Chapitre 19
Bon...
Avec l'Euro de malade qu'ils ont fait, je suis obligée de reprendre cette fanfic je crois...
Enfin Prandi fait une bonne compétition internationale (son mondial avait été cata haha) ça fait plaisir.
Et que dire de la compét de Remili et Fabregas, le bonheur
Bonne lecture ! Profitez bien !
Chapitre 19
La nuit précédant le premier jour du procès, Elohim ne ferma pas l'œil une seule minute. Il ressassait l'agression, ressentant chaque coup de couteau dans sa chair, recevant les insultes comme si l'homme était en face, percevant la douleur comme si c'etait hier.
Il avait l'étrange pressentiment que s'il se retrouvait face à cet individu, il retrouverait ses cauchemars, ses travers, ses angoisses, tout ce qu'il avait mis tant d'énergie à chasser de sa vie. Peut-être que peu importait à quel point il se battait, la vie prenait toujours un malin plaisir à lui rappeler qu'il n'était qu'un instrument manipulé par les doigts d'un destin avec un sens de l'humour particulier dirons-nous.
Il continuait parfois à laisser son esprit vagabonder jusqu'à Jae. Que faisait-il ? Où était-il ? Était-il heureux ? Pensait-il à lui ? Au moins un petit peu ? Lui pensait bien trop à lui pour espérer guérir un jour. Il avait même masqué son nom de toutes les plateformes d'informations pour ne pas risquer de croiser des éléments de sa nouvelle vie par hasard.
Tous les autres aspects de sa vie lui semblaient corrects, à savoir son niveau de jeu, son corps, sa famille et ses amis. Lorsqu'on survivait à une attaque mortelle, les proches devenaient plus attentifs et prévenants et Elohim en profita sans doute plus souvent que la politesse ne le tolérait, mais il estimait qu'il avait au moins le droit a ce privilège.
La presse spécialisée dans le sport avait passé la semaine a lui demander des interviews, à publier des articles bâclés sur l'agression, avec des titres racoleurs et des informations la plupart du temps fausses. Il ne comptait plus le nombre de fois que le mot "accident" fut écrit. Il n'en pouvait plus de ce mot. Ce n'était pas un accident. Tomber d'un escabeau, glisser sur du verglas, s'étouffer avec une arête de poisson, c'étaient des accidents. Certainement pas une agression au couteau, à trois heures du matin, avec des insultes homophobes pour couronner le tout. Il essayait tant bien que mal de se calmer, de suivre les conseils de son avocat et de ne surtout pas réagir sur les réseaux sociaux.
Entre manque de sommeil, café froid et un début d'angoisse, Elohim arriva devant le Palais de Justice où débuterait le procès. Il remarqua quelques personnes avec des caméras ou des appareils photo. Il rabattit la capuche de son manteau et espéra qu'il passerait inaperçu.
Mais, attendant depuis plusieurs heures dans le froid, ces journalistes ne laissèrent pas une ruse aussi grotesque les tromper. Il entendit des "Elohim" l'encercler et l'oppresser dangereusement. Une petite troupe l'entoura alors qu'il grimpait les marches en pierre blanche. Il ne pouvait saisir la moindre question posée tellement les mots se mélangeaient et ne formaient plus qu'un brouhaha difforme et angoissant. Elohim continua de fixer droit devant lui, sa capuche et ses cheveux bouclés dissimulant son visage, sentant qu'il suffirait d'un léger coup de stress pour qu'il puisse s'effondrer devant tout le monde.
- Elohim, qu'est-ce que vous répondez aux rumeurs qui disent que vous avez provoqué l'accusé pour une histoire de verre brisé ?
Pourquoi, parmi toutes les questions posées, avait-il dû entendre celle-là en particulier ? Il s'arrêta net. Il n'en pouvait plus. Comme s'il était responsable. Comment quoique ce soit pouvait-il être de sa faute ?
