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Nous avons fini nos boissons depuis une éternité mais cela ne nous a pas gênés. Nous avons continué de parler. La discussion est passée d'un sujet à un autre avec fluidité, naturel. Sa famille. La mienne. Le cinéma. Son travail. Ma passion pour le Handball. La musique. Mes chiens. Sa peur de la vitesse.
Je n'ai pas vu le temps s'écouler. Bien entendu, il continue sa drague mais elle est plus subtile. Il est devenu un peu plus tactile aussi à mesure que les minutes passaient. Me toucher le bras. Remettre une mèche de mes cheveux en arrière. Caresser légèrement du bout des doigts les miens. Mais tout ça me plaît. Beaucoup.
- Pédale ! s'écrie un gars à quelques mètres de nous.
Instinctivement, je tourne la tête vers l'individu et me redresse de toute ma hauteur.
- On est pas des pédales au PSG ! lui répond un autre. Contrairement à vous !
Les deux se rapprochent l'un de l'autre et je n'ai aucun doute avec le fait qu'ils soient bien alcoolisés.
- J'aime pas cette expression, me souffle-t-il.
- Qui peut l'aimer à part les homophobes ? rétorqué-je en ne quittant pas les deux mecs des yeux.
- Ta... ta famille est au courant ?
Le ton d'Harry a changé. Il n'est plus enjoué, sûr de lui. Je reporte mon attention sur lui et le trouve les yeux baissés sur son verre vide alors que les doigts de sa main droite dessinent des formes invisibles sur la table.
- De quoi ?
- De... Ton orientation sexuelle...
- Ah ! m'exclamé-je, étonné qu'il me pose cette question. Euh... Oui. Mes sœurs ont été les premières au courant. Puis quand j'ai commencé à sortir avec Calvin, j'ai dit simplement à ma mère que j'avais un homme dans ma vie.
- Sans... Sans faire de vrai coming out ?
Je hausse l'épaule. Je n'ai jamais compris le principe de devoir en faire un. Ma sœur n'en a pas fait avant de sortir avec Tommy.
- C'était peut-être ça mon coming out. Mais en vérité, je n'ai jamais été élevé avec l'idée que je devais avoir une fille dans ma vie. Ma mère ne m'a jamais demandé si j'avais une amoureuse à l'école. Elle a toujours... je ne sais pas...
Je cherche mes mots, ne sachant pas vraiment comment expliquer ma situation.
- Elle a toujours fait en sorte de nous laisser libre de nos choix.
Harry rit mais je sens bien que ce n'est pas un rire joyeux, comme lorsqu'il se moquait gentiment de moi plus tôt dans la soirée.
- Tu as de la chance. La mienne... La mienne passe son temps à vouloir me marier avec les filles de ses amies.
- Tu ne lui as pas dit ? je m'étonne, malgré moi.
- Non...
Il relève enfin les yeux vers moi et m'explique.
- Je suis bisexuel et je me suis toujours dit que... A quoi ça sert de lui dire ça si un jour, je me marie avec une femme finalement ?
- Pour qu'elle sache qui tu es vraiment peut-être ?
- Je ne veux pas... La perdre.
Je me permets alors de lui prendre la main pour lui montrer mon soutien. Je pourrais lui faire un grand discours sur l'acceptation de soi, de l'amour maternel, de la nécessité de dire la vérité aux personnes de qui nous sont les plus proches.
Cependant, je me refuse de le faire parce que ce choix ne m'appartient pas. Je ne peux pas me mettre à sa place et décider pour lui mais surtout, je ne peux pas le forcer à faire son coming out. Alors je change de conversation :
- Tu ne m'as pas répondu tout à l'heure... Pourquoi tu me cherchais ?
Il sourit alors que son pouce frôle doucement le dos de ma main.
- En réalité, je ne sais pas vraiment, m'avoue-t-il.
- Tu dois bien avoir une petite idée, non ? le pressé-je.
- Peut-être pour la même raison que toi tout à l'heure... Pourquoi es-tu retourné sur le terrain ?
