Hey !

J'essaie de publier à un rythme pas trop mauvais, t'as vu !

C'est écrit sur Star Walkin' - Lil Nas X

Bonne lecture !

Chapitre 3

Les premiers jours en Croatie avaient été les plus calmes depuis un certain temps pour l'équipe. Un rythme léger s'était installé entre les entraînements, les visionnages des matchs des autres pays et les massages musculaires des kinés. Elohim en vint presque à oublier cette boule au ventre qui ne cessait pourtant de prendre de la place dans son esprit.

Une heure avant leur premier match de la compétition contre la Norvège, alors que Biélorussie-Autriche s'achevait sur un score de 27 à 26 pour l'ancien pays satellite de l'URSS, les joueurs français attendaient que le terrain se libère pour s'entraîner. 

La vision du public qui se remplissait, son cerveau qui ne manquait pas de lui rappeler ses passes ratées tout au long de la semaine précédente, Elohim commençait à sentir son rythme cardiaque accélérer dangereusement. A l'instant même où sa respiration devint incontrôlable, il s'éclipsa le plus discrètement possible dans un vestiaire vide. Il s'assit contre un mur et tenta de retrouver un rythme normal mais cela semblait impossible. Les battements irréguliers de son cœur étaient assourdissants, le bruit de la foule embrumait son esprit et l'air venait à manquer. Les images de ses échecs défilaient en boucle, il essayait tant bien que mal de demeurer dans cette réalité, mais se gratter ne semblait plus avoir aucun effet. Il était comme voué à perdre pied.

Jae, ayant depuis un certain temps organisé ses affaires sur ce qui allait être le banc de l'équipe pendant ce match, observait les joueurs attendre dans un coin du terrain. Il remarqua également Elohim retourner vers les vestiaires et ne pas revenir, même lorsque l'entraînement s'apprêtait à commencer. Ce joueur l'intriguait plus qu'il n'était convenable et il ne résista pas à partir à sa recherche. Il ouvrit plusieurs portes et finit par tomber dans un vestiaire non éclairé dans lequel Elohim était recroquevillé, hors d'haleine, un filet de sang dégoulinant de son poignet. Il se précipita pour s'agenouiller en face.

- Elohim ? Est-ce que ça va ?

Il ne répondit rien, il ne semblait même pas l'entendre. Ses yeux étaient fermés et il remarqua que sa poitrine se soulevait bien trop rapidement. Il posa une main sur son visage pour susciter une réaction. Il sursauta et sa panique s'accentua.

- Elohim, tu fais une crise de panique. Il faut que tu essayes de te calmer.

C'était peine perdu. Il n'arrivait même pas à parler et des larmes commençaient à naître dans le coin de ses yeux. Son visage ne délivrait que de la détresse et Jae ressentit un petit picotement au cœur.

- On va faire un exercice, je vais inspirer et expirer avec toi et tu essayes de m'imiter.

Elohim répondit par un hochement de tête à peine perceptible. Jae attrapa sa main et la plaqua contre sa propre poitrine pour qu'il ressente la respiration. Dans un autre contexte, il aurait sans doute rougi jusqu'aux oreilles.

Elohim essaya de se concentrer sur son rythme. 

Inspirer. 

Il luttait contre ses images parasites et paralysantes. 

Expirer. 

Oublier cette pression écrasante. 

Inspirer. 

Il ne devait penser qu'à suivre Jae. 

Expirer. 

A sa main qui épousait les formes de son torse.

Au bout de quelques minutes, il était parvenu à se détendre un peu.

- M-Merci, parvint-il à articuler tant bien que mal.

Jae lui sourit et laissa retomber la main d'Elohim pour se concentrer sur le poignet.

- Tu te grattes depuis longtemps ?

- Non, juste depuis le milieu de semaine, murmura Elohim d'une voix emprise de honte.

- Pourquoi tu n'es pas venu m'en parler ?

Elohim haussa les épaules.

- C'est mon rôle de vous aider à gérer votre stress, vos émotions, je ne vais pas te juger.

- Je suis ridicule, je ne supporte plus cette pression, ça me bouffe.

Jae leva les yeux au ciel. Il était vraiment borné.

- Tout le monde fait des crises d'angoisses, ça ne fait pas de toi quelqu'un de moins bon ou de moins légitime à faire partie de l'équipe.