Il plongea ses yeux dans ceux du journaliste et un silence pesant s'installa. Tout le monde voulait entendre la réponse. Il savait qu'il ne devrait pas. Il savait que seules des insultes pouvaient sortir de sa bouche. Son avocat lui avait demandé de les ignorer. Pourquoi n'écoute-t-on jamais les avocats ?
Il entrouvrit les lèvres mais à l'instant où il s'apprêtait à remettre le journaliste a sa place, une main vint entourer ses épaules. Nedim, lui aussi en costume cravate, s'était frayé un chemin jusqu'à lui et écrasait la foule de toute sa hauteur. Il détourna avec sa main un appareil photo à quelques centimètres d'Elohim et lança des regards perçants aux journalistes. Le cercle s'écarta un petit peu et il reporta son attention sur Elohim. Il lui sembla plus perdu que blessé et, laissant son bras autour de lui, ils grimpèrent le reste des marches, alors que les journalistes restaient à l'extérieur.
Une fois dans le Palais de Justice et à l'écart du brouhaha ambiant, Nedim baissa la capuche derrière laquelle son ami se cachait.
- Tout va bien ?
Elohim haussa les épaules.
- Ne fais pas attention à ce qu'ils disent. Un jour ils t'adorent et l'autre ils te traînent dans la boue, c'est la vie.
- J'aimerai bien avoir ton calme. Franchement j'ai cru que j'allais le frapper.
- J'ai bien fait d'arriver en avance alors ! dit Nedim en riant, espérant que cela détende un peu Elohim
- Tu as mis ton seul costume pour moi ? Je suis trop touché !
- J'ai trop la classe, n'est-ce-pas, s'exclama le demi-centre.
Elohim ne répondit rien et se contenta de pouffer.
- Au fait, tu as vu J...
Nedim n'eut pas le temps de continuer sa phrase que Luc Steins, Ferran Solé, Kentin Mahé, Yanis Lenne et toute une flopée d'autres joueurs arrivèrent vers eux. Elohim ne parvint pas à fermer sa bouche, surpris de voir autant de soutien.
- Vous ne m'aviez pas dit que...
- Nedim a menacé de nous tuer si on ne venait pas, dénonça Kentin en lui faisant une accolade.
- N'importe quoi, nia le principal intéressé sans oublier de faire un demi-sourire.
D'autres amis arrivèrent par la suite, ainsi que ses parents et des membres de sa famille plus éloignée et il n'eut finalement pas le temps de laisser une vague de panique prendre le dessus.
Les portes s'ouvrirent et la foule entra, aucun journaliste ou personne non accepté auparavant ne fut autorisé à pénétrer, le procès en huis clos ayant été ordonné par le juge. Elohim prit place aux côtés de son avocat, laissant les bancs derrière lui, aux amis et à sa famille.
Il ne fallut pas plus de quelques minutes d'attente avant que l'accusé soit amené par deux policiers. Elohim le regarda droit dans les yeux et il n'aurait peut-être pas dû. Dans ses souvenirs, il n'avait pas été particulièrement marqué par la jeunesse de ses traits mais à présent ça lui sautait à la figure. Il ne devait pas dépasser vingt ans. Lorsqu'il croisa son regard, son sang se glaça et un frisson parcourut son dos, aux endroits précis où il avait été poignardé. Il se força à ne pas détourner la tête, craignant que cela passe pour un aveu de faiblesse. L'accusé avait un air presque amusé par la situation et il en serra les poings presque jusqu'à ce que ses jointures blanchissent.
- La cour, annonca l'huissier et chacun se leva.
Les trois juges, le procureur de la République entrèrent et se disposèrent à leur place respective.
Et le procès commença.
Le tirage des jurés. Les faits. L'enquête policière. Les témoignages de Paloma et de son copain Hannibal, pour décrire ce qu'il s'était passé deux minutes à peine avant le drame.
Jusqu'ici tout va bien, pensait Elohim pour se rassurer.
