ne peux souffler qu'une fois ma petite fille endormie, vers dix-neuf heures. J'aurais du lavage et du ménage à faire, mais je suis crevée, alors ça ira à demain.
Alors que je m'apprête à me coucher, je reçois un message-texte de Kayra
Je suis en ville jusqu'à dimanche, m'a-t-elle écrit.
Elle est originaire d'ici et passe de temps en temps visiter ses parents. Nous en profitons pour nous voir chaque fois.
Demain, on sort entre filles et ne songe même pas à te désister. Arrange-toi pour faire garder Victoire parce qu'on va s'éclater.
Ma copine adore faire la fête. J'avoue que j'ai déjà été comme elle, mais mes obligations ne me le permettent plus vraiment.
Je ne peux pas trouver de gardienne à la dernière minute, lui réponds-je.
Demande à ta mère.
Elle ne peut pas toujours.
Demande-lui quand même. Ça fait une éternité qu'on ne s'est pas vues.
Deux mois, exactement, mais c'est vrai que c'est long pour nous qui avions l'habitude de passer tout notre temps ensemble. Nous nous sommes connues aux études et nous avons vécu en colocation jusqu'au jour où nous avons pris des chemins différents. Kayra est partie vivre plus au Sud, où elle a facilement trouvé un job en marketing.
D'accord, réponds-je, mais c'est uniquement parce que je t'aime.
Elle m'envoie un smiley en guise de réponse.
Bien évidemment, lorsque je demande à ma mère de garder Victoire, elle est super contente. C'est une grand-mère qui s'investit beaucoup et je lui en suis fort reconnaissante.
Nous sommes donc vendredi soir et ma meilleure amie m'envoie un message m'indiquant qu'elle viendra me chercher vers dix-neuf heures tapantes afin de m'emmener dans un club branché. La dernière fois que j'y suis allée, je venais d'avoir vingt ans. C'était tellement différent, je n'avais pas autant de poids sur les épaules, j'étais jeune et insouciante et je m'enivrais jusqu'à en être malade. Heureusement que j'ai vieilli et que je suis plus responsable. Cependant, ce soir, j'ai envie d'en profiter comme dans le bon vieux temps et d'oublier mes tracas. Je connais néanmoins mes limites, contrairement à avant.
J'enfile un pantalon noir que je n'ai pas porté depuis des lustres. Il a rétréci...ou c'est moi qui ai grossi, car il moule mes fesses bombées comme une seconde peau. Je mets un haut crème vaporeux qui découvre mes épaules, puis je relève mes cheveux et les attache en un chignon lâche qui dégage ma nuque, révélant un petit tatouage avec le symbole de l'infini. J'applique un rouge à lèvre écarlate et un peu de crayon à yeux et le tour est joué ! Avec mes talons hauts, j'ai un look de femme fatale. Ça faisait une éternité que je ne m'étais pas sentie aussi sexy. Peut-être même que je pourrais repartir en charmante compagnie. Je ne suis pas le genre de femme frivole, mais j'ai besoin de décompresser et il n'y a rien de mieux qu'une nuit de folie pour y parvenir.
Kayra arrive enfin et se jette dans mes bras, heureuse de me revoir. La belle blonde est toujours aussi magnifique que dans mes souvenirs. Elle me dépasse de presqu'une tête et sa taille de guêpe lui confère une allure de mannequin tout droit sorti d'un magazine. Ajoutez à cela sa robe noire moulante et ses escarpins rose vertigineux et vous en oublierez votre propre nom.
Finalement, je me trouve bien ordinaire à côté d'elle. j'aurais dû me souvenir que c'est toujours elle qui attire l'attention et qui met le grappin sur les plus beaux mecs. Tandis que moi, je reste cette jeune femme effacée que personne ne voit.
— Tu es superbe, me complimente-t-elle en me détaillant de la tête aux pieds. Ma foi, ce pantalon te fait des fesses magnifiques. J'en suis jalouse.
Je lève les yeux au ciel.
— Tu n'as rien à m'envier, lui assuré-je. Tu es parfaite.
Au collège, nous passions notre temps à nous disputer à ce sujet. Autant je trouve que mon amie est d'une beauté éblouissante, autant elle se dévalorise et me complimente sur mes atouts. Au final, nous sommes deux éternelles défaitistes incapables d'être satisfaites de leur corps, comme bien des femmes.
— Où est ta fille ? interroge mon amie.
— Chez ma mère, puisque je ne sais pas comment la soirée va se terminer.
Elle m'adresse un sourire en coin.
— Aurais-tu une idée derrière la tête, espèce de petite dévergondée.
Je hausse les épaules : personne ne sait comment la soirée va se terminer, alors je ne me fais pas de faux espoirs.
Nous prenons le taxi jusqu'au « Upper Lounge », notre club préféré. La musique est bonne et l'endroit en souvent bondé, surtout les vendredis et samedis soir.