Il ne répondit rien. A cet instant, sans doute qu'aucun argument aussi rationnel soit-il ne pouvait le convaincre. Devant son absence de réaction, le médecin se releva.

- Je vais chercher de quoi te soigner, je reviens.

Elohim le regarda s'éloigner et posa sa tête sur ses genoux. Dans quelle situation il s'était encore mis ? Il n'y avait vraiment que lui pour paniquer pour trois pauvres minutes de jeu.

Jae entra à nouveau en prenant soin de fermer la porte derrière lui. Il attrapa délicatement le poignet et avec une compresse stérile essuya le sang.

- J'ai une crème pour réhydrater la peau, ce n'est pas spécialement pour l'eczéma mais ça fera l'affaire le temps que j'en récupère.

Elohim acquiesça silencieusement.

- Ca va être un peu froid, prévint Jae.

En effet, le contact de la crème avec sa peau lui déclencha un frisson. Ou peut-être était-ce le contact de ses doigts. Rien que cette idée le fit déglutir difficilement. Il ne comprenait pas trop pourquoi la présence de cet homme le mettait si mal à l'aise.

Une fois terminé, il strappa le poignet.

- La nuit tu l'enlèves et tu remets de la crème pour laisser ta peau se régénérer. Si jamais tu sens que tu perds pied à nouveau, tu viens me voir, d'accord ?

Leurs regards se croisèrent et ils oublièrent tout le monde qui les entourait en une fraction de seconde. Il n'y avait qu'eux, seuls dans l'univers, aucune compétition, aucune pression, simplement la sensation irréelle d'être à leur juste place. Ce fut Jae qui détourna le premier les yeux. Il se leva et tendit sa main pour l'aider.

- Aller champion, tu as un match à gagner. Va t'échauffer et rappelle toi que tu mérites ta place dans cette équipe. Et aucune passe ratée ne changera ça.

Elohim sourit doucement et ils partirent en direction du terrain. Guillaume Gilles fit une réflexion au joueur mais le médecin le couvrit, assurant que c'était de sa faute s'il était en retard.

Jae s'assit sur le banc, rangeant la crème, et l'observa rejoindre les autres. Il espérait vraiment que ce match se déroulerait correctement, peut-être que l'avenir professionnel d'Elohim Prandi en dépendait, tout comme sa santé mentale.

Comme prévu, le match fut difficile. Les Norvégiens, avec à leur tête la machine Sander Sagosen, avait une équipe particulièrement offensive et talentueuse. Heureusement, les Français n'étaient pas en reste et répondaient coup pour coup. Nedim joua une bonne partie du match et sa relation avec Ludovic était lumineuse, peut-être pas aussi flamboyante qu'auparavant, mais nettement supérieure aux entraînements. Elohim rentra quelques minutes à la fin de la première mi-temps. Et, comme tout le monde s'en doutait sauf lui, il n'avait rien perdu de son talent, marqua trois buts, permettant à l'équipe de rentrer aux vestiaires avec deux points d'avance. Alors qu'il s'asseyait sur le banc, Jae lui tendit une serviette et ajouta un petit clin d'œil complice. Il avait réussi son entrée dans ce mondial.

Le match s'acheva sur un score de 32 à 31 pour la France. Elohim n'était pas rentré pendant la seconde mi-temps mais il était certain d'avoir montré son maximum et qu'il gratterait des minutes au prochain. Nedim sauta dans ses bras, ne cachant pas son bonheur, même si ce n'était pas le match avec le plus d'enjeu.

- C'était du grand Elohim ce soir !

- Tu peux parler, rigola-t-il. Tu as servi des caviars à Ludo !

Nedim afficha un large sourire, comme si cette information le rendait plus joyeux qu'aucune autre.

- Man, that's was an amazing game. You were unstoppable Elo, les félicita Sander, leur coéquipier du PSG.

Nedim et Elohim lui répondirent par une accolade chaleureuse.

- Well, the score is so tight. See you at the final, rigola Nedim.

Elohim n'était pas fan de l'état d'esprit de ce Norvégien mais son talent était indéniable. Il ne s'attendait pas vraiment à le voir les féliciter, une bonne surprise de plus.

Il retira son maillot dans les vestiaires et posa ses doigts sur son poignet strappé. Il repensa à l'incident dont Jae avait été témoin. Étrangement, il avait presque envie de se retrouver seul avec lui à nouveau. Cette pensée lui faisait un peu peur et il se promit d'éclaircir ce mystère.