Chapitre 1

    Je décide de tenter le tout pour le tout.

Je ralentis.

Peut-être que s'il voit que je reviens sur le droit chemin, (façon de parler, hein ! Je ne roule pas si mal que ça, du moins lorsque je ne suis pas en train d'accoucher) il va cesser de me prendre en chasse.

Sauf que ça ne fonctionne pas. Il allume les sirènes en même temps qu'une contraction survient et je freine brusquement.

Au début, elles étaient inconfortables, mais maintenant, c'est une vraie torture. J'essaie d'inspirer, mais je suis incapable de me concentrer sur ma respiration comme on me l'a appris à mes cours prénataux. J'attends seulement que ça passe.

Je sursaute lorsqu'on frappe à la vitre de ma portière. Mince ! J'avais oublié le flic qui me pourchassait.

J'ouvre alors ma fenêtre et il me houspille, l'air fort contrarié :

— Madame ! Votre conduite est dangereuse. Veuillez sortir du véhicule.

— Mais...

— Vous rouliez au-dessus de la limite de vitesse permise, puis vous avez ralentis considérablement en-dessous pour finalement vous arrêter brusquement en plein milieu de la route. Êtes-vous ivre ?

J'éclate de rire. Je préfèrerais milles fois être soûle qu'en train de souffrir le martyre ainsi.

— Il n'y a rien de drôle dans ce que je viens de vous dire, me coupe-t-il. Veuillez souffler dans l'éthylomètre.

Il me tend l'appareil, que je fixe avec suspicion. Il veut vraiment que je souffle dans son truc ? J'ai déjà de la difficulté à respirer librement avec le bébé qui me coupe le souffle.

— Euh...je crois que ça ne sera pas possible, réponds-je.

Il commence à perdre patience. Je ne vois pas bien son visage dans la pénombre. Il porte une casquette d'officier, qui cache une partie de ses yeux, mais je devine que ceux-ci me lancent des éclairs.

— Ça suffit ! s'exclame-t-il. Sortez immédiatement ou je vous emmène au poste.

Je préfèrerais qu'il m'emmène à l'hôpital.

— Euh...il y a un petit problème.

Il porte la main à sa ceinture et je me crispe en remarquant l'arme qui y est accrochée.

— Ne m'obligez pas à employer la méthode forte, m'avertit-il.

— D'accord, abdiqué-je finalement.

Il s'écarte de la voiture tandis que j'ouvre ma portière et je me lève avec la même grâce qu'une baleine échouée.

Alors que je me mets debout de peine et de misère, une autre contraction commence et me fait crier.

Le policier me fixe, ahuri. Je le vois mieux, maintenant que je suis à l'extérieur de ma voiture. Il est plus jeune que je le croyais. Les traits de son visage laissent deviner qu'il a la fin vingtaine. Je n'ai pas le temps de le détailler davantage puisque je dois me concentrer pour rester debout et ne pas m'affaler comme une crêpe par terre.

— Qu'est-ce qui vous prend ? me demande-t-il. Si vous faites exprès pour...

— Le bébé...haleté-je en grimaçant de douleur. Il...s'en... vient.

Si je n'étais pas dans une aussi mauvaise posture, j'aurais éclaté de rire en apercevant sa mâchoire se décrocher. Il voit que je ne fais pas semblant. Premièrement parce que je tiens mon ventre bombé et, deuxièmement, du liquide amniotique recouvre presque l'intégralité de mon pantalon.

— Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit avant ? s'insurge-t-il.

— Vous ne m'avez pas laissé en placer une.

Il sort un talkie-walkie de sa poche.

— Marc, appelle une ambulance, dit-il dans l'appareil.

J'entends grincher, puis une voix répond :

— Un accident ?

— Non, une femme en train d'accoucher.

Silence.

Puis...des éclats de rire.

— Pourquoi faut-il toujours que ce soit toujours toi qui aies ce genre de rebondissements, Mason ?

— Contente-toi de m'envoyer une ambulance le plus rapidement possible, répond celui-ci en ne me quittant pas des yeux.

Si ce Mason ne me laisse pas partir, son « rebondissement » va se transformer en catastrophe et il va devoir m'accoucher ici, sur le bord de la route. Je n'ai aucunement envie qu'il me voit dans cette posture.

Mes jambes ne tiennent plus et je m'affaisse par terre.

— Vous êtes seule ? me demande le policier en fronçant les sourcils. Où se trouve le papa ?

— Quel papa ? ricané-je. Ce trou du cul qui vient de me larguer pour son collègue de travail ? Bon débarras !

J'aurais néanmoins aimé que quelqu'un m'accompagne dans cette épreuve, mais la chance n'est pas avec moi.

— Avez-vous un téléphone pour que je puisse appeler ma mère ? lui demandé-je.

— Jamais sur mes heures de travail.