Heureusement, il est tôt, alors nous entrons presqu'immédiatement. J'aime beaucoup l'endroit ainsi que sa convivialité. On dirait un grand salon très chic séparé en plusieurs sections. Les banquettes en cuir noires donnent un ton mystérieux au club, dont le plafond est illuminé de plusieurs centaines de lumières en plus d'une grosse boule disco qui rend le décor encore plus festif. Une grande scène accueille souvent des groupes de musiques, mais, ce soir, c'est un DJ qui prend place. Les caisses de sons ne sont pas encore à leur maximum, nous permettant de discuté sans crier. La piste de danse est, quant à elle, vide à cette heure-ci. Elle se remplie bien souvent à partir de vingt-trois heure. Or, il reste encore une demi-heure avant que la musique n'emplisse les lieux et le transforme en une boîte
— En passant, j'ai demandé à Jenny et à Christina de nous rejoindre, me dit Kayra.
Ce sont ses deux cousines, des jumelles qui exercent la même profession : infirmières. J'ai un grand respect pour elles. Elles travaillent beaucoup et ont des horaires très variables, ce qui ne doit pas toujours être facile. Jenny a deux enfants de deux et quatre ans tandis que Christina est en couple depuis cinq ans. Malheureusement, son copain et elle essaient de concevoir depuis plusieurs années, sans succès. Le monde est vraiment injuste. Certains ne veulent pas être parents et le deviennent bien malgré eux tandis que d'autres n'y arrivent pas.
Nous nous installons sur une banquette et commandons nos cocktails préférés, des mojitos, que nous les sirotons en attendant nos amies. Celles-ci ne tardent pas à arriver. Elles sont également sur leur trente-et-un. Christina a vêtu un slim jeans moulant troué sur les genoux et un top découvrant son nombril et Jenny, une jupe en jean avec une blouse. Les deux semblent fatiguées, mais de bonne humeur. Elles nous font la bise, puis s'empressent de commander à boire.
Kayra me donne des nouvelles sur sa vie. Elle dit que son boss l'insupporte et que c'est un vrai connard, mais la façon dont des étoiles brillent dans ses yeux lorsqu'elle parle de lui me laisse penser qu'elle en pince pour ce type. Les jumelles, elles, ne parlent que de leur job et je me lasse rapidement de cette conversation.
Le bar se remplit graduellement et le son de la musique monte. Bientôt, la piste de danse est pleine à craquer et il nous faut nous faufiler pour l'atteindre. Je n'ai jamais été très douée pour la danse mais, avec deux-trois verres dans le nez, la gêne disparait et je me trémousse un peu n'importe comment sans me gêner.
Il est environ minuit lorsque je sens l'ambiance autour du bar se modifier. J'ignore pourquoi, mais les gens qui semblaient s'amuser quelques minutes auparavant ont désormais un visage à la fois grave et inquiet. Mon regard erre dans le bar, pour s'arrêter sur un groupe de policiers qui se tient à l'entrée. Plusieurs semblent les avoir remarqués et font des signes de tête vers eux. Les flics, eux, ignorent la majorité des gens et semblent là pour une raison en particulier, bien que j'ignore laquelle. Ils sont vêtus de leurs uniformes et j'aperçois leur flingue à leurs ceintures. Craignent-ils un attentat ou quelque chose de ce genre ?
Raides comme des piquets et le visage fermés, ils échangent entre eux.
C'est alors que je le vois.
Mason. C'est le plus jeune de groupe, bien que celui qui se tient à ses côtés semble âgé dans la trentaine. De là où je me trouve, le policier parait encore plus sévère et son front plissé démontre de la contrariété.
— Hum ! Quels beaux spécimens ! s'exclame Kayra en les apercevant à son tour. Penses-tu que ce sont de vrais flics ou qu'ils se sont déguisés ainsi pour un enterrement de vie de jeune fille ?
Ses cousines gloussent tandis que je reste sérieuse.
— C'est Mason, réponds-je en désignant celui qui occupe mes pensées depuis la sortie au zoo.
Elle sait qu'il a assisté à mon accouchement et qu'il à diné avec moi quelques jours plus tôt. Elle ignore toutefois ce qui s'est passé par la suite entre nous, dont notre baiser, dont le souvenir me turlupine depuis ce temps.
— Oh ! fait mon amie en le détaillant sans gêne. Je ne serais pas contre me faire passer les menottes par quelqu'un comme lui. Vous avez vu cet air autoritaire. C'est si excitant que...
Je lui jette un regard noir qui la fait pouffer.
— D'accord, j'ai compris. Je n'y toucherai pas.
Ai-je peur qu'elle le séduise comme elle le fait si bien avec la gente masculine ? Peut-être. Succombera-t-il à ses charmes ? Sans doute. Qui ne le ferait pas devant une femme aussi séduisante ?