La deuxième journée du procès porta sur la description de l'accusé, les expertises médicales et psychiatriques. L'accusé nia toute motivation haineuse dans son geste. C'était simplement une histoire de verre renversé. Il assumait avec cet éternel petit sourire sur les lèvres, une espèce de fierté.
L'expertise du psychiatre montra qu'il se pensait comme un héros sauveur d'un monde en péril. Tout son parcours politique illustrait des activités auprès de groupuscules d'extrême droite, catholique intégriste, prenant pour cible au choix toute personne non-blanche ou non hétérosexuelle. Il ne fut à aucun moment désigné comme irresponsable de ses actes.
Jusqu'ici tout va bien.
Le troisième jour était celui qui stressait le plus ELohim. Son témoignage. Devant tout le monde. Devant son agresseur. Il sentait qu'il suffirait d'un ricanement de sa part pour qu'il s'effondre, quitte la pièce et ne revienne jamais.
Son nom fut appelé à la barre.
Il se leva et fit face à la cour avec le plus d'aplomb possible. Il déclina son identité comme demandé, puis décrivit l'attaque en prenant bien soin de ne jamais se retourner vers l'homme.
- J'étais dans une soirée pour le nouvel an. Aux alentours de trois heures du matin, je suis sorti prendre l'air, il faisait très chaud à l'intérieur. J'ai vu Paloma qui avait fait un show et je suis allé lui dire que j'avais beaucoup aimé, elle m'a présenté son copain. Ensuite, ils sont retournés à l'intérieur et moi je me suis décidé à rentrer. J'avais beaucoup bu et j'étais fatigué.
Elohim reprit son souffle. Tous ces regards posés sur lui le rendaient nerveux. Il y avait de nombreux joueurs qui sans aucun doute avaient compris qu'il était gay. Et même s'il avait compris que Nedim avait dressé une liste en fonction de ceux qui avaient bien accueilli son coming-out, il demeurait au fond de lui une petite voix ne se gênant pas pour lui rappeler qu'ils pourraient tous l'abandonner suite à cette révélation. Ses parents en premier lieu. Ils n'avaient jamais vraiment parlé de ces questions ensemble. Et même s'ils n'avaient jamais assumé de discours homophobes, certaines personnes pouvaient toujours être surprenantes.
- J'ai senti quelqu'un me toucher l'épaule, me traiter de... pédé et me frapper jusqu'à ce que je tombe au sol. Il m'a frappé dans les côtes puis dans les doigts. Je me suis relevé un moment mais il m'a rattrapé et c'est là... qu'il m'a poignardé.
Il y eut des chuchotements dans la salle. La cour commença à poser des questions.
- Etes vous en mesure d'assurer que l'agression dont vous avez été victime était homophobe ?
- C'etait devant une boite gay, il m'a insulté à plusieurs reprises comme c'est écrit dans le procès verbal. Je pense que oui, en tout cas je l'ai vécu comme tel.
- Pouvez-vous expliquer quelles ont été les conséquences de cette agression sur votre vie personnelle et professionnelle ?
- Je suis handballeur professionnel. J'ai dû arrêter pendant six mois et ça a été très dur de retrouver mon niveau. Je fais des cauchemars, j'ai peur de me retrouver seul dans les rues.
Très honnêtement, il aurait pu rajouter bien des traumatismes à cette liste mais il se refusait à s'apitoyer sur son sort. Il n'avait pas encore compris qu'il s'agissait simplement que justice soit rendue.
Le procureur prit la parole.
- Etes vous en mesure d'identifier l'accusé comme hauteur des coups de couteaux ?
- J'ai mis du temps à me souvenir de tous les détails de la scène mais j'ai fini par me rappeler de son visage, des vêtements qu'il portait, de sa voix, même de la marque de ses chaussures. J'ai l'image des gouttes de sang qui tombent sur des Nike rouges... murmura Elohim, s'excusant presque de garder cela en mémoire.
Son avocat lui posa également quelques questions qu'ils avaient préparé en amont, sur les insultes, sur les violences. Il évoqua le parcours de santé interminable et le bilan psychologique des traumatismes subis.