Bon, ça devra attendre que je sois arrivée à l'hôpital. Si j'y arrive à temps.

— Vous ne devriez pas rester par terre, me conseille-t-il. C'est dangereux. Un véhicule pourrait dévier de sa route et vous happer.

Je le fixe, hébétée.

— Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un qui est en état de se lever ? Abruti !

— Madame, si vous n'étiez pas en train d'accoucher, je vous passerais les menottes pour non respect envers un...

— La ferme ! hurlé-je alors qu'une contraction me faisait grimacer.

Il se tait et attend en silence pendant les trente secondes où je m'efforce de respirer.

— En passant, c'est mademoiselle, lui précisé-je lorsque la contraction est enfin terminée.

Pourquoi a-t-il fallu que je tombe sur un policier de mon âge ? Cela n'aurait pas pu être un vieux de cinquante ans qui avait déjà vu sa femme accoucher à cinq reprises ? Et non ! Je me retrouve avec un jeune flic qui ne s'y connaît apparemment pas en accouchement.

- On ne vous forme pas pour ce genre d'urgence, à l'école ? questionné-je.

Il me fixe, dubitatif.

- Habituellement, ce sont les ambulanciers qui s'occupent de ce genre de cas. D'abord, pourquoi ne pas les avoir appelés ? C'était inconscient de prendre votre voiture. Imaginez qu'une contraction vous ait fait perdre le contrôle. Vous auriez pu vous blesser, vous et le bébé. Ou quelqu'un d'autre.

- Mon téléphone était à plat, réponds-je, blasée. Et je préférais prendre ma voiture au lieu de l'autobus et de crier à en perdre la voix au beau milieu de l'heure de pointe.

Il lève les yeux au ciel.

Les contractions deviennent de plus en plus rapprochées et je ne peux m'empêcher de hurler. J'ai envie de pousser, mais je ne veux pas donner naissance à mon bébé sur le trottoir.

- Je crains qu'on ne puisse pas attendre les secours, me dit l'officier. Vous allez devoir...

- Si vous me dites que je vais devoir pousser allongée sur du béton, je vous fais bouffer votre casquette, je l'interromps.

- Ce n'est pas le temps de faire votre difficile, me coupe-t-il. Enlevez votre pantalon.

J'ouvre la bouche choquée. Mais pour qui se prend-il ? Un infirmier ?

- Et qui va m'accoucher ? Vous ? Je suis sûre que vous ne savez même pas distinguer une tête d'un...

- Dépêchez-vous ! m'intime-t-il, ou c'est moi qui vous l'enlève.

- Hey ! m'écrié-je alors qu'il tire sur mon vêtement.

- L'idée de porter un pantalon aussi serré, grogne-t-il dans sa barbe.

Barbe qu'il ne possède pas.

- Ce n'est pas de ma faute si je fais de la rétention d'eau, répliquée-je outrée.

Alors qu'il s'apprête à rétorquer, j'entends les sirènes d'une ambulance. Alléluia ! Le véhicule se fraie facilement un passage parmi les automobiles qui roulent à toute vitesse. Aucun ne s'est arrêté par curiosité. Ouf ! Je n'aurais pas voulu retrouver une vidéo de moi dans cette position.

Les ambulanciers sortent une civière et s'approchent de nous. J'en pleurerais de joie si je n'étais pas en train de sangloter de douleur. On me hisse dans la civière tandis que d'autres voitures de police arrivent. Ce crétin de flic n'était pas obligé d'appeler le bataillon au complet !

Il discute avec eux tandis qu'on m'embarque dans l'ambulance. À mon plus grand étonnement, Mason monte à son tour.

- Que faites-vous ? l'interrogé-je.

- Je vais vous accompagner jusqu'à l'hôpital, me répond-il

- Et votre voiture ?

- Mes collègues vont la ramener au poste.

Ça alors ! Je suis certaine que ça ne fait pas partie de ses obligations ! Pourtant, je lui en suis fort reconnaissante car j'ai une trouille bleue.

- Ça ne devait pas se passer ainsi, je me plains. Mon ex-petit-copain devait m'accompagner.

- Il est rare que tout ce passe comme on le veut, me répond le policier.

Il détourne les yeux par politesse tandis qu'on m'examine.

- Vous êtes presque dilatée au maximum, m'informe l'ambulancier. Si dans dix minutes, nous ne sommes pas arrivés, vous allez devoir accoucher ici.

J'écarquille les yeux de stupeur.

Tu as entendu, bébé ? Reste encore au chaud dix minutes.

Il a dû m'entendre puisque j'ai finalement accouché dans une salle prévu à cet effet...en compagnie d'un policier. Je l'ai traité de tous les noms inimaginables, je lui ai broyé la main et j'ai même menacé ses bijoux de famille. S'il ne m'arrête pas après cet épisode, c'est que je n'ai pas autant la poisse que je le pensais.

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