- Pour...
Mais mes mots se perdent. Après un long silence, il se rend à l'évidence qu'il n'obtiendra rien de moi alors il poursuit :
- Il y a quelque chose en moi qui m'a dit de retourner sur le terrain, qui m'a dit de te chercher dans tous ces bars. Quelque chose de puissant, d'invisible... Je ne sais pas... Tu dois me prendre pour un psychopathe ou dans le meilleur des cas pour un fou.
Pour la première fois depuis de le début de soirée, il rougit, mal à l'aise par sa déclaration.
- Non.
Il relève la tête vers moi, surpris que je lui dise ça.
- Je crois que je ressens pareil...
Un sourire éclaire finalement son visage. Il fait un pas sur le côté et nous nous retrouvons à quelques centimètres l'un de l'autre. Mes yeux se délectent de sa peau claire, de sa barbe d'un jour ou deux, de ses grains de beauté, de sa bouche gourmande, de ses yeux malicieux... Il est beau, très beau.
Son regard se rive sur mes lèvres et mon estomac a un sursaut d'anticipation parce qu'à cet instant, j'aimerais qu'il efface la distance qui nous sépare et qu'il m'embrasse. Même si nous sommes à la terrasse d'un bar. Même s'il y a des dizaines de personnes autour de nous. Même si je ne suis pas quelqu'un qui s'affiche en temps normal.
- J'aimerais t'embrasser, murmure-t-il.
Je me passe la langue sur les lèvres, avec envie.
- Moi aussi.
Il s'approche de moi mais quand mes yeux se ferment, je vois mon lit vide demain matin et ça me fait un électrochoc. Je pose ma main sur son torse et le repousse doucement.
- Mais...
Je déglutis. Si je suis parti tout à l'heure, c'est que je n'étais pas prêt pour ce que ce « nous » allait être. Un coup d'un soir. Une parenthèse dans nos vies. Une apparition incroyable. Presque une illusion pour moi. Je ne peux pas être ce genre de mecs. Je ne le veux pas surtout.
Mes pieds me font reculer sans m'en rendre compte. Je m'éloigne de lui et mon corps a raison, c'est mieux ainsi pour pouvoir réfléchir et lui parler intelligemment.
- Je ne suis pas un cul...
Ses sourcils se froncent à mes mots et cinq secondes plus tard, je comprends ce que j'ai dit. Finalement, ça n'a pas aidé de reculer.
- OK, je voulais dire plan cul. Je... Merde...
Devant mon bafouillage, son sourire s'affiche fièrement me faisant rougir de honte. Je pose ma main sur mes yeux en me maudissant. Je reste un moment ainsi, cherchant mes mots.
- Je veux...
- Tu veux quoi ? insiste-t-il.
- Je veux, recommencé-je en baissant ma main. Je veux... Je ne sais pas ce que je veux mais je sais ce que je ne veux pas. Il est hors de question que je me fasse prendre dans les chiottes dégueulasses d'un bar...
Il ricane et je ne vois même pas ce qu'il y a de drôle dans mon affirmation.
- Déjà, personne n'a parlé de chiottes dégueulasses. Et puis...
L'une de ses mains vient jouer avec mes doigts qui dépassent de mon bandage. Nous regardons ce qu'il fait pendant quelques secondes avant qu'il lance :
- Je croyais que ta virilité t'empêchait d'être... pris !
Je dégage mes doigts de sa légère emprise et recule de quelques pas.
- Le problème actuel ne porte pas sur ça, sifflé-je entre mes dents.
Il jette un coup d'œil autour de nous et nous prenons alors conscience en même temps qu'il y a beaucoup de monde autour de nous et que ce n'est pas l'endroit pour parler de ça. Il pose une main sur mon torse et me pousse pour me faire reculer. Je me laisse faire sans résister puis fais demi-tour pour me mettre dans le sens de la marche alors que nous nous éloignons du bar.
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Sachez qu'il ne reste que deux chapitres !
J'espère que cette mini histoire vous plaît !
Merci à vous 💜
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