Ensuite, ce fut le tour de l'avocat de la défense.
- Combien de verres d'alcool avez-vous bu cette nuit-là ?
Elohim sentait qu'un piège se refermait petit à petit sur lui.
- Je ne sais plus exactement. Trois pintes de bière, quelques shot.
- C'est en effet ce que vous expliquez dans votre procès verbal et si on calcule, depuis votre heure d'arrivée dans la boîte à trois heures du matin et l'heure de l'agression, on arrive à presque deux grammes d'alcool dans le sang.
D'un coin de l'œil, Elohim vit les lèvres de l'accusé se former en un rictus amusé.
- Comment avec un tel taux d'alcoolémie pouvez-vous vous souvenir d'une marque de chaussure ou d'une insulte ?
Des soupirs de protestations dans la salle.
- J'étais soul, mais je me souviens très bien des insultes.
- Dommage qu'il n'y ait aucun témoin pour corroborer votre version. Autre question, Monsieur, comment pouvez-vous assurer que mon client ait été seul à lancer cette attaque ? Au vu de votre alcoolémie, il est tout à fait possible que vous vous soyez disputés pour une histoire quelconque, disons au hasard de verre brisé, et une bagarre a éclaté.
Elohim sentit ses membres trembler de colère.
- Oui enfin, a priori c'est moi qui aie reçu les coups de couteau, pas lui.
L'avocat l'ignora et s'adressa aux jurés.
- Mon client a toujours été franc. Il a reconnu l'agression. Cependant, il ne l'a jamais fait pour des raisons homophobes. La justice ne peut condamner quelqu'un sur les bases d'un seul témoignage dont le jugement a été fortement altéré par l'alcool. Un seul doute suffit à acquitter un accusé, je demande donc aux jurés de ne pas rendre coupable mon client de crime homophobe et...
- Vous n'êtes pas en plaidoirie, Maître, le rappela à l'ordre un juge.
Elohim observait médusé le spectacle se déroulant sous ses yeux. Il était traité de menteur, il était même accusé d'avoir provoqué son agresseur.
Oui, il avait bu, mais cette chaussure, ces mots, il les avait gravés dans sa peau. Il ne pouvait les inventer. Un aveugle le verrait.
- Maintenant tout est interprété comme homophobe ! On ne peut plus rien dire ! s'exclama l'accusé depuis son box.
Le juge demanda immédiatement le silence.
- Vous n'avez pas la parole !
Elohim ne savait plus où se mettre.
- Regardez le, ça se voit qu'il n'est pas pédé !
- Silence !
Des larmes lui montaient aux yeux. Il retrouva une sensation bien connue parcourir ses veines. Il avait honte. De lui-même, de ne pas parvenir à se défendre, d'être faible, impuissant. Il se mit à trembler, à respirer difficilement. Il s'appuya sur la barre mais il manquait bientôt d'air.
A l'instant où le juge ordonna une suspension de séance pour renvoyer l'accusé se calmer, Elohim se précipita en dehors de la salle. Sa gorge se contractait, ses poumons ne parvenaient pas à se gonfler, sa tête menaçait d'exploser, colonisée par des milliers d'idées sombres. Il poussa une porte pour trouver de l'air frais. Les noirceurs de son esprit avait beau le dévorer de l'intérieur, lorsque deux bras familiers l'entourèrent, elles disparurent aussi vite qu'elles étaient apparues.
Il ne comprit pas tout de suite. Il était ailleurs.
Ce fut cette voix.
Cette voix qui le hantait des nuits entières, le ramena dans la réalité, l'empêcha de disparaître.
- Chut, calme-toi. Tu ne risques plus rien. Je suis là.
Elohim ne comprenait plus rien mais il se laissa aller dans ces bras.
- Je suis là. Je ne te quitte plus.
Merci pour la lecture ! Je poste un autre chapitre dans la foulée !
Bonne soirée
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