J'essaie d'ignorer la présence de l'officier, mais mon regard est sans cesse attiré par lui, comme un aimant par le métal. Sa posture impose le respect et son allure de bloc de glace dissuade quiconque de l'approcher. S'il me voyait, comment réagirait-il ? Garderait-il cet air imperturbable ou briserais-je sa carapace impénétrable ? Cette carapace qu'il se forge dans son rôle de policier. J'ai l'impression qu'il existe deux façades en cette même personne. Je me demande laquelle domine l'autre. En cet instant, je ne doute pas une seconde.
Nous nous déhanchons au rythme de la musique, puis nous prenons une pause. Je suis complètement assoiffée. Je n'avais pas bougé ainsi depuis une éternité et je redoute les courbatures demain. Si j'avais le temps, je m'inscrirais à des cours de danse, ou de zumba. Je perdrais inévitablement mon petit ventre tenace. Hélas, il me faudra attendre encore quelques années, le temps que ma fille grandisse un peu.
Kayra, déjà bourrée, hurle à mon oreille :
— Est-ce que ton flic va rester campé devant la porte toute la soirée ?
— Ce n'est pas mon flic.
— Tu devrais l'inviter à danser, me suggère-t-elle.
— Il travaille, lui réponds-je.
— Et alors ?
— Alors, as-tu déjà vu un policier s'amuser sur son travail ?
— Pas encore, répond-elle avec un sourire en coin. Regarde bien.
Oh, oh ! Ne me dites pas qu'elle va oser faire ce que je pense !
Elle se dirige vers eux en se déhanchant et en affichant une détermination que je lui connais bien. Je jette un regard alarmé à ses cousines. Elles semblent elles aussi se demander si elles doivent l'arrêter ou pas. En tout cas, les flics le feront sans doute si je ne m'ên mêle pas et je n'ai aucunement le goût de retourner au poste de police.
Kayra s'arrête à quelque pas d'eux et leur adresse un sourire irrésistible. Ils restent impassibles, mais je vois tout de même une lueur d'intérêt dans leur regard. Mason, lui, ne semble pas du tout intéressé car il poursuit son examen du club. Cependant, il se fige tout d'un coup. Puis, je le vois se tourner lentement vers ma direction, en même temps que Kayra, qui me fait un signe de la main. Je-vais-la-tuer ! Mais je vais m'abstenir de le faire devant les flics. Au lieu de cela, je détourne les yeux et feint une grande conversation avec Jenny et Christina.
— On retourne danser ? leur proposé-je alors. Kayra s'en tire bien.
Elles hochent la tête, puis nous traversons la piste de danse afin de trouver un endroit où on ne se fera pas bousculer. Je sens le regard de Mason sur moi, comme s'il me brûlait le dos. Je suis absolument certaine qu'il ne me quitte pas des yeux et ça m'embarrasse. Pourquoi ma traîtresse d'amie est-elle allée lui dire que j'étais là ? Espérait-elle qu'il m'invite à danser ? Il travaille, bon sang ! Ce n'est pas le temps de l'énerver. J'en sais quelque chose.
Ma Margarita en main, je décide tout de même de le provoquer rien qu'un petit peu et bouge sensuellement les hanches entre deux gorgées. Je ferme les yeux et me laisse aller en essayant d'oublier où je suis. Mon cerveau commence quelque peu à s'embrumer. Était-ce le verre de trop ? Sans doute.
Je sens tout à coup qu'on me tire par le bas et je manque m'affaler au sol, mais un bras puissant me retient. J'ai juste le temps d'apercevoir un homme au regard vicieux me sourire effrontément.
— Tu es bonne, bébé, me dit-il à l'oreille. Je t'emmène faire un tour.
Normalement, je l'aurais envoyé balader, mais mon état m'en empêche. Sacré alcool ! Je tiens à peine sur mes jambes et je lance un regard paniqué à mes amies, mais je ne les trouve nulle part. Cet homme m'a éloignée expressément d'elles.
— Viens, me dit-il en me forçant à le suivre.
Je n'ai pas la force de résister. J'ai l'impression de flotter, comme si mon corps ne m'obéissait plus.
Soudain, il recule, l'air surpris. Je remarque au même moment deux policiers le tirer sans ménagement, dont Mason, qui le fixe, l'air écœuré. Je rencontre son regard furieux. Il semble prêt de l'étriper et je le vois se livrer une bataille intérieure afin de garder son calme. Il bouille de rage, ses mains tremblent comme s'il se retenait d'étriper mon agresseur. Au lieu de cela, il lui passe les menottes et laisse ses collègues l'emmener.
Il bouge ses lèvres et je devine qu'il me parle, mais je n'entends rien. La dernière chose que je sens avant de sombrer est ses mains chaudes qui me soutiennent.
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